Voilà un disque remarquable qui
invite à la découverte. Deux des plus célèbres concertos pour piano du XXe
siècle français, encadrant une œuvre du même genre et de la même époque enregistrée
ici pour la première fois, le tout joué par des interprètes français, un jeune
pianiste à la personnalité et au talent déjà bien affirmés, et un orchestre plus
jeune encore dont c’est le premier disque, dirigé par un chef qui l’a fondé surtout
connu pour son talent dont il fait bénéficier la création contemporaine la plus
pointue…
Vincent Larderet, Daniel Kawka et l'Orchestre Symphonique OSE en scéance d'enregistrement à Grenoble. Photo : DR
Si l’on ne présente plus les deux
Concertos de Maurice Ravel
(1875-1937), celui en ré majeur connu
sous le nom de Concerto pour la main
gauche (1929) précédant de deux ans celui en sol majeur, enregistré ici avec les effectifs initialement prévus
par son auteur (50-60 musiciens), il n’en est pas de même pour celui de Florent
Schmitt (1870-1958), J’entends dans le
lointain…, poème symphonique déployé en un unique mouvement d’à peine plus
d’une dizaine de minutes. Composé en 1929, ce concerto illustre un vers du
premier des six Chants de Maldoror du
comte de Lautréamont, « J’entends
dans le lointain des cris prolongés de la douleur la plus poignante ».
Daniel Kawka offre de cette page où Schmitt rend hommage aux victimes de la
Première Guerre mondiale une lecture claire et intensément douloureuse, au
diapason avec la violence, l’ardeur déchirante que Vincent Larderet donne à
entendre de cette partition d’une exigence incroyablement virtuose que le compositeur
n’a en rien simplifiée dans la version avec orchestre d’une œuvre originellement
conçue pour piano seul.
Vincent Larderet. Photo : DR
Vincent Larderet a déjà livré son
intégrale de l’œuvre pour piano seul de Maurice Ravel ainsi que de celle de
Florent Schmitt, chez le même éditeur allemand. C’est dire combien le musicien
est familier de l’univers de ces deux compositeurs français qui se sont
côtoyés, le second ayant vécu plus longtemps que le premier, hélas me
permets-je d’écrire, tant il s’est mal comporté dans les années 1939-1944. Doué
d’une technique envoûtante qui lui permet d’exalter des sonorités d’une
richesse, d’une variété et d’une amplitude infinies, Vincent Larderet donne des
interprétations hallucinantes de ces œuvres, à la fois limpides, aérées et extraordinairement
dramatiques.
Daniel Kawka et l’Orchestre
Symphonique OSE que le chef a créé en 2011 en région Rhône-Alpes et qu’il a
placé sous le signe de l’audace (de ce fait, OSE est à prononcer osé), donnent
des trois œuvres réunies une interprétation au cordeau, d’une grande vélocité, colorée,
singulièrement ciselée et dramatique à souhait. Soutenu par des musiciens qu’il
a choisis lui-même, le chef français s’investit sans restriction dans cette
musique, comme il l’a fait pour Richard Wagner en 2013 à Dijon dans un Ring malheureusement tronqué à outrance
et charcuté par Brice Pauset, donne à l’ensemble cohésion, souplesse, rigueur
et précision, tandis que l’orchestre atteste de sa virtuosité et d’une formidable
fluidité.
Bruno Serrou
1 CD M. Ravel, Concertos pour
piano, F. Schmitt, J’entends dans le
lointain… Vincent Larderet (piano), Orchestre Symphonique OSE, Daniel Kawka
(direction). Enregistré Auditorium Olivier Messiaen de Grenoble en février
2015. 53mn 04s. Ars Production Schumacher DSD 38178 (UVM Distribution)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire