L'Orchestre Philharmonique de Radio France réduit à vingt-neuf instruments à cordes et dirigé par Daniel Harding. Photo : (c) Christophe Abramowitz / Radio France
Après trois mois de silence,
l’Auditorium de la Maison de la Radio a recommencé à résonner le 28 mai des
sonorités des orchestres de Radio France, le National de France et le
Philharmonique de Radio France. Ces deux formations symphoniques ont en effet retrouvé
le chemin des concerts après trois mois d’inactivité déprimante dans le cadre d’une
série imaginée pour l’occasion, Le temps
retrouvé (1).
Ji Yoon Park (premier violon de l'Orchestre Philharmonique de Radio France). Photo : (c) Christophe Abramowitz / Radio France
Radio France, c’est trois cents
trente musiciens, instrumentistes et choristes, qui se sont brutalement
retrouvés sans plus pouvoir exercer leur métier et se produire en public
pendant un trimestre entier. « Le
temps retrouvé est le septième et dernier volume de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, rappelle Michel
Orier, directeur de la Musique et de la Création à Radio France. Que de temps
perdu en effet, que de notes disparues au gré des annulations qui ont jalonné
la saison 2019-2020, entre les grèves de fin 2019-début 2020 et la covid-19. Du
coup, dans le contexte actuel il était nécessaire de se réinventer. » Il
a aussi fallu alterner d’une semaine sur l’autre les deux formations pour éviter
les croisements des musiciens des deux orchestres, réduire les effectifs à
trente instrumentistes, et les masquer pour satisfaire aux consignes sanitaires
de distanciations, qui sont pourtant contraires à l’essence-même de la musique,
qui est l’acte de communication par excellence.
Daniel Harding et l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Photo : (c) Christophe Abramowitz / Radio France
Si l’Orchestre Philharmonique a été le
premier à donner de nouveau un concert public à l'Auditorim de Radio France, suivi le 11 juin par le National, le 18 juin l’Orchestre
Philharmonique exécutait son deuxoième concert de faire dans l’Auditorium du premier producteur de concerts de France. « Nous sommes vraiment heureux de nous retrouver, se
félicite Ji Yoon Park, premier violon du Philharmonique. Trois mois sans jouer
ensemble n’a pas été une sinécure. Tout a été annulé sans préavis, et nous nous
sommes retrouvés désemparés sans contacts avec le public, ni avec nos collègues,
et sans savoir jusqu’à quand. » Un certain nombre de musiciens ont
néanmoins pu participer à des vidéos diffusées sur Internet avec un réel succès
d’audience dans des œuvres grand public (Boléro
de Maurice Ravel, Les Temps modernes de Charles Chaplin, la Valse de Dimitri Chostakovitch).
Daniel Harding. Photo : (c) Christophe Abramowitz / Radio France
Inaugurée le 6 juin à l'Auditorium de Radio Frabce par le Philharmonique dirigé par Kent Nagano puis par le National avec son ex-directeur musical Daniele
Gatti, Daniel Harding pour le
retour du Philharmonique à la tête du Philharmonique le 18 juin, la série Le temps retrouvé se poursuit avec le National François-Xavier Roth puis Renaud Capuçon, enfin Cristian Macelaru, son directeur musical désigné, Leonardo Garcia Alarcon puis Barbara Hannigan avec le Philharmonique, tandis
que Pascal Rophé dirigera les percussionnistes des deux formations réunies. « Convaincre
ces chefs a été facile, reconnaît Michel Orier. Beaucoup vivent à Paris, et
sans perspectives immédiates ils ont accepté de se ’’dérouiller’’ avec nos
orchestres dans des programmes sortant de l’ordinaire. » Car il a fallu satisfaire
au protocole sanitaire, mais fort heureusement les distanciations s’assouplissent
de nouveau, favorisant la cohésion sonore au sein des orchestres. « Pour
éviter les décalages et assurer l’homogénéité du son, convient Ji Yoon Park, le
rôle du chef et l’ouverture des oreilles sont plus importants que jamais. »
Les programmes élaborés conjointement par les délégués artistiques des deux
orchestres, se sont concentrés sur des œuvres pour cordes, instruments à vent
et chœurs étant bannis. « Cette contrainte a permis de programmer des
pièces rarement jouées, se félicite Michel Orier, et qui sont pourtant
magnifiques, comme Mystère de l’instant
d’Henri Dutilleux, les Métamorphoses de Richard Strauss, la Symphonie n° 2 d’Arthur Honegger, Apollon
musagète d’Igor Stravinski… » Néanmoins,
le concert du 18 juin a vu la participation d’un instrumentiste à vent qui a dû
jouer isolé du groupe, l’orchestre lui étant encore inaccessible à ce jour.
Il s’agit du clarinette-solo Jérôme Voisin, qui avait choisi le mouvement pour
clarinette seule du Quatuor pour la fin
du Temps (Abîme des oiseaux)
d’Olivier Messiaen. « C’est à tort que les instruments à vent sont encore
bannis, s’insurge Jérôme Voisin, car des études faites notamment en Hollande
démontrent que nous n’émettons pas de postillons, ces derniers étant réputés
susceptibles de propager le virus. Seule la flûte est peut-être plus
sensible. Nous espérons tous reprendre notre activité en septembre. En tout
cas, nous le souhaitons vivement, car l’orchestre nous manque
terriblement. »
Jérôme Voisin (clarinette solo de l'Orchestre Philharmonique de Radio France). Photo : (c) Christophe Abramowitz / Radio France
Jusqu’au 18 juin, les concerts
ont été donnés sans public - celui du 18 juin sans masques, ce qui a permis une
meilleure communication entre les pupitres -, qui a créé un climat irréel pour les musiciens
qui n’ont pas eu de retour sur leur prestation et qui ont terminé le concert
dans un silence oppressant. Mais le 25 juin, l’Auditorium rouvre ses portes au public
(2) à mi- jauge, soit six cents places. Les musiciens vont ainsi pouvoir retrouver
leurs marques et partager l’émotion musicale avec des auditeurs dans la
salle.
Bruno Serrou
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