Paris, Philharmonie, jeudi 10 septembre 2015
Paavo Järvi, Lars Vogt et l'Orchestre de Paris, 10 septembre 2015. Photo : (c) Frédéric Désaphi / Orchestre de Paris
Pour le concert d’ouverture de son ultime saison de
Directeur musical de l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi a choisi un programme
qui lui sied comme un gant, à l’instar de la phalange française. Deux œuvres majeures
de Brahms et de Sibelius qu’un seul numéro d’opus sépare à trente-cinq ans de
distance…
C’est sur l’immense chef-d’œuvre
qu’est le Second concerto pour piano
de Brahms que s’est ouverte le premier programme de la quarante-neuvième
saison de l’Orchestre de Paris. Un moment de pur bonheur musical. Remplaçant
favorablement Hélène Grimaud, souffrante, Lars Vogt, qui a joué partition
ouverte et couchée au-dessus des marteaux de son Steinway de toute évidence
pour se rassurer. Beaucoup plus humble et concentré que sa consœur, plus ample,
nuancé et coloré de son, exaltant ainsi des sonorités puissantes et contrastées,
le pianiste allemand s’est volontiers laissé porter au dialogue avec Paavo
Järvi et l’Orchestre de Paris avec lesquels il avait donné Salle Pleyel en 2011
le Concerto n° 1 du même Brahms, chacun
jouant sa partie dans le même sens avec une qualité d’écoute et de partage qui
a suscité une musicalité quasi parfaite. Les solistes de l’Orchestre de Paris ont
partagé avec le pianiste un même panache sans fioritures, particulièrement les
cornistes André Cazalet dès l’entrée de l’Allegro
initial et Philippe Dalmasso par la suite, mais aussi tous les premiers pupitres
des bois (Vincent Lucas, flûte, Michel Bénet, hautbois, Philippe Berrod,
clarinette, Giorgio Mandolesi, basson). Le son chaud et puissant du violoncelle
d’Emmanuel Gaugué dans le sublime dialogue avec le piano qui irradie l’Andante, dont la brûlante cantilène s’est
avérée un peu trop soutenue et le vibrato trop large et appuyé. La chaleur et l’engagement
partagés qui ont irisé cette interprétation ont magnifié une expressivité souveraine,
qui a remarquablement préludé à la Cinquième
symphonie de Sibelius. Auparavant, en bis, Lars Vogt a donné un Nocturne de Chopin au nuancier infini que
l’on eut aimé retenir jusqu’au bout de la nuit…
L’on connaît les affinités de
Paavo Järvi avec l’œuvre de Jean Sibelius, dont il a gravé symphonies, poèmes
symphoniques et cantates avec succès avec divers orchestres. Sa profonde connaissance
de l’œuvre du compositeur finlandais vient d’ailleurs d’être consacrée par la
Médaille Sibelius que lui a décernée au titre de Directeur musical de l’Orchestre
de Paris l’Association Sibelius à l’occasion du cent-cinquantenaire de la
naissance du compositeur. Depuis sa nomination à Paris en 2010, le chef
estonien a dirigé nombre de pages du père de la musique finlandaise, notamment
la Suite de Lemminkaïnen, Tapiola, le Concerto pour violon, la Symphonie
n° 2 et, déjà, la Symphonie n° 5
en 2011, tandis qu’est annoncé pour 2016 la parution de la première intégrale discographique
française des symphonies de Sibelius par l’Orchestre de Paris, enregistrements
qui couronneront la collaboration de la phalange parisienne avec Paavo Järvi
comme Directeur musical…
La conception de la Symphonie n• 5 en mi bémol majeur op. 82 par Paavo Järvi, qui a magnifiquement tiré profit
des textures souples, profondes et ardente de son orchestre, a démontré combien
cette symphonie se situe dans l’héritage brahmsien. Le chef estonien a ménagé
une noble nostalgie, donnant ainsi à cette œuvre une grandeur souveraine,
apportant en outre dans le majestueux choral final une clarté et une
progression haletante, pour conclure sur six puissants accords des tutti ponctués de terrifiants silences emplis
de l’écho envoûtant renvoyé par la grande salle de la Philharmonie. Les
pupitres solistes et les cuivres respirant largement, attestant d’une maîtrise
exceptionnelle du souffle et des longs phrasés, tandis que le timbalier Camille
Baslé donnait une résonance singulière à la progression de cet hallucinant
finale. Mais les cordes dans leur ensemble - les contrebasses en particulier -
aux textures tour-à-tour feutrées et lumineuses, ont aussi admirablement servi
cette œuvre grandiose que les instruments à vent, bois incandescents et cuivres
sombres, ont somptueusement colorées.
Bruno Serrou
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