Tours. Concerts d’Automne. Eglise Saint-Julien. Vendredi 28 octobre
2016
Tours. Eglise Saint-Julien et le public de Concerts d'Automne. Photo : (c) Bruno Serrou
Né de l’initiative du musicologue
italien Alessandro di Profio, maître de conférences à l’Université François
Rabelais de Tours, le festival Concerts d’Automne de Tours s’est déroulé pour
sa première édition sur trois week-ends d’octobre, entre les 14 et 30 octobre,
en deux lieux différents, le Grand Théâtre et l’église Saint-Julien érigée au
XIIIe siècle.
Ensemble La Venexiana. Photo : (c) Bruno Serrou
Lieu de résidence de quatre
ensembles de renom, Consonance, Diabolus in musica, Doulce Mémoire et Jacques
Moderne, chacun couvrant un répertoire différent couvrant dix siècles d’histoire
de la musique, la cité tourangelle était un lieu tout indiqué pour un festival
qui leur soit consacré. Ainsi, le répertoire de cette jeune manifestation
entend d’attacher à la musique ancienne au baroque, couvrant ainsi une période
courant du VIIIe au XVIIIe siècle. Mais la particularité
de Concerts d’Automne réside dans le fait d’associer musiques savantes et
populaires d’époques diverses, pouvant paraître de prime abord antagonistes. Ainsi,
la soirée à laquelle j’ai assisté, la pénultième de cette première édition,
a-t-elle mis en regard l’art du madrigal et le jazz, qui ont cohabité à un
point tel que l’un et l’autre ont paru venir d’une même source et s’enrichir l’un
l’autre.
Francesca Lombardi Mazzulli (soprano) et Alberto Lo Gatto (contrebasse). Photo : (c) Bruno Serrou
Pour sa première prestation à
Tours, l’ensemble milanais La Venexiana, dont le champ d’investigation est le
madrigal italien qu’il entend théâtraliser - comme l’indique son nom tiré du
titre d’une comédie d’un auteur anonyme du XVIe siècle -, par une
attention particulière au texte, par le jeu instrumental. Pour la circonstance,
l’ensemble a associé six instrumentistes baroques à deux jazzmen, le
contrebassiste Alberto Lo Gatto créant le lien entre les deux groupes, par son
omniprésence et son aisance remarquable dans le passage d’un style à l’autre. Des
styles au fond pas si éloignés que cela, les modes d’écriture, de jeu et d’improvisation
étant assez proches, la différence tangible étant l’instrumentarium de base, le
clavecin, la viole de gambe et le théorbe chez les premiers, le saxophone, la
trompette et le piano pour les seconds, la percussion étant une constante. Le
plus ancien des instruments de musique, la voix, est l’élément fondamental du
madrigal et est souvent intégré aux formations jazz, à l’instar de Billy Holiday,
figure tutélaire du spectacle proposé par La Venexiana intitulé Round M. (Autour de Monteverdi). Cette part essentielle de ces répertoires
était confiée à la soprano Francesca Lombardi Mazzulli, disciple de Mirella
Freni et Luciano Pavarotti, dont la voix chaude, nuancée et solide, s’est
exprimée avec autant d’acuité et de fluidité dans tous les répertoires,
chantant pendant près de deux heures sans défaillir.
L'ensemble La Venexiana. Photo : (c) Bruno Serrou
A l’instar du
contrebassiste Alberto Lo Gatto, omniprésent, et, à un moindre degré, le
percussionniste-batteur Donato Stolfi. Les dix musiciens ont mis en regard en
les alternant des pages du XVIIe siècle signées Claudio Monteverdi (1567-1643)
et ses contemporains et compatriotes, Giovanni Felice Sances (1600-1679),
Tarquinio Merula (1595-1665) et Benedetto Ferrari (1603/4-1681), ainsi que l’Anglais
Henry Purcell (1659-1695). Côté jazz, c’est principalement à Bill Evans
(1929-1980) que La Venexiana a emprunté, fusionnant avec dextérité le jazz aux
madrigaux. Un moment de grâce et d’émotion pure, la voix ardente de Francesca
Lombardi Mazzulli dans le Lamento della
Ninfa de Monteverdi et l’aria « When I am laid in earth »
extrait de Didon et Enée de Purcell,
la section jazz (Emanuele Cisi, saxophone soprano et alto, Giampaolo Casati,
trompette, Donato Stolfi, batterie) s’intégrant avec finesse dans la continuité
du discours.
Bruno Serrou
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