Maurice Ohana (1913-1992). Photo : DR
Voilà un peu plus de vingt-cinq ans, le 13 novembre 1992, s’éteignait à
Paris, à l’âge de soixante dix huit ans, le compositeur Maurice Ohana. Français
d’origine hispano-andalouse, né à Casablanca le 12 juin 1914, il avait autant
puisé son inspiration aux sources des musiques traditionnelles qu’à celles des
musiques écrites et savantes. Enfant, sous l’impulsion de sa mère, il avait découvert
le cante jondo espagnol, et, dans les rues de Casablanca, les
improvisations des musiciens berbères. Ces premiers contacts avec la musique
devaient le marquer définitivement.
Après des premières leçons de musique à
Barcelone, entre 1927 et 1931, Ohana allait faire
l’essentiel de ses études à Paris. Se lançant tout d’abord dans l’architecture,
il décidait finalement de se consacrer à la seule musique. Il travaille alors le
piano avec Lazare Lévy, le contrepoint et l’harmonie avec Daniel-Lesur. Après
la guerre, à laquelle il participe activement dans l’armée britannique durant les
campagnes d’Afrique et d’Egypte, il est en 1944 à Rome, où il se lie avec le
compositeur Alfredo Casella et la jeune école italienne au sein de l’Académie
Sainte-Cécile. C’est sous leur influence qu’il compose ses premières
partitions.
De retour à Paris en 1946, Ohana participe à la
fondation du groupe Zodiaque, qui entend défendre la liberté de langage contre
les “tyrannies artistiques”, visant ainsi plus particulièrement le dogme de la pensée
sérielle. C’est dans cet esprit d’indépendance qu’il compose en 1950 l’une de
ses œuvres majeures, Llanto por Ignacio Sánchez Mejías, marqué par
Manuel de Falla et par le cante jondo. Il continue néanmoins à forger
son propre langage à l’aune du refus de tout intellectualisme et d’une fidélité
à la tradition, tant espagnole qu’africaine, particulièrement du point de vue
rythmique, particularités qui gouvernent notamment les Cantigas
(1953-1954) et les Etudes chorégraphiques pour percussion (1955).
Poursuivant son exploration de l’univers des sons, sa quête le conduit aux
micro-intervalles (tiers et quarts de tons), qu’il utilise entre autres dans le
Tombeau de Debussy (1962). Parmi ses œuvres de la maturité, Cris pour choeur a capella (1968), l’un des fruits de l’expérience
de la musique électroacoustique, les 24 Préludes pour piano, hommage à Frédéric Chopin créé par Jean-Claude Pennetier en 1973, l’Anneau du Tamarit pour
violoncelle et orchestre d’après Garcia Lorca (1976), Lys de madrigaux
pour voix de femmes et ensemble, Messe créée au festival d'Avignon en
1977, Livre des Prodiges pour orchestre (1978-1979), les Douze Etudes pour piano dédiées à Jay Gottlieb (1982-1985). Son opéra La Célestine
(1982-1986) commandé par Rolf Liebermann a été créé à l’Opéra de Paris en 1988, et son ultime partition, Avoaha,
date de l’année même de sa mort.
"Les grandes leçons de musique, dira pourtant Ohana, ce ne sont pas les musiciens qui me les ont données. Je les ai reçues concrètement de la mer, du vent, de la pluie sur les arbres et de la lumière, ou encore de la contemplation de certains paysages que je recherche parce qu’ils ont l’air d’appartenir plus à la création du monde qu’à nos contrées civilisées."
Bruno Serrou
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