La Côte-Saint-André (Isère), Eglise Saint-André, Chapiteau de la Cour
du Château Louis XI, dimanche 30 août 2015
Le Château Louis XI de La Côte-Saint-André. Photo : (c) Bruno Serrou
L’ultime journée de l’édition 2015 du Festival Berlioz a
irrigué l’ensemble de la ville natale de celui dont la manifestation porte le
nom, Hector Berlioz.
Les steel -drums de Bruno Grare sous la Halle de La Côte-Saint-André. Photo : (c) Véronique Lentieul
Bruno Grare et ses steel-drums, l’Ensemble Tàlcini et sa musique corse
Dès le matin, Bruno Grare et son ensemble de steel drums
ont présenté sous la Halle de La Côte-Saint-André et sa vingtaine de stagiaires
de tous âges et de tous niveaux, du débutant au percussionniste désireux de se
familiariser aux spécificités sonores et au jeu propre à cet instrument, le
steel-drum ou tambour d’acier ont présenté le fruit de six jours de formation à
un public de curieux qui aura manifesté beaucoup d’intérêt à cette famille d’instruments
venus des caraïbes, plus particulièrement de Trinité-et-Tobago. Faits à partir
de fûts métalliques de deux cents seize litres, ces instruments à percussion mélodiques
conviés à La Côte-Saint-André pour faire écho à la figure centrale du Festival
Berlioz 2015, l’empereur Napoléon Bonaparte, dont la première épouse, Joséphine
de Beauharnais, était martiniquaise, sont fabriqués à partir de bidons de
pétrole, martelés, façonnés, accordés réunis en steelbands qui ne sont pas
évidents à jouer. Dans la musique « savante » contemporaine, à l’instar
de Pierre Boulez dans sur Incise, de
plus en plus de compositeurs utilisent cette famille instrumentale introduites
en France dans les années 1980 et popularisées par le défilé du 14 juillet 1989
entre les places de l’Etoile et de la Concorde.
Affiche du Festival Berlioz 2015. Photo : (c) Bruno Serrou
Pendant ce temps, l’Ensemble Tàlcini qui aura
animé tous les « after » du festival dans la Taverne Corse, a
parcouru le village et ses terrasses de cafés tout l’après-midi durant, jusqu’à
l’entrée du premier concert de la journée, donné en l’église Saint-André, qui s’est
tenu parallèlement à un récital d’orgue de Maria Magdalena Kaczor en l’église
du village de Voiron.
Quatuor Zaïde (Charlotte Juillard et Leslie Boulin-Raulet, violons, Sarah Chenaf, alto, Juliette Salmona, violoncelle). Photo : (c) Bruno Serrou
Haydn et Beethoven
par le Quatuor Zaïde
Ce premier concert était confié au Quatuor Zaïde
constitué de quatre jeunes femmes qui ont tiré le nom de leur formation de l’héroïne
d’un singspiel que Mozart a composé en 1780 probablement inspiré de Zaïre, tragédie de Voltaire, d’où a
également été tiré Zaira de Bellini
en 1829. Fondé en 2009 par quatre élèves du Conservatoire National Supérieur de
Musique et de Danse de Paris, le Quatuor Zaïde, fruit des cours de perfectionnement
de ProQuartet-Centre Européen de Musique de Chambre fondé par Georges Zeisel, s’est
imposé dès l’année suivante dans le cadre du Concours international de quatuors
à cordes de Bordeaux. En six ans, les effectifs n’ont subi que deux
changements, exclusivement le poste de second violon. L’osmose entre les quatre
membres de l’ensemble d’archets est apparemment totale, cela dans la totalité
du répertoire de quatuors, de l’époque classique jusqu’à la création
contemporaine, de Iannis Xenakis à Wolfgang Rihm en passant par Jonathan
Harvey, avec qui elles ont eu la chance de travailler. C’est pourtant à la
seule période classique viennoise que les quatre jeunes femmes ont consacré
leur concert de La Côte-Saint-André. De Joseph Haydn - qui leur a valu un premier
prix au Concours de Vienne pour la Meilleure interprétation d’une œuvre de
Haydn-, elles n’ont pas retenu le Quatuor
en ut majeur op. 76/3 Hob. III.77, dit « l’Empereur » parce que
le compositeur y reprend l’hymne impérial qu’il a écrit pour le souverain d’Autriche
François Ier - il est désormais l’hymne allemand -, qui allait
humilier Napoléon Ier, mais le cinquième des « quatuors
prussiens », le Quatuor en fa majeur
op. 50/5 Hob. III.48 dit « le
Rêve » en raison de la douceur de la mélodie du mouvement lent qui s’élève
dans l’aigu des cordes. Elles ont donné de ces pages conçues en 1787 une
interprétation onirique et élégante, avant de donner du treizième des seize
quatuors d’archets de Beethoven, le Quatuor
à cordes en si bémol majeur op. 130 (1825), en fait le troisième des cinq
derniers quatuors du Titan de la musique si l’on se fie à la chronologie. Construit
en six mouvements, ce quatuor dédié au prince Nikolaï Galitzine, comme
les quatuors op. 127 et op. 132, est l’un des plus longs de l’histoire du genre, à l’instar
de la Sonate n° 29 op. 106 (1817-1819)
pour piano écrit dans la même tonalité de si bémol majeur que ce quatuor opus
130. C’est la version originale avec la Grande
Fugue finale qui a été retenue par le Quatuor Zaïde. Sous l’impulsion féline
et passionnée du premier violon, Charlotte Juillard, les Zaïde ont donné de
cette sublime partition une interprétation ardente et puissante, donnant à la pathétique
cavatine une tension dramatique déchirante, avant d’offrir une Grande Fugue fulgurante d’énergie et de
vitalité, les quatre jeunes femmes ne craignant pas la prise de risques qui
rend d’autant plus prégnante la ferveur libératrice de ces pages visionnaires qui
concluent ce quatuor à cordes d’une intensité extraordinaire.
