Saison de l’abbaye de Royaumont, Session de composition Voix nouvelles, salle des Combles, salle des Charpentes, Cuisine des moines, samedi 14 septembre 2013
L'abbaye de Royaumont. Photo : (c) Bruno Serrou
La rentrée musicale parisienne se
déroule chaque fin d'été à quelques encablures de la capitale, en un lieu magique jadis
monastère royal. Ouverte à toutes les musiques de tous les temps, la création
contemporaine et les jeunes espoirs de la composition y occupent une place
centrale.
Inaugurée voilà soixante dix sept ans, la Saison de Royaumont est le
rendez-vous musical le plus innovant de la fin d’été. Depuis 1964, sous l’égide
de la Fondation Groüin-Lang propriétaire de l’abbaye cistercienne fondée par
saint Louis aujourd’hui dans le Val d’Oise, elle propose une diversité de
programmation qui court de la Renaissance jusqu’à la création la plus hardie,
en passant par la danse, le jazz et les musiques traditionnelles.
Salle des Combles, le Namascae
Lemanic Modern Ensemble dirigé par Azis Sadikovic. Photo : (c) Agathe Poupaney
Ce premier samedi consacré à la jeune création contemporaine s’est
déroulé sous une pluie battante, contrairement à la coutume. Pas un instant de
répit n’a été concédé par la météo aux mélomanes pour s’égayer dans le parc presque
huit cents fois centenaire (1). Ainsi, la musique aura été la seule motivation
d’un public moins nombreux que la normale mais plus choisi et concentré que d’habitude.
Cette journée était placée sous l’égide de Brian Ferneyhough, directeur
artistique de la Session de composition Voix nouvelles qu’il anime depuis 1990,
entouré de deux nouveaux professeurs par sessions, cette année les compositeurs
Fabien Levy et Oscar Blanchi. Pour son soixante-dixième anniversaire, le
compositeur britannique aura été samedi dernier, à l’instar de son aîné György
Ligeti, qui aurait célébré ses 90 ans, le référent du jour.
Cette journée a néanmoins été consacrée pour l’essentiel aux
travaux d’élèves. Ces derniers ont comme toujours bénéficié d’interprètes de
haut rang, avec deux ensembles en résidence de grande qualité qui ont amplement
fait leurs preuves par ailleurs, le Namascae Lemanic Modern Ensemble basé à
Annemasse, à la frontière franco-suisse (Haute-Savoie), et l’ensemble strasbourgeois
Linea de Jean-Philippe Wurtz.
Salle des Charpentes, le Namascae
Lemanic Modern Ensemble dirigé par Elena Schwarz. Photo : (c) Agathe Poupaney
Quinze œuvres d’autant de stagiaires âgés de 20 à 30 ans ont été présentées
au public dans le cadre de deux concerts exécutés par les membres du Namascae
Lemanic Modern Ensemble dirigé tour à tour par le compositeur chef d’orchestre suisse
William Blank et par deux jeunes chefs découverts comme stagiaires de la
Session de direction d’orchestre Péter Eötvös/Linea au printemps dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/05/abbaye-de-royaumont-peter-eotvos.html),
le Suissesse Elena Schwarz et l’Autrichien Azis Sadikovic. Néanmoins, souvent dans
des partitions pour la plupart cantonnées à des formations réduites (trios, quatuors,
quintettes, sextuors), la nécessité d’un chef ne s’est pas toujours clairement
avérée indispensable, quelle que soit la difficulté d’exécution. Aucune pièce
ne s’est vraiment détachée du lot, à l’exception dans le premier des deux concerts
de l’après-midi salle des Combles d’Introspeccion
pour soprano, hautbois, clarinette, saxophone et percussion de l’Espagnole Carolina
Cerezo Davila (née en 1993), Cantor dust
pour basson, cor, trompette, trombone, percussion et contrebasse de l’Italien Zeno
Baldi (né en 1988) et d’Artificial White
pour soprano, saxophone, vibraphone, piano et quatuor à cordes du Britannique
Michael Cutting (né en 1987). Dans S88
pour soprano, piano et alto, l’Allemand Malte Giesen (né en 1988) dote ses
interprètes de gobelets en plastique amplifiés qui leur permettent d’émettre
des sonorités originales au sein d’une écriture sans réelle inventivité.
