Salle Pleyel, mercredi 22 février 2012
Photo : DR
Le moment le plus attendu du
concert était l’intégrale du ballet Daphnis
et Chloé de Maurice Ravel. Œuvre capitale de la musique du XXe
siècle, Daphnis et Chloé n’est donnée
la plupart du temps que dans l’une ou l’autre (voire les deux) des suites d’orchestre
que Ravel en a tiré (la première étant créée dès le 2 avril 1911 aux Concerts
Colonne), jouées trop souvent dans un nuancier circonscrit dans un registre se
situant au-delà de forte et enlevées
dans des tempi excessivement rapides.
« Symphonie chorégraphique en trois parties » composée en 1909-1912 à
la demande de Serge de Diaghilev pour ses Ballets russes sur un argument de
Michel Fokine, chorégraphe de la célèbre troupe, créée dans des décors et des
costumes de Léon Bakst au Théâtre du Châtelet le 8 juin 1912 sous la direction
de Pierre Monteux avec Vaclav Nijinsky et Tamara Karsavina en solistes, Daphnis et Chloé, à l’instar des Créatures
de Prométhée de Beethoven, est un hommage à la Grèce, celle du IIe
siècle de notre ère. Il résulte de ce projet l’œuvre la plus développée de son
auteur et, sans doute, son chef-d’œuvre. Cinquante-cinq minutes d’une musique
où le chœur qui ne prononce que la voyelle « a » tient une place importante,
ce qui explique sans doute sa faible présence au concert et, plus
encore, à la scène. Loin des réussites majeures de Pierre Boulez à la tête de
ce même Orchestre de Paris, l’interprétation qu’en a donné Riccardo Chailly a néanmoins
ménagé de beaux moments, mais l’ensemble a manqué d’unité, l’enchaînement des numéros n’ayant pas assez de cohésion, les séquences étant souvent comme
plaquées les unes sur les autres, le discours apparaissant de ce fait trop fragmenté.
Le meilleur de cette exécution a été dans l’Introduction,
bien que l’on y eût espéré un peu plus d’immatérialité, mais le solo du cor s’est
avéré ardemment lyrique et l’entrée des différents pupitres puis celle du chœur
ont été judicieusement évocatrices. La Danse
religieuse a été embrasée par les
cordes (superbes solos de Philippe Aïche - Roland Daugareil était annoncé dans
le programme) et les harpes, tandis que les bois ont rivalisé de virtuosité, et
que l’ensemble des pupitres se sont déployés à satiété dans cette éblouissante palette
instrumentale façonnée par Ravel. Le chœur trop concret n’est pas parvenu à
mettre en valeur l’once de mystère qui fait contrepoids à la puissance sonore
mise en jeu par la partition (Riccardo Chailly a choisi de soutenir le chœur par
les instruments à vent dans l’introduction de la deuxième partie). Le célèbre Lever du Jour qui ouvre la troisième
partie a été magnifié par les appels du violon et de la flûte piccolo alors que des
profondeurs de l’orchestre les instruments se sont imperceptiblement agglomérés
jusqu’à l’apothéose finale d’une puissance expressive trop contrainte, pour finalement se libérer dans la Danse générale qui
clôture le ballet, exubérant et riche en couleurs qui aura formé hier soir un étonnant
contraste avec la pantomime un peu décousue qui l’aura précédée.
Bruno Serrou
1) La semaine prochaine, Riccardo
Chailly et l’Orchestre de Paris proposent un programme Gershwin, avec, en
soliste, le pianiste de jazz Stefano Bollani.
2) A noter que le concert de ce
jeudi soir 23 février 2012 est diffusé en direct sur Arte Live Web,
citedelamusique.tv et orchestredeparis.com, et sera disponible sur ces trois
sites jusqu’au 22 août 2012. Par ailleurs, le concert sera diffusé ultérieurement
sur Mezzo.
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