Richard Strauss (1864-1949), Elektra (1909). Irène Theorin (Elektra) et, porté par les coryphées, le corps d'Agamamnon. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
Un peu plus de trois mois après
l’extraordinaire et ultime production lyrique de Patrice Chéreau présentée au
Festival d’Aix-en-Provence (voir La Croix
du 12/07/13), l’Opéra de Paris présente à son tour l’un des plus violents
opéras du répertoire, Elektra de
Richard Strauss. Cette fois dans une production de Robert Carsen présentée dans
le cadre du Festival du Mai Musical Florentin 2008.
Richard Strauss (1864-1949), Elektra (1909). Irène Theorin (Elektra) portée par les coryphées. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
A l’Opéra de Paris, le drame des Atrides se déroule tout entier dans la
fosse. Révélant ce qu’éprouve chacun des protagonistes, l’Orchestre de l’Opéra
est plus voluptueux que jamais, répondant avec allégresse à la moindre sollicitation
de Philippe Jordan, qui, avec une expressivité de braise, suscite des
fortissimos flamboyants, avec une maestria, un sens aigu de la métaphore sur
lesquelles les musiciens rebondissent avec délectation, attisant des couleurs
d’une ductilité et d’une sensualité enivrantes.
Richard Strauss (1864-1949), Elektra (1909). Irène Theorin (Elektra) et les coryphées. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
Comme à son habitude, le metteur Robert
Carsen propose un spectacle à l’esthétique de belle facture, dans un décor monumental
de Michael Levine qu’il éclaire magnifiquement, un cylindre de béton aux parois suffocantes symbolisant à la fois la
claustration et le granit brun de Mycènes. Au sol, une terre battue noire au
milieu de laquelle une trappe d’où émergera le corps décharné d’Agamemnon tel
un Christ sortant du tombeau, et rampe d’accès pour les protagonistes aux
appartements royaux. L’arrivée de la reine couverte d’une nuisette blanche
portée sur un grand lit blanc tel un linceul par des servantes est un grand
moment. Mais l’idée force du spectacle est une Elektra reproduite vingt-quatre
fois à la façon d’un jeu de miroirs par autant de coryphées calquant ses
moindres faits et gestes, l’écrasant parfois sous leurs corps ou la portant tel
un trophée. Avec une direction d’acteur
moins fouillée et brûlante que celle de Chéreau, le metteur en scène canadien s’adonne
au hiératique, les protagonistes s’avérant davantage des allégories que des
êtres de chair et de sang. Il va jusqu’à éviter la danse fatale finale et se
garde de toute hystérie, faisant de Clytmnestre non pas un monstre mais une
femme éperdue maître de son destin, tandis qu’Elektra semble rêver le sien,
endormie au début comme à la fin de l’ouvrage. A noter aussi que tous
les personnages sont vêtus de noir, à l'exception du couple meurtrier d’Agamemnon,
revêtus de blanc.
Richard Strauss (1864-1949), Elektra (1909). Irène Theorin (Elektra) et les coryphées. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
La distribution est d’une
grande cohésion, sans point faible, si ce n’est que l’orchestre, de la place que
j’occupais, avait légèrement tendance à couvrir parfois les chanteurs. Moins féline et polymorphe qu’Evelyn
Herlizius vue à la Monnaie de Bruxelles en janvier 2010 lors de
sa prise de rôle avant de devenir la fascinante Elektra de Chéreau, Irène
Theorin est pour ses débuts à l’Opéra de Paris une héroïne moins névrotique qu’à
l’ordinaire mais d’une musicalité confondante, ne forçant jamais sa voix, au
point que l’on oublie vite un vibrato un peu large qui se resserre cependant
une fois libérée de ses appréhensions. Riccarda
Merbeth est une Chrysothemis énergique et spontanée, mais un peu dépourvue
de sensualité, au timbre lumineux et à la ligne de chant pure. Waltraud Meier,
déjà dans ce rôle à Aix-en-Provence, impose en Clytemnestre sa voix somptueuse
au souffle infini. Une voix si belle que la soprano allemande en incarne un
personnage plus humain et complexe que ce qu’en font les grandes sopranos
dramatiques en fin de carrière à qui ce rôle est généralement dévolu. L’Egisthe
de Kim Begley excelle en folie et en vaillance. Oreste
statufié par sa sœur, Evgeny Nikitin frémit de l’intérieur, brossant de sa voix
noble remarquablement timbrée un personnage ivre d’émotion, faisant de la scène
de la reconnaissance un sommet d’exaltation.
Bruno Serrou
Tout à fait ça. Depuis le fond du parterre c'est vrai, durant de brefs instants on entendait pas très bien les voix, surtout les hommes…
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