Salle des Charpentes, le Namascae
Lemanic Modern Ensemble et les compositeurs de la 24e Session Voix nouvelles. Photo : (c) Bruno Serrou
Dans
le second, présenté salle des Charpentes, s’est imposé le Mexicain Juan de Dios
Magdaleno (né en 1984) avec … Canto
cosmico… pour baryton, flûte et percussion rivalisant de bruits blancs et
de souffle avant que la voix ne module de plus en plus dans le grave, tandis
que Quartet « clothed like birds,
with wings as garments » pour hautbois, cor, trompette et percussion
de l’Autralo-Barhreïnien Luke Paulding (né en 1987) riche
en timbres et en couleurs, avec une partie de trompette sans doute difficile à
exécuter tant elle est tendue dans l’aigu, et Multiple Exposure pour flûte, hautbois, clarinette, cor, trompette,
trombone et contrebasse de l’Américano-Suisse William Dougherty (né en 1988)
exploitant les instruments à contre-emploi et usant de modes de jeux souvent
originaux, se sont avérées inventives. Mais le plus inattendu restera la pièce
emplie d’humour signée par le Polono-Coréen Eunho Chang (né en 1983), qui, avec
un inénarrable Le Café pour deux
sopranos - il convient ici de saluer la performance des deux cantatrices,
Angèle Chemin et Hélène Walter - rivalise avec le Duo des Chats de Gioacchino Rossini, instituant un dialogue de deux
femmes autour d’un café à la fin de courses dans un grand magasin où elles ont
acheté de la maroquinerie Vuitton, et qui découvrent aimer le même homme,
prénommé Riccardo… Les sopranos désireuses d’élargir leur répertoire de duettistes
devraient très vite s’emparer de cette page d’une dizaine de minutes…
Cuisine des moines, l'Ensemble Linea. Photo : (c) Bruno Serrou
Le concert du soir était confié à l’Ensemble Linea dirigé par son
directeur, Jean-Philippe Wurtz, ensemble qui, au terme de ses cinq ans de résidence à Royaumont, atteint désormais un niveau enviable. C’est sur une œuvre du compositeur américain
Alex Mincek (né en 1975), qui suivit ma Session de composition Voix nouvelles
en 2007, Chamber concerto donné en
création mondiale que s’est ouvert le programme hommage à Ferneyhough et
Ligeti. C’est d’ailleurs sur le modèle du Kammerkonzert
de ce dernier que Mincek a conçu sa partition, qui requiert le même
instrumentarium. Le premier des quatre mouvements s’ouvre sur un bourdon
de contrebasse et violoncelle qui prélude à des accords saccadés et des
attaques rêches de l’ensemble instrumental. Le mouvement central est très
mécanique d’essence avec des rythmes allant se décalant, conformément au modèle
ligétien. Coloré, vif et puissant, le morceau est rehaussé par les timbres
stridents du clavecin auquel fait écho un premier violon de braise, tandis que
le piano instaure une résonance somptueuse. Le troisième mouvement est aérien
avec cette note répétée à satiété du piano. Le lent final se présente tel un concerto grosso aux rythmes aquatiques
et se conclut sur une longue tenue d’orgue rejoint par le tutti. Donné en première audition française, fondé sur un florilège
de textes spirituels compilés par le moine Defensor, Liber Scintillanum (Livre des
étincelles) pour six instruments de Brian Ferneyhough (né en 1943) apparaît
étonnamment moins scintillant que l’œuvre de son ex-élève, est d’une complexité
rythmique saisissante qui instille pourtant une impression de stabilité et de
linéarité étonnante.
Cuisine des moines, Jean-Philippe Wurz et l'Ensemble Linea. Photo : (c) Agathe Poupaney
Le Kammerkonzert
de György Ligeti (né en 1923) a constitué le point d’orgue de la journée. Composé
en 1969-1970 pour treize instrumentistes (piccolo/flûte, hautbois/hautbois
d’amour/cor anglais, deux clarinettes/clarinette basse, cor, trombone,
clavecin/orgue électronique, piano/célesta, deux violons, alto, violoncelle,
contrebasse), ce concerto de chambre se situe dans la continuité de Lontano
(1967) tout en ouvrant la création de Ligeti sur de nouvelles perspectives.
Ainsi, le Kammerkonzert se présente-t-il comme une œuvre de synthèse,
ménageant à la fois un climat d’apesanteur et de statisme par l’emploi de la
« micro polyphonie » et une énergie d’où il émane au contraire une
impression de chaos. L’écriture particulièrement rigoureuse de Ligeti se porte
sur tous les niveaux de l’élaboration de l’œuvre, que ce soit dans
l’architecture des quatre mouvements comme dans la conduite mélodique,
canonique, sonore et temporelle. L’interprétation qu’en ont donné l’Ensemble
Linea et Jean-Philippe Wurtz s’est imposée par la beauté des timbres, la
précision des attaques, le fondu des sonorités, la souplesse d’exécution, la
précision du jeu, suscitant ainsi un plaisir de l’écoute sans limite, à mille
lieues de la prestation qu’en avait donné l’Ensemble du Lucerne Festival
Academy Orchestra sous la direction de Heinz Holliger en juin dernier en
clôture du Festival ManiFeste de l’IRCAM (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/07/heinz-holliger-conclut-le-festival.html).
Bruno Serrou
silvouplait donner moi tout de suite des composition connu avec le hautbois comme instrument jens veut 3
RépondreSupprimer