Paris, Philharmonie de Paris, dimanche 22 février 2015
Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra à la Philharmonie de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou
Chef principal depuis 2007 du
London Symphony Orchestra avec lequel il a été en résidence Salle Pleyel,
Valery Gergiev et la première phalange britannique ont découvert la Philharmonie
de Paris. Une première qui semble les avoir enthousiasmés, aucun des musiciens
n’ayant paru vouloir se presser pour quitter le plateau, allant jusqu’à offrir
un bis sans se faire prier... Le programme n’avait pourtant rien de
transcendant, entièrement consacré à Serge Rachmaninov, surtout la seconde
partie, occupée par l’une des symphonies les plus laborieuses du répertoire…
Serge Rachmaninov (1873-1943). Photo : DR
La première moitié du concert
était entièrement occupée par le véloce Concerto
pour piano et orchestre n° 2 en ut mineur op. 18, l’œuvre la plus emblématique
de Rachmaninov. Créée à Moscou le 27 octobre 1901 avec le compositeur au piano,
cette œuvre est née après trois ans de silence dû à l’échec de la première
symphonie, que Gergiev a judicieusement mise en regard en la programmant dans
ce même concert. Les deux derniers mouvements ont été conçus avant le premier,
et ont été donnés en création dès le 2 décembre 1900. L’échec de la symphonie
avait été si cuisant, que Rachmaninov avait jugé bon de se confier à un
psychologue, qui lui conseilla d’écrire un concerto. C’est donc une sorte de
psychanalyse libératoire qui est le moteur de l’œuvre la plus célèbre de
Rachmaninov et l’une des plus fameuses du répertoire concertant pour piano. Elle
a permis une fois de plus d’apprécier les qualités acoustiques de la Philharmonie qui s'avèrent infiniment prometteuses, le soliste, Denis Matsuev, s’avérant dans ce cadre plus nuancé que d’habitude.
Denis Matsuev. Photo : DR
En effet, une
fois n’est pas coutume, d’entrée, Denis Matsuev s’est exprimé dans la
demi-teinte, les premiers accords en batteries de cloches n’étant pas plaqués
en force mais au contraire paraissant venir du lointain, quasi liquides,
presque immatériels. Les doigts d’airain et les bras tout en muscles d’acier de
Matsuev qui lui donnent une puissance de marathonien qu’il a tant de mal à
retenir, se sont fait soudain plus mesurés et équilibrés. Car, cette fois, aucun
risque à la Philharmonie, contrairement à ce qui peut subvenir dans nombre de
salles ou le pianiste russe se produit, pour des oreilles sensibles de subir des
signes de fatigue pouvant se traduire parfois par des acouphènes, tout en restant
fort loin du raffinement et de l’onirisme d’un Chamayou. Il faut reconnaître
néanmoins à Matsuev sa latitude au panache et à jouir sans affectation de ses
aptitudes techniques et sonores vertigineuses dans une partition qui laisse le
champ libre à une telle performance.
Avec un orchestre au nuancier infini et aux couleurs à la fois brûlantes et feutrées, sachant répondre à la moindre inflexion du soliste, Matsuev ne pouvait que se montrer à l’écoute des musiciens de cette phalange qui n’ont rien à lui envier en virtuosité et en musicalité, et qui ont au contraire la capacité à modérer ses instincts de fauve du piano en l’obligeant à la modération et à l’écoute de ses pupitres, solistes et tuttistes. Hélas, dans le finale, le naturel de Matsuev est revenu au galop, jouant tout en force et sans retenue. Ce dont Valery Gergiev a d’ailleurs tiré profit en faisant sonner l’orchestre londonien avec une force conquérante, attisant lui aussi tout son potentiel sonore dans une course frénétique avec son soliste, les pupitres du LSO rivalisant de panache et d’éclat avec le pianiste russe. Rapidement, Matsuev a enchaîné deux bis, concluant sur un Prélude de Scriabine halluciné et par trop sonore.
