Montserrat Caballé (1933-2018). Photo : DR
Célébrée pour sa technique invincible
de soprano colorature, d’une maîtrise conquérante, sa voix connue pour sa
pureté d’arc-en-ciel, son homogénéité parfaite sur toute l’étendue de sa
tessiture, son exceptionnelle conduite de souffle qui en font l’une des plus
grandes cantatrices du XXe siècle, Montserrat Caballé aura marqué
notre temps.
Montserrat Caballé au côté de Luciano Pavarotti dans Tosca de Giacomo Puccini. Photo : DR
Née dans la pauvreté le 12 avril
1933 à Barcelone, où elle a fait ses études au Conservatoire du Liceu à partir
de 1942 grâce à un emprunt fait auprès d’une famille aisée de Barcelone qui l’avait
guidée dans ses études musicales, Maria de Montserrat Viviana Concepción Caballé i Folc, alias Montserrat
Caballé a fait ses débuts en 1956 sur la scène du Théâtre municipal de Bâle
dont elle est membre de la troupe pendant trois ans. Elle est ensuite engagée deux
ans à Brême, où elle chante un vaste répertoire de soprano lyrico-dramatique, avant
de se produire au Liceu de Barcelone dans Arabella
de Richard Strauss. Elle d’entreprend ensuite une tournée au Mexique en 1962 et
remporte l’année suivante un véritable triomphe dans sa ville natale.
Montserrat Caballé en 2012. Photo : Dr
Pourtant, sa carrière est continuellement remise en question, au point qu’elle
songe à y mettre un terme plus d’une fois. Or, en 1965, elle remplace à New
York, au pied levé et sans répétition, Marilyn Horne, qui est enceinte, lors d’une
représentation concertante de Lucrèce
Borgia de Donizetti à Carnegie Hall où elle fait sensation. Le Metropolitan
Opera l’engage aussitôt et elle y débute en Marguerite de Faust de Charles Gounod. C’est la consécration. La même année, elle
fait sa première apparition au Festival de Glyndebourne. Elle aborde alors tous
les styles, du belcanto le plus périlleux aux lieder et à la Mort d’Isolde de
Richard Wagner et à Salomé de Strauss.
Montserrat Caballé dans Turandot de Giacomo Puccini. Photo : DR
« Cantatrice universelle », à l’opposé de Maria Callas, son
aînée de dix ans dont elle a repris la plupart des rôles, elle n’accorde que
peu d’importance au théâtre, portant ses efforts sur la musicalité, la
perfection de l’émission, son extraordinaire nuancier. La Traviata au Metropolitan
Opera en 1967, qu’elle enregistre aux côtés de Carlo Bergonzi, Norma à l’Opéra de Paris et à la Scala
de Milan en 1972, rôle qu’elle enregistre avec Placido Domingo, et au Covent
Garden de Londres dans Traviata, c’est
à partir de cette époque qu’elle explore systématiquement le répertoire belcantiste, Rossini, Bellini,
Donizetti, les œuvres de jeunesse de Verdi au Covent Garden, au Teatro Colon de
Buenos Aires, à Rio de Janeiro, au Liceu de Barcelone, au San Carlos de
Lisbonne, toutes prestations qui consacrent son immense talent. L’Opéra de
Vienne, les plus prestigieuses scènes d’Italie, du Mexique, des Etats-Unis
s’arrachent cette cantatrice à la voix d’une incomparable plastique magnifiée
par une sûreté technique hors du commun qui met en exergue l’intelligence de
l’interprète.
