Paris. Philharmonie de Paris. Grande Salle Pierre Boulez. Vendredi 27
octobre 2017
West-Eastern Divan Orchestra. Photo : (c) Bruno Serrou
Pour leur tournée annuelle automnale
qui les conduit à Paris, Daniel Barenboïm et son West-Eastern Divan Orchestra ont
attiré les foules à la Philharmonie de Paris vendredi soir qui leur ont réservé
un accueil triomphal. Coproduit par Piano**** et la Philharmonie de Paris, le
concert a réuni deux grandes pages d’orchestre aux contours de poème
symphoniques conçues à dix ans d’intervalle à la fin du XIXe siècle,
Don Quichotte de Richard Strauss et la Cinquième Symphonie de Piotr Ilitch
Tchaïkovski.
Constitué de musiciens israéliens,
palestiniens et de plusieurs pays arabes, le West-Eastern Divan Orchestra est
une réussite exemplaire, autant d’un point de vue artistique qu’humain. Le nom
de l’orchestre se réfère au recueil de douze poèmes de Goethe Le Divan occidental-oriental (1819-1827).
L’on sait l’amour que Daniel Barenboïm voue à la musique allemande,
particulièrement aux deux grands Richard, Wagner et Strauss. Deux compositeurs
longtemps interdits en Israël, mais que Barenboïm a imposé dans ce pays dont il
citoyen, ainsi que de trois autres (Argentine, Espagne, Palestine). C’est avec
le Don Quichotte, variations fantastiques
sur un thème chevaleresque op. 35 de Strauss que Barenboïm a ouvert la soirée.
Comme l’on sait, le personnage central est campé par le violoncelle, qui se
fait tantôt soliste tantôt tuttiste. C’est l’Autrichien d’origine persane Kian
Soltani qui a incarné avec un brio stupéfiant le chevalier à la triste figure,
traduisant les aventures de cette personnalité complexe avec un sens de l’épique,
du trouble et de la noblesse donnant une densité et une vie de chaque instant. L’altiste
israélienne Miriam Manasherov lui a donné une réplique chaleureuse et virtuose
en Sancho Panza, tandis que le fils de Daniel Barenboïm, Michael, premier
violon du West-Eastern Divan Orchestra, a brossé une Dulcinée lumineuse.
Pourtant, l’interprétation de la partition s’est avéré lourde, épaisse,
écrasant la polychromie et la fluidité de l’écriture straussienne, sa sensualité
et son élasticité.
Kian Soltani (violoncelle), Daniel Barenboïm et le West-Eastern Divan Orchestra. Photo : (c) Bruno Serrou
Après le Cygne de Camille Saint-Saëns dans un arrangement pour
violoncelle et orchestre à cordes et un entracte un peu plus long que de
coutume, Daniel Barenboïm et son orchestre ont été plus en phase avec le
caractère de l’œuvre, brossant de la plus autobiographique des symphonies de
Tchaïkovski, la Cinquième en mi mineur
op. 64, une lecture d’une puissance évocatrice singulièrement douloureuse
mais sans pathos, tous les pupitres, qu’ils soient solistes ou tuttistes, se
donnant sans compter et avec un plaisir partagé dans cette éblouissante
interprétation. Les contrastes de timbres, le large nuancier, les bois
chaleureux, les cuivres étincelants, les cordes avenantes et veloutées ont
transporté les auditeurs, qui ont vibré de concert, le souffle coupé au point d’une
écoute concentrée et sans faille, d’autant plus que Barenboïm a déployé attaca les quatre mouvements de l’œuvre.
Bruno Serrou
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