Denis Matsuev, Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra. Photo : (c) Philharmonie de Paris
Avec un orchestre au nuancier infini et aux couleurs à la fois brûlantes et feutrées, sachant répondre à la moindre inflexion du soliste, Matsuev ne pouvait que se montrer à l’écoute des musiciens de cette phalange qui n’ont rien à lui envier en virtuosité et en musicalité, et qui ont au contraire la capacité à modérer ses instincts de fauve du piano en l’obligeant à la modération et à l’écoute de ses pupitres, solistes et tuttistes. Hélas, dans le finale, le naturel de Matsuev est revenu au galop, jouant tout en force et sans retenue. Ce dont Valery Gergiev a d’ailleurs tiré profit en faisant sonner l’orchestre londonien avec une force conquérante, attisant lui aussi tout son potentiel sonore dans une course frénétique avec son soliste, les pupitres du LSO rivalisant de panache et d’éclat avec le pianiste russe. Rapidement, Matsuev a enchaîné deux bis, concluant sur un Prélude de Scriabine halluciné et par trop sonore.
London Symphony Orchestra. Photo : (c) Bruno Serrou
Avec ses
trois-quarts d’heure, soit une dizaine de minutes de plus que le concerto, la Symphonie n° 1 en ré mineur op. 13 de Rachmaninov a constitué le plat de
résistance du concert. En fait, cette œuvre est carrément interminable tant
elle est proprement indigeste… Et la beauté des timbres du London Symphony
Orchestra n’a rien pu y changer. Composée en 1895, créée le 15 mars 1897 à
Saint-Pétersbourg sous la direction désordonnée d’un compositeur laborieux,
Alexandre Glazounov, ce soir-là sous l’empire de l’alcool, l’œuvre connut un
échec si retentissant que son auteur resta stérile trois ans durant. Rachmaninov
était même allé jusqu’à détruire sa partition autographe, qui a été
reconstituée plus tard à partir des parties séparées.
Valery Gergiev invite le cor solo du London Symphony Orchestra a saluer. Photo : Bruno Serrou
Il se trouve néanmoins quelques
passages intéressants dans cette œuvre cyclique aux contours sombres et parfois
pompeux, dont le mouvement initial découle dans le Dies Irae, thème funèbre médiéval que l’on retrouve dans le scherzo
puis dans le finale, et qui occupera l’esprit de Rachmaninov jusqu’à sa mort. Le
Larghetto réserve une chaude mélodie confiée à la clarinette. Valery Gergiev a
donné le meilleur de cette partition, instaurant une certaine unité dans un
univers assez décousu, tirant profit des somptueuses colorations instillées par
le London Symphony Orchestra, plus lumineux et sensuel, en un mot plus « latin »
que les Berliner Philharmoniker et Royal Concertgebouw Orchestra entendus cette
même semaine dans cette même salle, s’avérant ainsi leur égal dans la cour des
plus grands. Dommage que Gergiev n’ait pas choisi des œuvres autrement plus
significatives de Rachmaninov, comme les
Cloches, l’Île des Morts ou les Danses symphoniques… Avant de quitter la Philharmonie, comme pour jouir
encore des qualités de cette nouvelle salle que Londres nous envie déjà, rejetant
le Barbican Center comme obsolètes, Gergiev a lancé le London Symphony Orchestra
dans une fébrile Polonaise de la scène du bal à Saint-Pétersbourg de l’opéra Eugène Onéguine de Tchaïkovski.
Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra. Photo : (c) Bruno Serrou
Valery
Gergiev revient à la Philharmonie de Paris dès le 9 mars avec le Münchner
Philharmoniker et la violoncelliste franco-argentine Sol Gabetta pour un
hommage à Lorin Maazel (Antonin Dvořák/Richard
Strauss).
Bruno
Serrou
J'ai eu constamment l'impression que l'acoustique de la salle favorisait l'orchestre au détriment du soliste ( Denis Matsuev )
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