C’est dans le cadre du festival de musique
contemporaine Ars Musica de Bruxelles qu’Œdipe
sur la Route de Pierre Bartholomée (né en 1937) a été créé en mars 2003. Son
commanditaire, Bernard Foccroule, alors directeur du Théâtre de la Monnaie de
Bruxelles, en a assuré la production dont il a confié la mise en scène à
Philippe Sireuil. Figure majeure de la musique belge contemporaine, connu à la
fois comme fondateur du Groupe Musiques Nouvelles de Bruxelles et pour avoir
dirigé plus de vingt ans l’Orchestre Philharmonique de Liège, le compositeur
wallon appartient à une génération qui a longtemps considéré l’opéra comme mort
après Wozzeck de Berg. Compositeur en résidence à l’Université
catholique de Louvain à l’époque de la genèse, Bartholomée a choisi le roman Œdipe
sur la route publié aux Editions Actes Sud en 1990 par son compatriote
Henry Bauchau (1913), à qui le compositeur a demandé d’en adapter le livret
dont l’action se déploie en quatre actes. Celui-ci conte ce qu’il advint d’Œdipe
entre les deux tragédies de Sophocle, Œdipe roi et Œdipe à Colonne.
« On est dans le labyrinthe et dans le rêve, dans la rigueur et l’âpreté,
la tension, la malédiction, la déréliction et la frayeur, écrit Pierre
Bartholomée. Quête obstinée de lumière et d’une très hypothétique
réconciliation. » Le héros grec et sa fille Antigone quittent Thèbes. Ils
rencontrent Clios, bandit né de l’imaginaire de Bauchau, qui décide de les
accompagner. Après avoir sculpté une vague immense au creux d’une falaise, il
est invité au Solstice d’été par Diotime à qui il raconte son histoire. Mais il
est atteint par la maladie avant d’être guéri par Calliope. Accueilli par
Thésée à Athènes, il en repart en empruntant une route que Clios lui a peinte.
Pierre Bartholomée (né en 1937), Oedipe sur la Route. José Van Dam (Oedipe). Photo : (c) Johann Jacobs / Théâtre de la Monnaie de Bruxelles
Ecrit pour José Van Dam, le rôle-titre est profond et
douloureux. Réalisant un long parcours initiatique à la quête de lui-même,
l’Œdipe que les auteurs lui ont concocté est de la dimension du Saint
François d’Assise de Messiaen, dont la figure tutélaire marque la partition
de son empreinte. Atonal, parfois rude et âpre, le langage musical de
Bartholomée n’en est pas moins accessible et d’une touchante expressivité. Mais
les deux premiers actes sont par trop narratifs, ce qui leur confère le tour
d’un oratorio, et il faut attendre les deux actes suivants, plus
particulièrement l’ultime, pour ressentir une véritable émotion dramatique.
Pourtant, sous la direction attentive de Daniele Callegari, à la tête du chœur et
de l’orchestre de la Monnaie de Bruxelles en grande forme, la distribution est
excellente. A commencer par José Van Dam, chanteur-acteur que l’on sait. Valentina
Valente est une fière Antigone, Jean-François Monvoisin campe un ardent Clios,
et Hanna Schaer une tendre Diotime.
Bruno Serrou
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