François Boulanger dirige l'Orchestre d'Harmonie de la Garde Républicaine. Photo : (c) Bruno Serrou
Marche funèbre et triomphale de Berlioz par l’Orchestre de la
Garde Républicaine et Jacques Mauger
Proposée sous le chapiteau de la cour du Château Louis
XI, l’ultime rendez-vous du Festival Berlioz 2015 donné devant un public venu
en nombre a été le cadre de la première apparition in situ de l’Orchestre d’Harmonie
de la Garde républicaine, héritière de la Garde impériale créée par Napoléon
Bonaparte, et de son chef titulaire, François Boulanger. Pour cause « d’astreinte »
d’un certain nombre de ses musiciens retenus à Paris pour raison de service
officiel, cette formation attachée à la gendarmerie nationale s’est vue contrainte
de supprimer de son programme, ce qui a suscité la déception des spectateurs,
la « Grande parade de tambours napoléoniens » qui devait ouvrir leur
prestation, ainsi que la Marche hongroise
de Berlioz sur laquelle devait s’achever la première partie, et remplacer la Danse macabre de Saint-Saëns par la Danse héroïque de ce dernier. C’est donc
sur une musique funèbre qu’a débuté la soirée, le Chant funéraire à l’occasion du centenaire de la mort de Napoléon
de Gabriel Fauré, suivie par le diptyque de Saint-Saëns Marche héroïque / Danse héroïque, suivi de pages plus ludiques et
joyeuses, la Grande Suite de « Carmen »
de Bizet et la Joyeuse Marche de
Chabrier dans sa version originale. Les pages non expressément écrite pour
harmonie ont sans doute arrangé par le chef de la Garde républicaine, François
Boulanger.
Jacques Mauger (trombone), François Boulanger et l'Orchestre d'Harmonie de la Garde Républicaine. Photo : (c) Bruno Serrou
La deuxième partie du concert était entièrement consacrée
à la Grande Symphonie funèbre et
triomphale H. 80 de Berlioz. Cette
œuvre en trois mouvements, deux « funèbres » (Marche funèbre en fa mineur suivie d’Oraison funèbre en sol
majeur) le troisième triomphal (Apothéose
en si bémol majeur), a été interprétée dimanche dans sa version originale créée
le 28 juillet 1840 à l’occasion de l’inauguration de la colonne de la Place de
la Bastille, c’est-à-dire sans les cordes ni les chœurs sur un texte d’Antoni
Deschamps ajoutés deux ans plus tard dans le troisième mouvement. L’exécution
sans faille de l’œuvre dès son morceau initial, l’une des pages symphoniques les
plus grandioses de Berlioz, a littéralement scotché les spectateurs sur leurs
sièges, au point que l’on n’entendit pas la moindre toux ni le plus bref
raclement de gorge, et pas même la moindre tentative d’applaudissements
intempestifs qui auront régulièrement marqué les pauses entre les mouvements,
phénomène intéressant et gratifiant pour les organisateurs comme pour les
interprètes tant il indique le succès de la manifestation qui attire un public
nouveau peu habitué encore au rituel des concerts classiques. L’Oraison funèbre
centrale a été remarquablement « chantée » par le trombone solo qui
expose une mélodie venue de l’opéra de jeunesse de Berlioz, les Francs Juges,
tenu dimanche par l’excellent Jacques Mauger.
Photo : (c) Bruno Serrou
Les cinquante-sept musiciens (vingt clarinettes de toutes
tailles, sept saxophones, un piccolo, deux flûtes, deux hautbois, deux bassons,
cinq cors, quatre trompettes, trois trombones, trois percussionnistes, un
timbalier, trois tubas ténors, trois tubas barytons, une harpe) ont ensuite offert
trois bis festifs, le dernier étant le Vol du bourdon extrait de l’opéra Tsar Saltan de Rimski-Korsakov, qui,
loin de la scie que l’on pouvait craindre, s’est avérée volubile et suprêmement
mise en place, servie par un orchestre constituée d’authentiques virtuoses de
leurs instruments.
Structure (détail) du chapiteau de la cour du Château Louis XI de La Côte-Saint-André. Photo : (c) Bruno Serrou
A l’année prochaine !
C’est sur une ultime animation de l’Ensemble Tàlcini
que s’est conclu le Festival Berlioz de La Côte-Saint-André 2015. Edition dont
le souvenir restera vivace pendant les onze mois qui nous séparent de celle de
2016, durant laquelle Bruno Messina nous promet l’opéra Benvenuto Cellini de Berlioz en version concert par l’Orchestre Les
Siècles dirigé par François-Xavier Roth, en attendant l’édition 2017, qui
pourrait être le cadre d’une production concertante de l’œuvre scénique la plus
ambitieuse et aboutie de Berlioz, les
Troyens, par John Eliot Gardiner et son Orchestre Révolutionnaire et
Romantique…
Bruno Serrou
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