lundi 8 avril 2019

Brillante création toulousaine d’Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas


Toulouse. Théâtre du Capitole. Vendredi 4 avril 2019

Paul Dukas (1865-1935), Ariane et Barbe-Bleue. Photo : (c) Cosimo Mirco Magliocca

Pour sa première représentation à Toulouse, Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas fait une entrée fracassante au Théâtre du Capitole, avec une époustouflante Sophie Koch dans le rôle-titre

Paul Dukas (1865-1935), Ariane et Barbe-Bleue. Photo : (c) Cosimo Mirco Magliocca

Unique opéra du peu prolifique Paul Dukas, le chef-d’œuvre Ariane et Barbe-Bleue donne la part belle aux femmes, et fait de son héroïne une figure d’une force exceptionnelle. Publié en 1899, le beau conte allégorique sur la servitude volontaire de Maurice Maeterlinck, qui reprend ici son personnage de Mélisande - prétexte à une sublime citation de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy -, inspiré de Charles Perrault qui chante les avantages et inconvénients de la liberté conquise et offerte par une femme à ses semblables, a inspiré à Dukas une musique fluide et puissante, raffinée et richement orchestrée, dotée d’une partie vocale merveilleusement chantante.

Paul Dukas (1865-1935), Ariane et Barbe-Bleue. Sophie Koch (Ariane). Photo : (c) Cosimo Mirco Magliocca

Debussy n’a pas encore achevé Pelléas lorsque Dukas commence son Ariane. Cet opéra en trois actes ne doit donc rien à celui de son aîné, à l’exception de la citation mentionnée. Les noms des cinq premières femmes de Barbe-Bleue dans l’ouvrage créé à l’Opéra-Comique en 1907, proviennent de pièces antérieures de Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, Alladine et Palomides pour Alladine, La mort de Tintagiles pour Ygraine et Bellangère et Aglavaine et Sélysette pour Sélysette. Barbe-Bleue est réduit au rôle de faire-valoir, avec trois petites répliques au début de l’ouvrage dans lesquelles Vincent Le Texier a juste le temps de s’imposer.

Paul Dukas (1865-1935), Ariane et Barbe-Bleue. Sophie Koch (Ariane) et Vincent Le Texier (Barbe-Bleue). Photo : (c) Cosimo Mirco Magliocca

Pour sa première toulousaine, le somptueux opéra de Dukas est particulièrement bien servi. D’une blancheur aveuglante, la scénographie du metteur en scène Stefano Poda renvoie aux massacres qui ont émaillé la vie de Gilles de Ray alias Barbe-Bleue comme autant de sculptures ornant les murs antiques parcourus ici d’escaliers et de portes multiples, tandis qu’au sol, un ray de lumière dessine le labyrinthe du Minotaure, et que les vêtements blancs des protagonistes se tâchent de sang.

Paul Dukas (1865-1935), Ariane et Barbe-Bleue. Photo : Dominique Sanda (Alladine), Sophie Koch (Ariane) et Vincent Le Texier (Barbe-Bleue). (c) Cosimo Mirco Magliocca

La distribution réunie est remarquable, avec les excellentes Eva Zaïcik (Sélysette), Marie-Laure Garnier (Ygraine), la séduisante Mélisande d’Andreca Soare et la Bellangère d’Erminie Blondel. Relevant à peine d’une maladie qui l’a tenue éloignée de la scène plus d’un an, Janina Baechle campe une nourrice imposante, plus convaincante dans les troisième acte. Mais la reine du spectacle est Sophie Koch. Voix limpide et pleine, s’exprimant dans un français clair, elle s’épanouit dans ce rôle imposant qu’elle aborde pour la première fois mais qu’elle fait immédiatement sienne, l’habitant au sens littéral du terme. Que de beautés dans cette voix charnue, lumineuse et souple qui ne faiblit pas, malgré le large ambitus vocal. Le chœur d’hommes du Capitole est parfait.

Paul Dukas (1865-1935), Ariane et Barbe-Bleue. Sophie Koch (Ariane) et Janina Baechle (la Nourrice). Photo : (c) Cosimo Mirco Magliocca

Placé sous la direction brûlante de Pascal Rophé, l’Orchestre du Capitole, roi dans cette partition qui se présente comme un poème symphonique avec voix obligées, est étincelant.

Bruno Serrou

Jusqu’au 14/04. Rens. : 05.61.63.13.13. www.theatreducapitole.fr

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