Photo : (c) Bruno Serrou
Pour son ultime édition à la tête du Festival
Musica, Jean-Dominique Marco synthétise ses amours musicales qu’il a
partagées vingt-neuf ans durant avec un public qu’il a autant fidélisé que renouvelé
Jean-Dominique Marco, directeur général de Musica et jeune retraité. Photo : (c) Festival Musica de Strasbourg
Voilà
vingt-huit ans que Jean-Dominique Marco dirige le Festival Musica, manifestation
à laquelle il a contribué à la création en 1983 sous la houlette de Maurice Fleuret,
directeur de la musique du premier ministère de la Culture Jack Lang qui en
confia alors la direction à Laurent Bayle. Ce dernier, aujourd’hui directeur de
la Philharmonie de Paris, est aussi président de Musica, et c’est l’un de ses
poulains, Stéphane Roth, qui prendra les rênes de Musica à l’issue de cette
trente-cinquième édition.
Frank Zappa (1940-1993). Photo : DR/Festival Musica
C’est par
un flash-back de près d’un demi-siècle que s’est ouvert Musica 2018, avec un
hommage à la pop’-rock star californienne Frank Zappa (1940-1993) et
son groupe The Mothers of Invention. Compositeur se réclamant d’Edgard Varèse, Igor
Stravinski et Anton Webern, Zappa, qui se plaisait à déclarer « composer
de la musique sérieuse depuis l’âge de quatorze ans », était un musicien
complet, amalgamant dans une même inspiration pop’, rock, blues, jazz fusion,
symphonique, électronique, au point de conquérir Pierre Boulez, qui lui ouvrit
les portes de l’IRCAM et de l’Ensemble Intercontemporain, dirigeant trois œuvres
de Zappa au Théâtre de la Ville en 1984 et alla jusqu’à enregistrer un disque
monographique en 1984, The Perfect
Stranger, titre de l’œuvre que le fondateur de l’IRCAM lui avait commandée
pour son ensemble.
Frank Zappa (1940-1993), 200 Motels-Suite dans la production d'Antoine Gindt. Photo : (c) Festival Musica de Strasbourg
Antoine
Gindt, qui avait notamment monté Ring
Saga d’après Wagner à Musica, signe une adaptation scénique du film
psychédélique réalisé en 1971 par Frank Zappa et Tony Palmer contant de façon
déjantée les folles aventures d’une tournée du groupe The Mothers of Invention :
200 Motels (1). Toutes les scènes du
film sont imprégnées d’effets spéciaux vidéo (doubles et triples expositions,
solarisation, fausses couleurs, changements de vitesse, etc.) innovantes en
1971. A l’instar de sa production de l’opéra « du temps réel » Aliados de Sebastian Rivas en 2013, Antoine
Gindt, qui s’appuie ici sur la Suite
créée par Esa-Pekka Salonen en 2013, en a tiré un spectacle chamarré où la
vidéo tient la place centrale, une vidéo réalisée en direct par Philippe Béziat
qui se concentre sur l’énorme plateau du zénith de Strasbourg où sont réunis
pêle-mêle chanteurs stimulés par un Zappa/M. Loyal campé avec énergie par Lionel
Peintre, comédiens, groupe pop’, The HaedShakers, grand orchestre symphonique
constitué du Philharmonique de Strasbourg, de Les Métaboles et Les Percussions
de Strasbourg, le tout dirigé par Léo Warynski. Un foutra bon enfant qui a
attiré toutes les catégories de mélomanes dans une ambiance à la fois festive
et nostalgique.
Anne Teresa De Keersmaeker/Thierry De May, Counter Phrases. Photo : (c) Casimo Piccardi
En fait,
la vidéo a dominé ce premier week-end Musica, puisque l’on retrouvait dans une version
de 2016 le film magnétique de 2003 Counter
Phrases de Thierry De Mey sur une chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker
sur des musiques exécutées en direct par l’Ensemble TM+, l’Orchestre
Symphonique de Mulhouse et Ballaké Sissoko et ses musiciens africains dirigés
par Laurent Cuniot dans des pages de Thierry De Mey, Luca Francesconi, Jonathan
Harvey, Robin de Raaf, Steve Reich, Fausto Romitelli et Ballaké Sissoko.
Jean-Philippe Wurtz et l'Orchestre de l'Académie Supérieure de musique de Strasbourg. Photo : (c) Bruno Serrou
Trois
concerts plus traditionnels ont permis de retrouver l’essence de Musica,
avec une remarquable prestation de jeunes musiciens de l’Académie Supérieure de musique de
Strasbourg dirigés par Jean-Philippe Wurtz dans des œuvres de John Adams (l'hommage acerbe à Schönberg Chamber Symphony), Déserts d'Edgard Varèse dont on se demande bien aujourd'hui en quoi ce classique du XXe siècle a pu susciter de violentes réactions lors de sa création en 1954, et Dupree's Paradise de Frank Zappa, et,
deux rendez-vous de musique de chambre de haut vol...
Quatuor Diotima. Photo : (c) Bruno Serrou
Le Quatuor Diotima dans un
somptueux programme associant le Quatuor
à cordes n° 2 de György Ligeti, Unbreathed
de Rebecca Saunders en première audition française, et Farrago de Gérard Pesson...
Tabea Zimmermann. Photo : (c) Bruno Serrou
Et le récital solo de l’admirable altiste
allemande Tabea Zimmermann, qui a mis en perspective Jean-Sébastien Bach (transcription
pour alto de la virtuose Suite n° 4 pour violoncelle BWV 1010), et le XXe
siècle d’Igor Stravinski (la contrapuntique Elégie
pour alto), le chant angélique de la Sonate
pour alto solo de Bernd Aloïs Zimmermann et l’âpreté étrange de celle de György
Ligeti.
Bruno
Serrou
Le
Festival Musica de Strasbourg se poursuit jusqu’au 6 octobre. Rés. : +33
(0)3.88.23.47.23. www.festivalmusica.org.
1) La même production de 200 Motels
de Frank Zappa est reprise à la Philharmonie
de Paris le 29 septembre 2018
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