Lille. Opéra. Vendredi 6 mai 2022
Fidèle à sa réputation, l’Opéra de Lille propose un spectacle éblouissant, A Midsummer
Nigth’s Dream (Un Songe d’un Nuit d’Eté)
de Benjamin Britten (1913-1976) qu’il a confié au metteur en scène Laurent
Pelly, qui signe l’un de ses spectacles les plus accomplis.
A plus d’un siècle de distance, le Songe d’une nuit d’été (1590-1595) de William
Shakespeare (1564-1616) a inspiré deux joyaux du théâtre lyrique : la
musique de scène de Felix Mendelssohn en 1843 et l’opéra en trois actes de
Benjamin Britten, qui adapta lui-même le livret avec son ami intime le ténor
Peter Pears en 1960 pour leur propre Festival d’Aldeburgh où il a été créé le
11 juin 1960. Pour son cinquième opéra, écrit six ans après le tragique Tour d’écrou, le compositeur britannique
a opté pour la féerie et l’humour, associant féerie, rire, comédie
sentimentale, pastiche. Ainsi, le compositeur restitue-t-il dans son Songe la dimension fantasque et
poétique de la comédie éponyme qui, au fil des interventions malicieuses de
Puck, démontre l’éphémère de l’amour. Cela avec des moyens à la fois conformes
à la tradition et éminemment personnels, son orchestre de chambre polychrome
incarnant la magie de la nature, le romantisme du royaume des fées, le grotesque
des artisans athéniens.
Commençant son opéra comique par
la scène du rêve qui ouvre le deuxième acte de la comédie de Shakespeare,
Britten en a restitué l’esprit avec sa musique qui pénètre jusqu’au plus secret
de l’âme des personnages d’une histoire complexe. Celle-ci se déroule au cœur
d’une forêt puis dans un palais, et réunit pour mieux les désunir deux couples
d’amants sous le contrôle du roi des elfes, Oberon, qui charge son serviteur
Puck de le réconcilier à travers eux avec son épouse Tytania.
Pour cette onirique rêverie,
Laurent Pelly plonge au cœur d’une profonde et chaude nuit étoilée propice à
toutes les chimères des jeux de l’amour avant de laisser place au rire dans le troisième
acte de commedia dell’arte, tirant
une multitudes de ressources d’un décor nocturne à la machinerie judicieusement
conçue par le metteur en scène lui-même et Massimo Troncanetti d’où surgissent
de toutes parts des elfes lucioles, des trapèzes sur lesquels dansent des fées célestes,
des miroirs qui créent des illusions optiques, tandis que les pyjamas des
amants dessinés par Pelly et Jean-Jacques Delmotte confirment qu’il s’agit bel
et bien d’un songe. Le public lillois s’est volontiers laissé porter par l’humour
de l’œuvre mêlée à la malice chimérique d’une mise en scène gorgée de surprises.
Le bonheur arrivant rarement
seul, cette éclatante production est magnifiée par une distribution sans défauts.
Ce qui n’était pas garanti dans un tel ouvrage considérant les dix-neuf
personnages à distribuer. Les deux rôles centraux réunissent l’Oberon de Nils
Wanderer, contre-ténor au timbre riche et à la voix épanouie subtilement
conduite, et sa reine Tytania incarnée par Marie-Eve Munger pleine d’abattage à
la voix charnue, somptueusement timbrée et apte à de vocalises éthérées. Les
deux couples d’amoureux sont parfaitement assortis, Antoinette Dennefeld
(Hermia) et David Portillo (Lysander), Louise Kemény (Helena) et Charles Rice
((Demetrius) étant pleins de charme et tout en spontanéité juvénile, Dominic
Barberi est un Bottom puissant, inépuisable battant à la verve débordante,
Charlotte Dumartheray campe un Puck malicieux gaffeur au corps d’acrobate de
petite taille. Ajoutons à cela la fine équipe d’enfants personnifiant la petite
troupe d’elfes magnifiquement chantés par le Jeune Chœur des Hauts-de-France. Dirigé
avec précision et allant par le chef provençal Guillaume Tourniaire, l’Orchestre National de Lille, virtuose, participe
avec éclat à la féerie en relevant sans faillir les défis de l’écriture singulièrement
véloce de Benjamin Britten, jusques et y compris les fausses notes précisément
écrites.
Un spectacle magistral à voir de
toute urgence, et que les théâtres lyriques seraient bien inspirés de présenter
à leurs publics.
Bruno Serrou
Opéra de Lille. Jusqu’au 22 mai. Rés. :
03.62.21.21.21. www.opera-lille.fr
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