Matthias Pintscher (né en 1971). Photo : DR
Le
nouveau directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain, Matthias Pintscher,
était hier l’invité de l’Orchestre national de l’Opéra de Paris, dans le cadre
du Festival d’Automne. Occasion pour lui de diriger son premier concert
symphonique à la tête d’un orchestre parisien, sous le regard vigilent du
directeur musical de l’Opéra de Paris. Au programme, deux œuvres du début du XXe
siècle encadraient l’une des partitions du chef d’orchestre compositeur
allemand, conçue en 2012 pour le Festival de Lucerne.
En ouverture de programme, Im Sommerwind d’un Anton Webern de 21 ans à l’écriture et au temps
déjà maîtrisés dont Matthias Pintscher a su souligner la diversité des plans et
des couleurs, mais n’est pas parvenu à donner à l’œuvre l’unité d’un poème
symphonique ni, surtout, la sensualité dans l’esprit de Richard Strauss d’un
Webern encore en plein postromantisme, tirant l’œuvre vers ce qu’elle a de
porteur dans le pointillisme et l’austérité des lignes propres au Webern de la
maturité. Fraîchement accueillie par le public, cette page de douze minutes inspirée
d’un poème de Bruno Wille trop pesamment interprétée considérant son
inspiration extatique et voluptueuse, a préludé à la partition de Matthias
Pintscher, Chute d’étoiles, suscitée
par une installation monumentale que le plasticien allemand vivant en France Anselm
Kiefer, à qui Pintscher rend ici hommage, réalisa en 2007 au Grand-Palais.
Anselm Kiefer (né en 1945), Chute d'étoiles (2007) au Grand Palais à Paris. Photo : DR
Se présentant sous la forme d’un double concerto
pour deux trompettes et grand orchestre, Chute
d’étoiles est une œuvre tellurique d’une force dramatique saisissante, à l’instar
de l’image apocalyptique qui émane de l’œuvre de Kiefer qui l’a inspirée, une
tour de béton de dix-sept mètres réduite à l’état de gravas. L’exaltation y est
souvent portée à son comble, au point que le chef-compositeur a lâché sa
baguette lors d’une apnée et l’un des trompettistes a fait tomber une sourdine trop
promptement portée à l’embouchure de son instrument, tous deux ramassant néanmoins
prestement leurs accessoires respectifs, tandis que les cuivres de l’orchestre n’ont
pu maîtriser toutes leurs attaques. L’œuvre commence sur un big-bang de l’orchestre
entier qui exhale son hallucinante énergie sur la pièce entière, l’emplissant
de soubresauts d’une violence extrême que ponctuent des phases de rémission d’où
émergent les deux instruments solistes, dont la partie, extrêmement virtuose,
use de tous les processus de jeu et de tous les procédés d’écriture à la disposition
du compositeur, dont l’expérience de la direction d’orchestre s’exprime ici dans
toute son évidence dans cette œuvre impressionnante de maîtrise et de puissance.
Les deux solistes, l’allemand Reinhold Friedrich et le français Marc Geujon, trompette
solo de l’Orchestre de l’Opéra, ont en revanche imposé leur virtuosité et l’éclat
de leurs sonorités.
Orchestre de l'Opéra national de Paris. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
Devenu trop rare au concert dans sa forme originale de
ballet intégral créé à l’Opéra de Paris par les Ballets Russes de Serge
Diaghilev le 25 juin 1910, l’Oiseau de
feu d’Igor Stravinski était fort attendu, hier. Il aura pourtant déçu. Matthias Pintscher, oubliant tout ce
que la partition doit à Claude Debussy, a en effet trop systématiquement
découpé cette première grande partition du compositeur russe en plans-séquences,
au point d’annihiler unité et progression dramatique, et d’égarer parfois l’orchestre,
qui en a oublié son moelleux, ses rondeurs et son fondu habituels, et dont les
cuivres ont semblé perdre terre en plusieurs occasions. Mais cette prestation
ne remet pas en question les qualités de chef d’orchestre de Matthias
Pintscher, qui a eu plusieurs fois l’occasion de démontrer son savoir-faire, ni
celles de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, qui ne cesse de prouver ses mérites.
Bruno
Serrou
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