Voilà un peu plus d’un an, le 18
avril 2016, disparaissait prématrurément des suites d’une longue maladie le compositeur
français Frederick Martin. Il avait cinquante-huit ans. Artiste atypique aux
inspirations éclectiques (comme le confirment les deux ouvrages qu’il a
consacrés au black metal (1)), homme de conviction à l’humour froid et noir, généreux, aimant la vie et la fête, Frederick Martin était
un compositeur prolifique, comme l’attestent les quelques cent-trente œuvres qu’il
laisse à la postérité. Il convient d’ajouter à ce cursus plusieurs écrits destinés
aux enfants.
Frederick Martin (1958-2016). Photo : DR
Se considérant comme un
authentique autodidacte, n’ayant étudié dans aucun conservatoire en raison de
son départ très jeune en Afrique d’où il ne revint qu’à l’âge adulte, il
commence à composer seul et vit de la copie musicale pour divers éditeurs et du
secrétariat de rédaction dans un quotidien national. Il sera le premier lauréat
autodidacte pensionnaire de la Villa Médicis de Rome pendant deux ans, de 1989
à 1991. Puis il suit le cursus d’informatique musicale de l’IRCAM en 1992-1993,
et, l’année suivante, dans le cadre des programmes Villa Médicis hors les murs
et Egide, il séjourne en Californie et en Russie. Conférencier, écrivain, il enseigne
entre 2006 et 2011 comme professeur d’écriture et d’arrangement à l’Université
de Marne-la-Vallée en Seine-et-Marne et de formation musicale et d’analyse à l’école
de musique de Brétigny-sur-Orge dans l’Essonne. En 2008, il s’était vu
attribuer le prix Louis Weiller pour l’ensemble de son œuvre.
¨Photo : DR
Profonde et lyrique, la musique
de Frederick Martin reflète une personnalité réfléchie, énergique, tendue,
virtuose. Son écriture complexe et exigeante ne la rend pas pour autant d’une
écoute difficile, voire inaccessible. Bien au contraire, tant elle est
expressive et directe.
Pourtant, jusqu’à présent, seules
deux œuvres étaient disponibles en CD, dans une collection consacrée aux
compositeurs pensionnaires de la Villa Médicis (2). Inexplicablement négligé
par les organisateurs de concerts et par les maisons de disques, l’initiative
du Trio Polycordes est à saluer sans restriction. Il s’agit en effet non seulement
d’un « In Memoriam » pensé par un ensemble iriginal constitué de
Sandrine Chatron (harpe), Fiorentino Calvo (mandoline, mandole, mandoloncelle
et guitare) et Jean-Marc Zvellenreuther (guitare), mais aussi et surtout d’un
disque hors du commun interprété avec brio et une musicalité extrême qui rend
somptueusement justice à ce compositeur qu’il est temps de découvrir enfin, tant
sa création est puissamment originale, sans équivalent et hors du temps. Ce qui
s’impose dans toute on évidence dans les six œuvres réunies dans ce disque, fuits
d’une amitiés d’une vingtaine d’années entre Frederick Martin et les trois
musiciens du Trio Polycordes, toutes consacrées aux cordes pincées rarement
associées en musique de chambre, Honor,
Gradus, Dignitas op. 57 (1999) triptyque
au titre emprunté au serment des chevaliers au Moyen-Âge et aux contours de
cérémonie païenne, Les bonnes pensées op.
66 (2001), Dowland’s box op. 71 (2002-2005)
inspiré de la gaillarde The Right
Honorable, The Lord Viscount Lisle de Dowland, Twisted Lullaby op. 125 (2010), Scritta
di Fausto op. 82 (2004-2013) et Ustvolst
op. 124 (2014), hommage à la compositrice russe Galina Ivanovna Ustvolskaya.
Bruno Serrou
1CD Trio Polycordes, In Memoriam
Frederick Martin. Durée : 1h08mn32s. Enr. : 2017. La Follia
Madrigal LFM 17031
1) Eunolie. Conditions d’émergence du black metal (2003) ; Eunolie. Légendes du black metal (2009),
Editions Musica Falsa (MF). 2) Villa
Médicis ’90 (Macles pour trio à
cordes et Concerto pour clarinette) aux
côtés de pièces de Thierry Lancino par le Trio à cordes de l’Ensemble
Intercontemporain et l’Ensemble l’Itinéraire 1CD Adès MFA. 3) L’association « Frederick
Martin, compositeur » a été créée pour contribuer à promouvoir la mémoire
et l’œuvre du compositeur. www.frederickmartin.fr
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