Paris. Festival d’Automne 2022. Philharmonie de Paris. Salle Pierre Boulez. Lundi 26 septembre 2022
Née à Graz le 4 août 1968, Olga Neuwirth est aux côtés de Karlheinz Stockhausen, Luigi Nono, Wolfgang Rihm, George Benjamin, Hugues Dufourt, Gérard Pesson entre autres, l’un des compositeurs les plus souvent joués au Festival d’Automne à Paris. La programmation musicale 2022 de cette manifestation de prestige s’est ouverte le 26 septembre sur le « théâtre installation musicale » (A musicstallation-theater) The Outcast (Le Banni) de la compositrice autrichienne sur un livret qu’elle a elle-même conçu en collaboration avec Barry Gifford et Anna Mitgutsh.
Il s’agit ici d’un hommage en trois parties avec épilogue à l’écrivain new-yorkais Herman Melville (1819-1891) qui se fonde pour l’essentiel sur son roman le plus célèbre aux côtés de Billy Budd écrit quarante ans plus tard - que Benjamin Britten a mis en musique en 1951 -, Moby Dick (1851). Pour les quatre vingt dix minutes que dure l’œuvre, l’adaptation d’Olga Neuwirth requiert la participation de cinq chanteurs solistes (soprano léger, soprano enfant, contreténor, ténor lyrique léger, baryton), acteur amplifié, acteur muet, chansonnier, narrateur (amplifié), chœur d’hommes et chœur d’enfants à vingt-quatre voix chacun et grand orchestre (bois et cuivres par deux, tuba, guitare électrique, accordéon, deux percussionnistes, clavier électronique MIDI/synthétiseur, cordes - huit-huit-six-six-quatre), dispositif électronique en temps réel et vidéo.
Composé entre 2009 et 2011, créé à l’Opéra de Mannheim le 25 mai 2012, The Outcast (Le Banni) est le premier fruit de la fascination exercée sur Olga Neuwirth par l’œuvre de Herman Melville, la compositrice y trouvant des préoccupations contemporaines comme la discrimination, le racisme ou la catastrophe écologique qui menace l’humanité, elle puise l’idée d’un surprenant opéra transgenre, mêlant installation artistique, théâtre, oratorio et vidéo. La compositrice a parcouru la ville de New York pour recueillir des sensations qu’elle a ressenties dans un album photographique intitulé O Melville!. The Outcast revient sur son étude de l’écrivain new-yorkais et prend la forme d’une contribution puissante et expérimentale au théâtre musical contemporain, superposant des éléments d’oratorio, de performance, de film et d’installation. Cette œuvre univers qui atteint souvent une puissance tellurique est emplie d’ombres, de tragique, de secousses, de terreur et de mort. Un froid pénétrant, une peur panique, des relents de catastrophe transpercent le corps et l’esprit de l’auditeur, parfois à la limite du supportable, avec des soubresauts sismiques au milieu desquels pointent des moments de grâce, avec des citations aux contours grotesques, ironiques d’œuvres du passé ou aux élans populaires qui accentuent davantage encore le caractère lugubre et angoissant de l’œuvre.
La production présentée lundi 26 septembre à la Philharmonie dans le cadre du Festival d’Automne (production du festival Wien Modern, du Wiener Konzerthaus et de l’Elbphilharmonie de Hambourg, en coproduction avec l’Ensemble Intercontemporain, le CNSMDP, la Philharmonie de Paris et le Festival d’Automne), repousse le cadre du concert par le biais d’une mise en espace, de costumes de Sukie Kirk et d’une installation vidéo multi-écrans élaborée par la réalisatrice britannique Netia Jones. Pour sa première en France, a été réunie sous la direction de Matthias Pintscher une distribution de tout premier plan, plus particulièrement la soprano Susanne Elmark dans le rôle d’Ishmaela, le baryton Otto Katzameier dans celui d’Ahab, le contreténor Andrew Watts en Queequeg, et l’acteur Johan Leysen, narrateur campant le vieux Melville. Il convient également de saluer la remarquable performance du chœur d’hommes Company of Music et de la maîtrise d’enfants bavaroise du Münchner Knabenchor dont la mission n’est pas des moindres, oratorio oblige. Côté instrumental, les tumultes et les grondements cataclysmiques d’une impressionnante beauté ont été remarquablement interprétés par les vingt-deux membres de l’Ensemble Intercontemporain enrichis de trente élèves du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.
Reste à attendre le 13 décembre prochain pour se plonger dans une autre partition de grande envergure d’Olga Neuwirth, Le Encantadas, également inspirée de l’œuvre de Melville, de nouveau à la Philharmonie de Paris et dans le cadre du Festival d’Automne 2022.
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