Toulouse. Théâtre du Capitole. Vendredi 29 septembre 2017
Eugen d'Albert (1864-1932), Tiefland. Nikolaï Schukoff (Pedro), Meagan Muller (Marta). Photo : (c) Patrice Nin
Né à Glasgow la même année que
Richard Strauss, naturalisé allemand, mort à Riga à 67 ans, Eugen d’Albert
(1864-1932), disciple de Franz Liszt et de Johannes Brahms, maître de Wilhelm
Backhaus et d’Edwin Fischer, est à la fois l’un des grands pianistes de son temps,
un compositeur prolifique et un pédagogue de haut rang. En 1890, il crée la Burleske pour piano et orchestre de
Richard Strauss, en 1907, il est nommé directeur du Conservatoire de Berlin où
il engage comme professeurs de composition Ferruccio Busoni puis Arnold
Schönberg. Synthétisant les influences wagnériennes et brahmsienne, Eugen d’Albert
est avant tout un postromantique.
Eugen d'Albert (1864-1932), Tiefland. Markus Brück (Sebastiano), Meagan Muller (Marta). Photo : (c) Patrice Nin
Avec la Catalogne pour cadre, Tiefland (Basse terre) est le septième des vingt et un opéra d’Eugen d’Albert.
Créé à Prague en 1903, cet unique ouvrage vériste allemand a connu un succès
immédiat et demeure aujourd’hui l’œuvre la plus jouée de son auteur,
principalement en Allemagne. Succès dû en partie à la qualité du livret de
Rudolph Lothar en un prologue et trois actes tiré du drame réaliste catalan Terra baixa (Terre basse) d’Àngel Guimerà
d’une force dramatique correspondant précisément à l’art de la caractérisation
du compositeur. Les conflits entre les personnages violemment contrastés
suscitent d’impressionnantes apnées dramatiques, tandis que les rôles
secondaires sont scrupuleusement dessinés. Le protagoniste central, le berger
Pedro (ténor héroïque), a une vision du monde manichéenne, le bien et le mal, ses
moutons et les loups. Sebastiano (baryton héroïque), le propriétaire de
l’immense domaine où il travaille, exerce ses droits sur les êtres qui
travaillent pour lui. Il demande à Pedro d’épouser Marta (soprano dramatique),
sa maîtresse pour la garder à disposition tout en épousant une riche héritière.
Informé de ce projet, Pedro tue Sebastiano et retourne vivre dans la montagne
en compagnie de Marta et de ses moutons.
Eugen d'Albert (1864-1932), Tiefland. Nikolaï Schukoff (Pedro), Markus Brück (Sebastiano). Photo : (c) Patrice Nin
Dans une scénographie de Kaspar
Glarner figurant un moulin à blé, la production toulousaine donne toute ses
chances à cet opéra injustement négligé. Saluons donc avant tout le Théâtre du
Capitole qui a proposé un tel ouvrage en ouverture de saison à un public qui,
dans sa grande majorité, se confrontait à un opéra inconnu mais qui, à en juger
des nombreux rappels en fin de la première représentation, a suscité le plus
vif intérêt. Ainsi, mis en scène et distribué, Tiefland s’impose comme un moment phare de la création lyrique.
Jusqu’au dénouement d’une violence extrême, la tension ne faiblit pas. A la
tête d’un orchestre virtuose et tout en nuances, Klaus Peter Flor met en
exergue la magnificence de l’orchestration, et soutient une distribution d’une
unité exemplaire, animée avec un sens du théâtre particulièrement efficace de
Walter Sutcliffe. Nikolai Schukoff est une Pedro impressionnant de vérité à la
voix rayonnante, Meagan Miller une Marta fébrile tout aussi magistrale, Markus
Brück un corrosif Sebastiano, Scott Wilde un Tommaso altier. Saluons également
la touchante Nuri d’Anna Schoeck, les commères jacassantes Jolana Slavikova
(Pepa), Sofia Pavone (Antonia) et Anna Destraël (Rosalia).
Bruno Serrou
Jusqu’au 8/10. Rés. :
05.61.63.13.13. www.theatreducapitole.fr
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