Opéra de Paris. Palais Garnier. 14 juin 2017
Gioacchinno Rossini (1792-1868), La Cenerentola. Teresa Iervolino (Angelina). Photo : (c) Vincent Pontet / Opéra national de Paris
Gioacchino Rossini est après
Mozart l’un des compositeurs les plus délicats et les plus piquants de l’histoire de la musique. Tous deux savent
comme personne ménager l’élan et l’humour tout en subtilité et en profondeur. Dramma giocoso (drame joyeux) composé
pour la Carnaval de 1817 à Rome, la
Cenerentola est un pur joyau, tant sur le plan philosophique que musical,
que ce soit à l’orchestre ou sur le plan vocal.
Gioacchinno Rossini (1792-1868), La Cenerentola. Photo : (c) Vincent Pontet / Opéra national de Paris
Ce que donne à voir et à entendre
l’Opéra de Paris prend au pied de la lettre le drame et fait abstraction de l’adjectif
qui l’accompagne et qui en fait le suc. C’est en effet une Cenerentola bien sombre que propose Française Guillaume Gallienne,
sociétaire de la Comédie française. Les aspects comique et merveilleux sont totalement
négligés.
Gioacchinno Rossini (1792-1868), La Cenerentola. Alessio Arduini (Dandini), Chiara Skerath (Clorinda), Isabelle Druet (Tisbe). Photo : (c) Vincent Pontet / Opéra national de Paris
Au sein de décors d’Eric Ruf, une façade de
palais délabrée, qui, une fois levé dans les cintres, débouche sur le palais
napolitain décati du prince aux murs ocre rouge plus ou moins délavé, et au sol
recouvert de cendres que balaie… Cendrillon, confinée au foyer, et qui renvoie
au volcan évoqué à la fin du premier acte mais surtout au prétexte que l’opéra
de Rossini aurait dû être créé à Naples, à l’ombre du Vésuve. Les costumes d’Olivier
Bériot sont tout aussi ternes, sinon convenus, Cendrillon en sombre et ses deux
demi-sœurs en blanc, ce qui annihile leur caractérisation, ou l’armée de
mariées personnifiant les prétendantes du prince.
Gioacchinno Rossini (1792-1868), La Cenerentola. Maurizio Muraro (Don Magnifico). Photo : (c) Vincent Pontet / Opéra national de Paris
Seul personnage authentiquement bouffe de
cette production, Don Magnifico bien campé par Maurizio Muraro à la bonhommie
bien venue. En revanche, mal accoutrée, même à la cour, et la voix serrée dans
l’aigu, la Cendrillon de Teresa Iervolino ne fait pas rêver, mais la voix au
velours sombre est des plus convaincantes. Le Don Ramiro du ténor texan Juan
José De León, prince
certes attendrissant mais intimidé par les difficultés de la partition, Alessio
Arduini est un Dandini solide mais un brin retenu, Teresa Skerath (Clorinda) et
Isabelle Druet (Tisbe) sont deux sœurs plutôt séduisantes.
Gioacchinno Rossini (1792-1868), La Cenerentola. Roberto Tagliavini (Alidoro), Teresa Iervolino (Angelina). Photo : (c) Vincent Pontet / Opéra national de Paris
Mais plus les tempi se resserrent, plus les
chanteurs s’asphyxient et le débit se bouscule. En fait, seul Roberto
Tagliavini s’impose pleinement en précepteur deus ex machina par sa prestance et sa voix ronde et puissante, ses
vocalises accomplies comme le seul chanteur proprement rossinien de l’ensemble.
Gioacchinno Rossini (1792-1868), La Cenerentola. Photo : (c) Vincent Pontet / Opéra national de Paris
En fait, c’est dans la fosse que
l’on retrouve pleinement Rossini, même si le premier acte se fait un peu lourd.
Une curiosité tout d’abord, la présence d’une harpe que Rossini n’a pas prévue,
alors qu’il était un excellent orchestrateur, ainsi qu’une présence excessive du
triangle. L’Orchestre de l’Opéra de Paris semble se régaler des délices ménagés
par Rossini dans cette partition, se faisant constamment fluide et coloré,
répondant avec brio aux sollicitations du chef italien Ottavio Dantone,
claveciniste spécialiste du baroque, qui investit pleinement dans le second
acte qu’il mène rondement, même si la fosse tend à s’imposer en raison de la
carence des ensembles vocaux.
Bruno Serrou
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