Strasbourg.
Musica 2016. Le Point d’Eau (Ostwald), Eglise réformée du Bouclier, Salle de la
Bourse, Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, Auditorium France 3 Alsace, Auditorium
de la Cité de la musique et de la danse. Vendredi 23, samedi 24 et dimanche 25
septembre 2016
Photo : (c) Bruno Serrou
Premier week-end du Festival Musica de Strasbourg
comme d'habitude surcharge de rendez-vous, comme si les programmateurs étaient
pris par la crainte de manquer au risque de perdre leur public.
Photo : (c) Bruno Serrou
Après deux soirées cinéma et musique, l’opéra filmé Giordano Bruno de Francesco Filidei créé
sur scène lors de l’édition 2015 du festival, et le ciné-concert du Philharmonique
de Strasbourg sur le film de Stanley Kubrick 2001 : l’Odyssée de l’espace, la véritable ouverture de Musica
s’est faite avec une création de Pierre Henry, Chroniques terriennes, commande du Festival que le compositeur de
90 ans a pu honorer malgré la maladie.
Portrait de Pierre Henry projeté sur écran géant et quelques-uns des quatre vingt dix haut-parleurs nécessaires à l'exécution de ses oeuvres. Photo : (c) Bruno Serrou
C’est donc en l'absence de Pierre Henry que cette
première a été supervisée par l’un de ses proches, le « metteur en sons »
Thierry Balasse, qui le remplaçait à la console. Beaucoup de jeunes dans la
salle, comme à chaque concert du « pape de la techno ». Pourtant,
cette pièce est beaucoup trop longue (soixante-deux minutes et tourne vite sur
elle-même, avec d’interminables cymbalisations de cigales et caracoulements de
pigeons. La seconde pièce, Dracula, plus
courte d’une dizaine de minutes, remonte à 1962. S'il n'y avait le montage
d'extraits symphoniques de l’Anneau du
Nibelung de Richard Wagner, le travail de Pierre Henry se réduirait à trois
fois rien, ajoutant charnières grinçantes, hululements, orages, cavalcades en
tout genre.
Concert 2 du GRM; Giuseppe Ielasi aux manettes pour son Untitled January 2014. Photo : (c) Bruno Serrou
Musica a profité de ce concert-hommage à l’un des
pères de la musique concrète et de la présence d’une centaine de haut-parleurs
pour consacrer deux performances au GRM (Groupe de Recherche Musicale) fondé
par Pierre Schaeffer et Pierre Henry au tournant des années 1940-1950, la
première voué aux aînés (Pierre Schaeffer, Bernard Parmegiani, Luc Ferrari,
François Bayle), l'autre â la nouvelle génération (Vincent-Raphaël Carinola,
eRikm, Giuseppe Ielasi, suivis d’une pièce du directeur de l’INA-GRM, Daniel
Teruggi). Si les pionniers avaient une réelle créativité, c’est moins le cas de
leurs cadets.
Pascal Dusapin, Alexander Liebreich, Münchener Kammerorchester et RIAS Kammerchor. Photo : (c) Bruno Serrou
Première expérience personnelle d’un concert Musica
dans l'enceinte de la somptueuse cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, l'Orchestre
de Chambre de Munich et le Chœur de Chambre RIAS (Radio de Berlin) dirigés par
Alexander Liebreich ont ouvert leur prestation sur un admirable Responsorio delle Tenebre (Répons des Ténèbres) pour ensemble vocal a
capella de Salvatore Sciarrino (né en 1947). Ecrit pour chœur, glass
harmonica, percussion, timbales et orchestre à cordes sur un dialogue
entre un proche de Charlemagne, le poète-savant-théologien anglais Alcuin
(732-804), et l’un de ses élèves Disputatio de Pascal Dusapin,
déjà entendu â Paris en 2014, a remarquablement sonné dans l’acoustique
réverbérante de la cathédrale, cette œuvre de quarante minutes acquérant ainsi
une ampleur impressionnante. Pour conclure ce concert, une belle interprétation du Requiem de Maurice Duruflé (1902-1986) dont la proximité avec les
partitions de deux cadets rend cette œuvre désuète ou décalée bien que son
auteur fût un contemporain d’Olivier Messiaen.
