Paris. Philharmonie de Paris, Cité de la Musique. Mardi 4 septembre
2018
Photo : (c) Bruno Serrou
Sur l’initiative de Laurent
Bayle, directeur général de la Philharmonie de Paris et de la Cité de la
Musique, dont la grande salle porte le nom du maître, vient de naître la
Biennale Pierre Boulez, qui s’est ouverte ce mardi 4 septembre 2018. Cette
nouvelle manifestation, que nous espérons pérenne, est organisée en association
avec Daniel Barenboïm, proche de Pierre Boulez, et la Staatskapelle de Berlin, orchestre
de l’Opéra « Unter den Linden » dont un ancien entrepôt réaménagé en
salle de concert par l’architecte Frank Gehry est dédié à Pierre Boulez.
La Pierre Boulez Saal de Berlin conçue par Frank Gehry inaugurée en mars 2017. Photo : DR
Cette biennale est donnée successivement
à Paris puis à Berlin. Mais c’est à la Philharmonie de Paris que revient la
primeur de la manifestation, qui sera ensuite reprise à l’identique à Berlin. Et
c’est naturellement par la formation instrumentale qu’il a fon-dée en 1976, l’Ensemble
Intercontemporain, dirigé par son actuel successeur en titre, le compositeur
chef d’orchestre Matthias Pintscher, dans la salle de la Cité de la Musique,
expressément pensée par Pierre Boulez, que le concert inaugural a été donné et
conçu.
Pierre Boulez (1925-2016). Photo : DR
Au programme Pierre Boulez, bien
sûr, et deux de ses maîtres à penser dont il fut le grand propagateur, deux des
membres de la Seconde Ecole de Vienne, Alban Berg et Anton Webern. C’est avec
les quatre magnifiques Pièces pour
clarinette et piano op. 5 (1913) que deux des membres de l’EIC, Martin
Adamek et Dimitri Vassiliakis, que la soirée a commencé, une œuvre que Pierre
Boulez avait inscrite au programme de l’un des tout premier disques réalisé
avec son ensemble en juin 1977 pour le label DG. Antony Pay, membre fondateur
du London Sinfonietta qui servit de modèle à l’EIC, était à la clarinette, et
Daniel Barenboïm, alors directeur musical de l’Orchestre de Paris, était au
piano. Cette œuvre fondamentale pour un tel duo, clarinette/piano, a été
interprétée avec un sens de la nuance, une magie du timbre confinant au classicisme.
Alban Berg (1885-1935). Photo : DR
Dimitri Vassiliakis a ensuite interprété seul l’une des partitions pour piano
les plus significatives du XXe siècle, l’immense Deuxième Sonate pour piano (1948) de
Boulez. De dimension comparable à la seule Sonate
« Hammerklavier » op. 106
de Beethoven dont on retrouve la fugue dans le finale, cette partition de plus
d’une demie heure en quatre mouvements a été admirablement servie par le
pianiste de l’EIC, qui en a restitué les infinies nuances, la liquidité sonore,
les timbres éblouissants, les résonances singulières, jouant par cœur les
mouvements vifs, particulièrement virtuoses, et se rassurant étonnemment avec la partition
pour le mouvement, « Lent ».
Après un long flottement dû à l’installation
des pupitres pour l’exécution des Cinq
Pièces pour orchestre op. 10 (1911-1913), les musiciens de l’Intercontemporain
dirigés par Matthias Pintscher ont donné toute la mesure de la Klangfarbenmelodie (mélodie de timbres
et de couleurs), première œuvre dans laquelle Webern met en action ce concept
dont il est l’initiateur. Après l’orchestre mastodonte mais transparent des Six Pièces pour orchestre op. 6 (1909),
Webern, qui exploite l’instrumentarium utilisé par Mahler dans ses symphonies, le
célesta, la guitare et la mandoline, tout en réduisant les pupitres par un, à l’exception
de deux clarinettes Anton Webern (1883-1945). Photo : DR
et de trois percussionnistes. Cette partition délicate et
aux timbres d’une richesse inouïe, reste d’une inventivité et d'une vigoureuse
jeunesse, tout en étant désormais un authentique classique, dans la lignée de
Mahler. Matthias Pintscher et les membres de l’EIC en ont donné l’infini
renouveau dans un style viennois sonnant avec naturel.