Montserrat Caballé et Marilyn Horne dans Semiramis de Gioacchino Rossini à Aix-en-Provcence. Photo : DR
En 1974, Montserrat Caballé remporte un immense triomphe aux Chorégies
d’Orange venant à bout d’un violent mistral dans Norma retransmis en direct à la télévision. Cette soirée à laquelle
j’ai eu lae bonheur d’assister, reste un souvenir singulièrement vivace en mon esprit, malgré
les quarante-quatre années qui m’en séparent. En 1980, pour le Festival d’Aix-en-Provence,
ce fut le duo magique de Sémiramis de
Rossini avec sa complice Marilyn Horne. Miracle réitéré, à Paris, au
Théâtre des Champs-Élysées, non sans incidents: un soir, une heure avant le
lever du rideau, elle prétendit ne pas pouvoir chanter car elle manquait d'air
dans sa loge. « Le secrétaire général du théâtre réussit à la convaincre
d'occuper son bureau, elle y fit ses vocalises toutes fenêtres ouvertes, la
cigarette à la portée de la main. La soirée fut sublime », se souvient mon
confrère Jacques Doucelin (Le Figaro),
qui poursuit : « Lors de sa dernière apparition au Palais Garnier,
dans Turandot de Puccini, en 1981,
elle fut interrompue dans son air du deuxième acte par la chute de deux poulets
noirs : elle fit trois cercles pour conjurer le mauvais sort et le
spectacle… continua. »
Montserrat Caballé entourée de Josephine Veasey et Jon Vickers dans Norma de Vincenzo Bellini aux Chorégies d'Orange 1974. Photo : DR
Après avoir abordé Adrienne Lecouvreur au Metropolitan
Opera en 1979, elle élargit son répertoire en s’attachant aux véristes,
triomphant dans Tosca, à New York
d’abord puis dans le monde entier. En 1989, elle aborde le rôle d’Isolde. Côté
création, elle a donné les premières mondiales de mélodies de Xavier
Montsalvatge en 1965 et Cristobal Colon,
opéra de Lleonard Balada en 1989. Elle reste fidèle au Liceu de
Barcelone jusqu’à son retrait de la scène, en 2007, y tenant l’un de ses
derniers rôles, Catherine d’Aragon dans Henri VIII de Camille Saint-Saëns
en 2002, l’ultime étant La Fille du
régiment de Donizetti à l’Opéra de Vienne en 2007.
Photo : DR
Si ses nombreuses annulations ont
suscité la terreur des directeurs d’Opéras, elles étaient dues non pas à des
caprices de diva mais à la fragilité de sa santé, due à une hypoglycémie à l’origine
de spectaculaires évanouissements.
Le 3 janvier 2012, sur la
scène du Liceu de Barcelone, elle fête ses cinquante ans de carrière. Mais la
même année, âgée de 79 ans, elle est hospitalisée après un accident vasculaire
cérébral. Elle continue pourtant à chanter jusqu’au bout, grâce à la force de
sa musique et à la magie de sa voix. Une magie qu’elle lègue dans une
discographie qui défie l’énumération.
Montserrat Caballé et Freddy Mercury chantant Barcelona en 1987. Photo : DR
Tenant à rendre l'opéra populaire, elle est la première cantatrice à chanter avec des vedettes de variétés, lançant ainsi le phénomène cross over, que les puristes jugent hérétique, se produisant notamment avec Freddy Mercury en 1987 dans la chanson Barcelona, qui devient l'hymne des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Sa dernière actualité
remonte à 2014, avec une condamnation à six mois de prison avec
sursis pour évasion fiscale. Pourtant, depuis sa retraite de
Barcelone, cette grande dame simple, prodigue et à la foi ardente participait à
plusieurs organisations caritatives, notamment au titre d’Ambassadeur de bonne
volonté de l’Unesco et animant sa propre fondation pour les enfants dans le
besoin.
Bruno Serrou
Merci bien, Bruno. La première fois que je l'ai entendue chanter "Bell'alme generose" j'ai resté en extase, foudroyé. Elle était unique.
RépondreSupprimerMais pourquoi cet épisode des Olympiques, que les médias passent comme le sommet de sa carrière ? Ce n'est rien, un fait divers, comme chanter dans un shopping en flash mob.