Paris, Salle Pleyel, vendredi 29 novembre 2014
Le Wiener Symphonieorchester. Photo : (c) Wiener Symphonieorchester
Le Wiener Symphoniker, ou
Orchestre Symphonique de Vienne, est l’orchestre viennois par excellence. Il
l’est davantage que le Wiener Philharmoniker, émanation de l’orchestre de fosse
de l’Opéra d’Etat de Vienne dont la mission principale est de participer aux
productions de la célèbre institution lyrique autrichienne. Fondé en octobre 1900
sous le nom de Konzertvereinorchester (Orchestre de la Société des Concerts) avec
pour chef permanent Ferdinand Löwe, la phalange est accueillie en résidence par
le Konzerthaus en 1913 et adopte six ans plus tard l’intitulé qu’elle porte
aujourd’hui, après la sécession du Verein Wiener Tonkünstler Orchester avec
lequel il a fusionné en 1914. En 1922, les deux formations s’amalgament
définitivement tout en gardant leur indépendance dans l’organisation de leurs
concerts. Nombreuses sont les créations dont le Wiener Symphoniker peut se
targuer, avec, à titre d’exemple, rien moins que la Symphonie n° 9 d’Anton Bruckner, les Gurrelieder et Pelléas et
Mélisande d’Arnold Schönberg, le Concerto
pour la main gauche de Maurice Ravel, le
Livre aux Sept Sceaux de Franz Schmidt, la Symphonie n° 1 de Karl-Amadeus Hartmann, le Poème de Boris Blacher, le Concerto
pour quinze solistes et orchestre de Jean Françaix, etc. Parmi ses chefs
permanents, Hans Swarowsky, Herbert von Karajan, Wolfgang Sawallisch, qui le dirige
jusqu’au Vatican devant le pape Jean XXIII en 1959, Josef Krips, Carlo Maria
Giulini, Guennadi Rojdestvenski, Georges Prêtre, Rafael Frühbeck de Burgos. En 2013,
Fabio Luisi laisse le poste vacant…
Philippe Jordan et le Wiener Symphonieorchester. Photo : (c) Sébastien Grébille
… Deux mois à peine après sa
prise de fonction comme Directeur musical, Philippe Jordan, également Directeur
musical de l’Opéra de Paris, conduit l’Orchestre Symphonique de Vienne en
tournée. Tournée qui les a conduits vendredi Salle Pleyel, avec un programme
dans lequel la phalange autrichienne excelle. Pour cette première prestation en
France du chef suisse à la tête de l’Orchestre Symphonique de Vienne, le ban et
l’arrière-ban du Tout-Paris musical s’est bousculé à Pleyel. C’est d’ailleurs
sur une partition du plus viennois des compositeurs, la fameuse Symphonie n° 8 en si mineur D. 759
« Inachevée » de Franz Schubert, que Philippe Jordan a ouvert le
concert. Malgré un effectif de cordes allégé (14-12-10-8-6), cette partition de
caractère dramatique s’est faite sombre et solennelle, Jordan étirant
excessivement les tempi, au point
d’élaguer les tensions qui donnent à l’Inachevée
tout son tragique. A défaut d’émotion, l’auditeur a pu goûter la
prestation des pupitres de la phalange viennoise, depuis le velouté des
violoncelles et des contrebasses, jusqu’aux chaudes sonorités de la hautboïste
Ines Galler et de la clarinette solo, ainsi que la rondeur du son des trombones.
Khatia Buniatishvili. Photo : DR
Dans le Concerto n° 1 pour piano, trompette et orchestre à cordes en ut mineur
op. 35 de Dimitri Chostakovitch, seule concession au XXe siècle
de ce concert, d’aucuns ont pu regretter la force tellurique d’un Denis
Matsuev, et, plus encore, la vivacité de sa consœur chinoise Yuja Wang entendue
dans cette même œuvre à Annecy l’été dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/yuri-temirkanov-celebre-la-russie-avec.html),
tant les mains de la pianiste géorgienne Khatia Buniatishvili n’ont fait
qu’effleurer - certes avec virtuosité - le clavier sans pouvoir ainsi détacher de
ce dernier des sonorités pleines et colorées. En revanche, la trompette vif-argent
de l’Autrichien Rainer Küblöck a parfaitement tenu son rôle, le trompette-solo du
Wiener Symphoniker étant en outre mis en avant à l’instar de la pianiste, placé
entre sa partenaire et le chef.
La seconde partie de la soirée
était entièrement occupée par la seule Symphonie
n° 7 en la majeur op. 92 de Ludwig van Beethoven – rappelons ici que
Philippe Jordan dirige cette saison une intégrale des symphonies du maître de
Bonn à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris -, compositeur que
Schubert considérait comme un maître immense, au point de ne jamais oser se
permettre de le rencontrer. Avec cette symphonie, sans doute la plus accomplie
de Beethoven, le Wiener Symphoniker chante dans son jardin, au point de donner
l’impression de pouvoir la jouer seule, malgré la gestique envahissante car
trop appuyée et insistante de Philippe Jordan. Les sonorités singulièrement homogènes
et les timbres fruités de la formation autrichienne ont flatté l’oreille de l’auditeur,
mais la magie n’a pas opéré tant la direction de Jordan s’est avérée peu
alerte, la rythmique peu marquée, la conception légèrement emphatique, tandis
que la vision globale a manqué d’unité, comme l’ont souligné les longues
respirations entre chaque mouvement, particulièrement entre les deux derniers
qui forment pourtant un contraste saisissant lorsqu’ils sont enchaînés, comme
une pulsion d’énergie foudroyante.
A noter la publication par le label de l'Orchestre Symphonique de Vienne du premier enregistrement avec Philippe Jordan, consacré à la Symphonie n° 6 Pathétique de Tchaïkovski (WS 900 SM)
Bruno Serrou
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