lundi 24 septembre 2018

Passage de relais pour l’indispensable Festival Musica de Strasbourg

Strasbourg (Bas-Rhin). Festival Musica de Strasbourg 2018. Zénith de Strasbourg, Auditorium de France 3 Grand Est, Salle de la Bourse, Le Point d'Eau d'Ostwald. Vendredi 21, samedi 22, dimanche 23 septembre 2018

Photo : (c) Bruno Serrou

Pour son ultime édition à la tête du Festival Musica, Jean-Dominique Marco synthétise ses amours musicales qu’il a partagées vingt-neuf ans durant avec un public qu’il a autant  fidélisé que renouvelé

Jean-Dominique Marco, directeur général de Musica et jeune retraité. Photo : (c) Festival Musica de Strasbourg

Voilà vingt-huit ans que Jean-Dominique Marco dirige le Festival Musica, manifestation à laquelle il a contribué à la création en 1983 sous la houlette de Maurice Fleuret, directeur de la musique du premier ministère de la Culture Jack Lang qui en confia alors la direction à Laurent Bayle. Ce dernier, aujourd’hui directeur de la Philharmonie de Paris, est aussi président de Musica, et c’est l’un de ses poulains, Stéphane Roth, qui prendra les rênes de Musica à l’issue de cette trente-cinquième édition. 

Frank Zappa (1940-1993). Photo : DR/Festival Musica

C’est par un flash-back de près d’un demi-siècle que s’est ouvert Musica 2018, avec un hommage à la pop’-rock star californienne Frank Zappa (1940-1993) et son groupe The Mothers of Invention. Compositeur se réclamant d’Edgard Varèse, Igor Stravinski et Anton Webern, Zappa, qui se plaisait à déclarer « composer de la musique sérieuse depuis l’âge de quatorze ans », était un musicien complet, amalgamant dans une même inspiration pop’, rock, blues, jazz fusion, symphonique, électronique, au point de conquérir Pierre Boulez, qui lui ouvrit les portes de l’IRCAM et de l’Ensemble Intercontemporain, dirigeant trois œuvres de Zappa au Théâtre de la Ville en 1984 et alla jusqu’à enregistrer un disque monographique en 1984, The Perfect Stranger, titre de l’œuvre que le fondateur de l’IRCAM lui avait commandée pour son ensemble.

Frank Zappa (1940-1993), 200 Motels-Suite dans la production d'Antoine Gindt. Photo : (c) Festival Musica de Strasbourg

Antoine Gindt, qui avait notamment monté Ring Saga d’après Wagner à Musica, signe une adaptation scénique du film psychédélique réalisé en 1971 par Frank Zappa et Tony Palmer contant de façon déjantée les folles aventures d’une tournée du groupe The Mothers of Invention : 200 Motels (1). Toutes les scènes du film sont imprégnées d’effets spéciaux vidéo (doubles et triples expositions, solarisation, fausses couleurs, changements de vitesse, etc.) innovantes en 1971. A l’instar de sa production de l’opéra « du temps réel » Aliados de Sebastian Rivas en 2013, Antoine Gindt, qui s’appuie ici sur la Suite créée par Esa-Pekka Salonen en 2013, en a tiré un spectacle chamarré où la vidéo tient la place centrale, une vidéo réalisée en direct par Philippe Béziat qui se concentre sur l’énorme plateau du zénith de Strasbourg où sont réunis pêle-mêle chanteurs stimulés par un Zappa/M. Loyal campé avec énergie par Lionel Peintre, comédiens, groupe pop’, The HaedShakers, grand orchestre symphonique constitué du Philharmonique de Strasbourg, de Les Métaboles et Les Percussions de Strasbourg, le tout dirigé par Léo Warynski. Un foutra bon enfant qui a attiré toutes les catégories de mélomanes dans une ambiance à la fois festive et nostalgique.

Anne Teresa De Keersmaeker/Thierry De May, Counter Phrases. Photo : (c) Casimo Piccardi

En fait, la vidéo a dominé ce premier week-end Musica, puisque l’on retrouvait dans une version de 2016 le film magnétique de 2003 Counter Phrases de Thierry De Mey sur une chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker sur des musiques exécutées en direct par l’Ensemble TM+, l’Orchestre Symphonique de Mulhouse et Ballaké Sissoko et ses musiciens africains dirigés par Laurent Cuniot dans des pages de Thierry De Mey, Luca Francesconi, Jonathan Harvey, Robin de Raaf, Steve Reich, Fausto Romitelli et Ballaké Sissoko.

Jean-Philippe Wurtz et l'Orchestre de l'Académie Supérieure de musique de Strasbourg. Photo : (c) Bruno Serrou

Trois concerts plus traditionnels ont permis de retrouver l’essence de Musica, avec une remarquable prestation de jeunes musiciens de l’Académie Supérieure de musique de Strasbourg dirigés par Jean-Philippe Wurtz dans des œuvres de John Adams (l'hommage acerbe à Schönberg Chamber Symphony), Déserts d'Edgard Varèse dont on se demande bien aujourd'hui en quoi ce classique du XXe  siècle a pu susciter de violentes réactions lors de sa création en 1954, et Dupree's Paradise de Frank Zappa, et, deux rendez-vous de musique de chambre de haut vol...

Quatuor Diotima. Photo : (c) Bruno Serrou

Le Quatuor Diotima dans un somptueux programme associant le Quatuor à cordes n° 2 de György Ligeti, Unbreathed de Rebecca Saunders en première audition française, et Farrago de Gérard Pesson...

Tabea Zimmermann. Photo : (c) Bruno Serrou

Et le récital solo de l’admirable altiste allemande Tabea Zimmermann, qui a mis en perspective Jean-Sébastien Bach (transcription pour alto de la virtuose Suite n° 4 pour violoncelle BWV 1010), et le XXe siècle d’Igor Stravinski (la contrapuntique Elégie pour alto), le chant angélique de la Sonate pour alto solo de Bernd Aloïs Zimmermann et l’âpreté étrange de celle de György Ligeti.

Bruno Serrou

Le Festival Musica de Strasbourg se poursuit jusqu’au 6 octobre. Rés. : +33 (0)3.88.23.47.23. www.festivalmusica.org. 1) La même production de 200 Motels de Frank Zappa est reprise à la Philharmonie de Paris le 29 septembre 2018

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