Photo : (c) Patrice Nin / Théâtre du Capitole de Toulouse
Le Capitole de Toulouse démontre qu’il est encore possible, avec un
opéra aussi rabâché que Carmen, de
susciter l’intérêt avec une production évitant tout sensationnel.
Photo : (c) Patrice Nin / Théâtre du Capitole de Toulouse
Sans chercher à renouveler le
propos ni à l’actualiser, mais en plantant bel et bien l’action dans la
tradition de l’ouvrage, avec des costumes d’une Espagne conventionnelle, mais
dans une scénographie simple et claire de Rudy Sabounghi déployée autour de
deux cloisons monumentales en demi-cercle renvoyant à la corrida et tournant au
gré des scènes au centre du plateau mues sans bruit par des machinistes vêtus
de sombre, et d’un mur de pierre recouvert de peinture blanche délavée en fond
de scène sur lequel sont projetées dans l’acte final une vidéo de corrida.
Comme cela se pratique de plus en plus systématiquement durant l’ouverture, le
metteur en scène Jean-Louis Grinda, également signataire de la vidéo, présente
à rideau ouvert un flashback où l’on voit Don José tuer Carmen - conformément au
livret, n’en déplaise aux féministes démagogues qui ont soutenu à Florence en
janvier la dérive du metteur en scène Italien Leo Muscato, qui a déclaré que
« l’on ne peut applaudir le meurtre d’une femme en 2018 » - de
l’arène avant d’être arrêté. Ce qui, bien entendu, détourne l’audition de la
célèbre musique introductive de Bizet qui réunit les grands thèmes de l’opéra.
Photo : (c) Patrice Nin / Théâtre du Capitole de Toulouse
C’est la version originale qui
répond aux canons de l’opéra-comique français, c’est-à-dire avec dialogues
parlés, qui est proposée, au lieu de la version la plus souvent retenue, avec les
récitatifs d’Ernest Guiraud. Ce que la direction d’acteur de Grinda met à
profit, choix plus ou moins terni par la diction aléatoire de certains des protagonistes.
Ce qui n’est pas le cas des deux principaux protagonistes, Clémentine Margaine
et Charles Castronovo. La mezzo-soprano narbonnaise campe une Carmen - rôle abordé
au Deutsche Oper de Berlin en 2012 et avec lequel elle fait ses débuts au
Metropitan Opera de New York en 2016 et à l’Opéra de Paris en 2017 - de chair
et de sang, de sa voix puissante, colorée et charnelle, habitée par le
personnage qui atteint par sa présence une sensualité, une liberté, un
engagement d’une densité exceptionnelle (2). Face à elle, l’excellent Don José
du ténor américain Charles Castronovo notamment entendu en Vincent de Mireille de Gounod à l’Opéra de Paris,
chant élégant et puissant, psychologiquement impulsif et torturé, mais à
l’accent trop prononcé dans les dialogues, à l’instar de Dimitry Ivashchenko,
basse russe à la tessiture impressionnante, qui incarne un Escamillo éclatant
d’assurance. Anaïs Constans (Micaëla touchante), Charlotte Despaux (Frasquita)
et Marion Lebègue (Mercédès) assurent leurs personnages avec spontanéité. Dans
la fosse, l’Orchestre national du Capitole s’illustre sous la direction nuancée
d’Andrea Molino, et le Chœur du Capitole n’a rien à lui envier.
Bruno Serrou
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