Diana Soh et le Quatuor Adastra. Photo : (c) Bruno Serrou
Dans le domaine de la musique de chambre, la
découverte dans la série « Jeunes talents » d’un quatuor d’archets,
le Quatuor Adastra, élève du Conservatoire et de l’Académie supérieure de
musique de Strasbourg/HEAR, s’est révélé être un beau moment de musique avec un
programme supérieurement élaboré réunissant des œuvres d’une jeune coréenne,
Diana Soh (née en 1984), qui a attribué à sa pièce pourtant attachante un titre
prétentieux et abscons, à des pages du Hongrois György Kurtag (né en 1926), du
référent Anton Webern (1883-1945) et le Quatuor
n° 3 de Pascal Dusapin.
Pierre-Laurent Aimard, Mark Simpson et Antoine Tamestit. Photo : (c) Bruno Serrou
Autre concert chambriste, celui de dimanche matin
comme seul sait en concocter le pianiste Paul-Laurent Aimard entouré du
clarinettiste Mark Simpson et de l’altiste Antoine Tamestit autour de György Kurtag,
pour ses quatre vingt dix ans, et Robert Schumann (1810-1856), avec l’Hommage à R. Sch. du premier, et un
mouvement des Bunte Blätter et du Märchenbilder ainsi les Märchenerzählungen du second, auxquels s’ajoutaient
l’Hommage à Gy. K. de Marco Stroppa
(né en 1959).
Ahmed Essyad (au centre), entouré (de gauche à droite) de Léo Warynski, Sandrine Abello, Olivier Achard et Vincent Monteil. Derrière l'ensemble orchestrakl du Conservatoire de Strasbourg et le Choeur de l'Opéra de Strasbourg. Photo : (c) Bruno Serrou
Côté lyrique, Musica a proposé ce premier week-end la
création mondiale du sixième ouvrage lyrique du Franco-Marocain Ahmed Essyad, Mririda, commande de l’Opéra du Rhin sur
un livret de Claudine Galea. Cet ouvrage est consacré à la figure féminine de
la poétesse maghrébine Mririda qui, dans les années 1920, a tenté
d’enrayer le cycle infernal de la destruction et de la mort, et qui était considérée
à l’époque comme une prostituée en raison de la liberté inextinguible qui gouvernait
son action. Œuvre sensible et d’une authenticité à fleur de peau, sur une
musique dans la filiation de la Seconde Ecole de Vienne, l’opéra de chambre Mririda a été interprété par la jeune
troupe de chanteurs de l’Opéra Studio de l’Opéra du Rhin animé par Vincent
Monteil, avec en tête de distribution l’excellente soprano italienne Francesca
Sorteni dans le rôle-titre, les jeunes instrumentistes de l’Ensemble orchestral
d’élèves du Conservatoire de Strasbourg excellemment préparé par le
clarinettiste Armand Angster, et des élèves comédiens du cycle à orientation
professionnelle du Conservatoire de Strasbourg. Seul le Chœur de l’Opéra du Rhin
est constitué de professionnels, mais si peu aguerris à la création que l’effectif
choral a dû être placé dans la fosse pour pouvoir chanter partition en main. Si la mise en scène et le décor d’Olivier Achard ont donné dans
l’économie, le chef Léo Warynski, directeur de l’ensemble Multilatéral et de l’ensemble
vocal Les Métaboles, a donné toute la dimension et la force évocatrice de
l’œuvre.
Bruno Serrou
Jusqu’au 8/10. Rés. : +33 (0)3 88 23 47 23. www.festival-musica.org
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