René Char (1907-1988). Photo : DR
La seconde partie du concert
était entièrement occupé par Le Marteau
sans maître de Pierre Boulez. Œuvre emblématique du compositeur, écrite en 1953-1955, sans jamais être retravaillée par son concepteur
pourtant champion de la « Work in
Progress » (l’œuvre en composition progressive). Ecrite pour mezzo-soprano
et six instrumentistes (flûte, vibraphone, xylorimba, percussion, guitare,
alto), l'oeuvre est tirée du recueil de poèmes de René Char (1907-1988) éponyme paru en 1935
et réédité en 1945. Le Marteau sans
maître de Pierre Boulez compte neuf sections, quatre étant chantées (Bel Edifice et les pressentiments, V et
IX, les deux autres étant L’Artisanat
furieux, III, et Bourreaux de
solitude, VI), le reste étant purement instrumental.
Au sein de cet ensemble, le poème L’Artisanat furieux forme un triptyque, le premier volet, Avant L’Artisanat furieux, ouvre l’œuvre, le deuxième, L’Artisanat furieux, avec voix, en est la troisième partie, le dernier, Après L’Artisanat furieux, est la septième pièce du cycle. Toutes les pages du Marteau sans maître confinent au chef-d’œuvre. Mais les sommets, s’il en faut, sont L’Artisanat furieux pour mezzo-soprano et flûte en sol, et le finale, l’admirable Bel Edifice et les pressentiments - double (avec voix), qui suscite le souhait chez l’auditeur que le chef face signe à l’ensemble de reprendre l’œuvre entière. C’est ce que la salle archi-comble semblait souhaiter, tant les applaudissements ont été fournis la note ultime envolée. Seule regret, la voix de Salomé Haller, moins en phase avec cette œuvre qu’avec d’autres, manquant de puissance et au vibrato trop appuyé, tandis que l’articulation n’était pas précise, rendant les vers de René Char peu compréhensible. Mais, côté instrumental et vision du chef, nous avons frôlé la perfection, particulièrement avec Sophie Cherrier (flûte) et Odile Auboin (alto).
Pierre Boulez, Le Marteau sans maître, L'Artisanat furieux. Facsimile du brouillon de la première mise au net, édité par Pascal Decroupet. Photo : DR
Au sein de cet ensemble, le poème L’Artisanat furieux forme un triptyque, le premier volet, Avant L’Artisanat furieux, ouvre l’œuvre, le deuxième, L’Artisanat furieux, avec voix, en est la troisième partie, le dernier, Après L’Artisanat furieux, est la septième pièce du cycle. Toutes les pages du Marteau sans maître confinent au chef-d’œuvre. Mais les sommets, s’il en faut, sont L’Artisanat furieux pour mezzo-soprano et flûte en sol, et le finale, l’admirable Bel Edifice et les pressentiments - double (avec voix), qui suscite le souhait chez l’auditeur que le chef face signe à l’ensemble de reprendre l’œuvre entière. C’est ce que la salle archi-comble semblait souhaiter, tant les applaudissements ont été fournis la note ultime envolée. Seule regret, la voix de Salomé Haller, moins en phase avec cette œuvre qu’avec d’autres, manquant de puissance et au vibrato trop appuyé, tandis que l’articulation n’était pas précise, rendant les vers de René Char peu compréhensible. Mais, côté instrumental et vision du chef, nous avons frôlé la perfection, particulièrement avec Sophie Cherrier (flûte) et Odile Auboin (alto).
Bruno Serrou
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