Paris, Théâtre des Champs-Elysées, lundi 4 mai 2015
Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. Roberto Frontali (Macbeth), Susanna Branchini (Lady Macbeth). Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle
Premier des trois opéras dont Giuseppe
Verdi tira l’intrigue de William Shakespeare, avant Otello et Falstaff qui parachèvent
la création lyrique du compositeur lombard, Macbeth
est l’un des ouvrages les plus délicats à distribuer, particulièrement le
rôle-titre, et plus encore celui de Lady Macbeth, où les cantatrices capables
de s’y mesurer ne sont pas légion. Il faut dire que Verdi a tout fait pour que
les chanteurs soient avant tout des tragédiens, autant dans leur jeu que dans
leur voix, favorisant avant tout le théâtre au point de ne pas hésiter à faire
sauter le carcan des formes traditionnelles du bel canto, et donnant à l’épouse
de Macbeth une place qu’elle n’a pas dans la tragédie de Shakespeare, en
faisant le véritable moteur de l’action. Le compositeur réclame d’ailleurs une
interprète « laide et monstrueuse » à la voix « âpre, étouffée,
sombre » pour attiser cette œuvre saturée de fureur, de haine, de passion
destructrice, de folie meurtrière.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. Choeur de Radio France. Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle
Pourtant, ce que l’équipe italo-française
réunie par le théâtre de l’avenue Montaigne ne suscite ni terreur ni frisson. A
la tête d’un Orchestre National de France qui répond mollement à ses sollicitations
et qui cumule les décalages, d’abord au sein-même des pupitres dans le prélude
puis avec le plateau, mais dont les sonorités rêches et fauves conviennent à l’œuvre,
Daniele Gatti, qui a choisi la version de 1865 écrite pour des représentations
parisiennes au Théâtre Lyrique, rogne les angles et gomme les arêtes d’une œuvre
faite de haine, de violence, de cris, de larmes et de fureur. Le chœur de Radio
France, homme et femmes confondus, est en revanche à la hauteur de la diversité
des emplois et missions que lui confie Verdi.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. RJean-François Borras (Macduff). Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle
La mise en scène toute en
noirceur de Mario Martone, qui s’était déjà vu confier Falstaff par ce même Théâtre des Champs-Elysées en juin 2008, n’est
pas particulièrement inventive, se montrant trop proche du livret. Au cas où le
spectateur ne comprendrait pas, le réalisateur italien illustre apparitions et
évocations par d’imposantes vidéos projetées plein cadre en fond de scène, et
utilise deux chevaux - l’un blanc, l’autre noir - qui, lourdement tenus par des
écuyers, parcourent le décor nu de sa scénographie - la forêt de Birnam au quatrième
acte est en revanche réussie -, sombrement éclairée par Pasquale Mari, l’époque
de l’action étant établie par quelques accessoires et par les costumes d’Ursula
Patzak. Plus cinéaste que dramaturge, Martone signe une direction d’acteur plutôt
efficace.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. Roberto Frontali (Macbeth). Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle
La distribution est dominée par l’excellent Macbeth de Roberto
Frontali. Le timbre du baryton italien est d’un beau métal, la diction est irréprochable,
la voix est solide bien qu’elle peine à aller au bout de la soirée sans
encombre, le port digne quoique judicieusement sous influence. Plus discutable
est la Lady Macbeth de Susanna Branchini, incontestable tragédienne mais aux
intentions endiguées par une voix manquant de vaillance, de souffle et de
rusticité, mais qui se libère opportunément dans la scène du somnambulisme de l’acte
IV. Issue de l’Ecole d’Art lyrique de l’Opéra de Paris, Sophie Pondjiclis campe
une dame d’Honneur d’altière stature, à l’instar du jeune ténor Jean-François
Borras, qui saisit par sa santé vocale et sa luminosité dans l’unique et somptueuse
scène et air de Macduff (n° 13 de la partition). Andrea Mastroni impose en
Banquo son timbre juvénile qui fait oublier un aigu chétif, tandis que Jérémy
Duffau promet en Malcolm.
Bruno Serrou
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