jeudi 2 août 2012

Chorégies d’Orange, Roberto Alagna en méforme sauvé par Lise Lindstrom, Maria Luigia Borsi, l'Orchestre National de France et Michel Plasson devant le mur du Théâtre antique transformé en Cité interdite de la princesse Turandot


Orange, Théâtre antique, samedi 28 juillet 2012

 
Le soir de la première des deux représentations de Turandot à Orange, samedi 28 juillet, le ténor français Roberto Alagna a manqué son rendez-vous avec Calaf pour sa prise de rôle, ses cordes vocales fragilisées par une mycose l’ayant empêché de laisser se déployer la voix dans les méandres de l’écriture de Puccini, malgré la délicatesse de la direction de Michel Plasson. Pour la nouvelle production de Turandot, ultime opéra de Giacomo Puccini achevé par Franco Alfano vu pour la dernière fois à Orange en 1997 déjà sous la direction de Michal Plasson qui dirigeait alors son Orchestre National du Capitole de Toulouse, le mur du Théâtre antique s’est orientalisé. César Auguste a en effet été dissimulé sous un gigantesque tam-tam qui l’a contraint de s’effacer devant son vieux confrère chinois Altoum, tandis que la pierre romaine était masquée par un mur de carton-pâte simulant sur trois niveaux le palais impérial de la Cité interdite pékinoise. 


Du fait de ce décor voulu par le metteur en scène Charles Roubaud, déjà signataire de la production de 1997, et réalisé par Dominique Lebourges sur lequel ont été projetées des vidéos sans grand intérêt (du moins depuis l’endroit où les journalistes étaient assis) de Marie-Jeanne Gauthé, l’acoustique idéale du lieu s’est avérée anormalement sèche, n’autorisant pas le moindre écart de justesse ni le plus petit décalage. Ce qui n’a pas empêché l’Orchestre National de France de se montrer à son meilleur, comme galvanisé par la direction jaillissante, nerveuse, d’un lyrisme ardent de Michel Plasson, qui, en connaisseur inspiré de l’œuvre, a ménagé de somptueux moments de poésie alternant avec une puissance singulière fusant comme des flèches. Esthétiquement réussie, le décor s’amalgamant à la pierre du théâtre dont il élague les reliefs au risque d’étouffer l’acoustique, la scénographie amoindrit les infinies richesses de la partition par la dureté sonore qu’elle suscite. 


Ayant attiré la foule des grands soirs, Roberto Alagna aurait dû être le héros de la soirée. Malheureusement, le soir de la première, une mycose en a décidé autrement, obligeant le ténor français à se limiter au marquage des nombreux passages placés dans l’aigu de sa tessiture, ce qui l’a empêché d’investir son personnage. Malgré l’avertissement en voix off du directeur du festival, Raymond Duffaut, l’informant à la reprise après l’entracte de la défaillance de Roberto Alagna, prégnante depuis sa première intervention, une partie du public n’a pu réfréner des cris de déception. Il faut dire que c’est surtout dans cette deuxième partie, ouverte sur un « Nessun dorma » décevant, que cette méforme s’est faite évidente. Afin d’étouffer les huées, en professionnel endurci particulièrement attentif aux chanteurs, Plasson, depuis le plateau ou il était monté pour les saluts, a fait reprendre le chœur final de l’opéra, au grand plaisir des aficionados. 


Réunie autour d’Alagna, la distribution était d’un excellent niveau, particulièrement du côté des femmes. Maria Luigia Borsi a campé une Liù ardente et lumineuse, et Lise Lindstrom une Turandot solide mais princesse aux pieds d’argile. Le trio de ministres Ping, Pang, Pong (Marc Barrard, Jean-François Borras, Florian Laconi) a suscité la jubilation par son humour primesautier et le parfait alliage des voix. Chris Merritt n’a pas démérité en empereur trônant haut perché depuis le troisième étage de son palais, tandis que Marco Spotti a incarné un noble Timur. Les chœurs venus de six horizons différents ont réussi la gageure de former à la fois un peuple hétérogène et une multitude indivisible. Mais le véritable souverain de la soirée restera l’Orchestre National de France…
Bruno Serrou
Bicentenaires obligent, les Chorégies d'Orange 2013 proposeront du 11 juillet au 6 août un opéra de Richard Wagner (le Vaisseau fantôme - 12 & 16/07) et un opéra de Giuseppe Verdi (Un bal masqué - 3 & 6/08). Dans l'intervalle, sont programmés des récitals Lang-Lang, François-Frédéric Guy, Antonacci/Alagna et Cioffi/Nucci. 

Photos : (c) Bruno Serrou

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