Orchestre National d'Ile-de-France. Photo : DR
Pour un orchestre de quatre vingt
quinze musiciens, la « distanciation sociale » est une gageure quasi insurmontable.
D’autant plus lorsque sa mission est la propagation de la musique dans la
région la plus peuplée de France, le bassin parisien. « Orchestre
nomade », l’Orchestre National d’Ile-de-France ne manque pas d’idées pour
reprendre son activité…
Case Scaglione et l'Orchestre National d'Ile-de-France. Photo : (c) ONDIF
Le dernier concert de l’ONDIF,
orchestre dont le budget est assuré à soixante-dix pour cent par la région
Ile-de-France (quinze pour cent d’apports par le ministère, le reste en
recettes propres notamment les ventes de concerts aux villes de la région
parisienne) remonte au 12 mars, à Rungis. Au milieu de sa deuxième saison de
directeur musical, le chef texan Case Scaglione a dû interrompre subitement ses
prestations à la tête de son orchestre dès le 31 janvier à l’issue d’un
programme Sibelius. « Depuis lors, l’orchestre et moi essayons de garder
le contact ensemble avec notre public, qui est le plus grand d’Europe, s’enthousiasme-t-il.
Et nous sommes prêts à le retrouver dès que les pouvoirs publics nous donneront
le feu vert. » Dans un premier temps, il faudra se limiter à un répertoire
prévu pour vingt à cinquante musiciens, sans instruments à vent. « Il s’agit
d’un ‘’plan B’’, sourit Case Scaglione, et il y a heureusement un riche répertoire
pour cordes, avec ou sans claviers et percussion. Nous allons jusqu’à envisager
de diffuser des concerts en direct et en streaming depuis notre salle de
répétitions à Alfortville. »
Le siège social, studio et salle de répétition de l'ONDIF à Alfortville. Photo : DR
L’interruption soudaine de l’activité
des salles de concert et de la totalité du spectacle vivant a marqué un coup
brutal qui pourrait s’avérer fatal s’il devait perdurer et si les responsables
d’orchestres ne trouvaient pas de mode de diffusion de substitution, même si
rien ne saura jamais remplacer le concert public. Cette formation donne en effet
cent-dix concerts par an dans soixante salles différentes, dont une saison
complète à la Philharmonie de Paris. « Pour la reprise de notre activité,
nous envisageons trois scénarios, énonce Fabienne Voisin, directrice générale
de l’ONDIF. Le scénario béat que serait le retour à la normalité. Le deuxième
tient compte de la distanciation qui nous oblige à revoir la proximité à la
fois des musiciens sur le plateau et du public dans la salle, une révision de tous
les programmes dans des théâtres ayant les reins assez solides pour supporter
un taux de remplissage de moins de trente-cinq pour cents de leur jauge et, de
ce fait, pour doubler les concerts. Enfin, troisième alternative, plus de
concerts publics du tout jusqu’à une date indéterminée. Il nous faudra alors
faire des propositions depuis la maison de l’orchestre. »
Le studio de l'ONDIF à Alfortville. Photo : (c) ONDIF
Ce dernier cas de figure est tout
à fait envisageable, l’orchestre s’étant doté voilà trois ans de moyens
audiovisuels et d’un studio d’enregistrement numérisés. « Nous espérons
reprendre le 2 juin, confie Case Scaglione, avec quatre ou cinq rendez-vous
depuis notre maison jusque fin juillet. Mais nous souhaitons une diffusion plus
large que depuis notre site Internet et que YouTube. » « Pour ce
faire, renchérit Fabienne Voisin, nous souhaitons mettre en place des partenariats
avec des télévisions prêtes à participer à l’aventure, non seulement pour la
diffusion mais aussi pour la logistique, car il nous avons besoin de
réalisateurs, de cadreurs et de techniciens du son. Nous travaillons aussi
depuis trois semaines sur les conditions sanitaires pour que chaque salarié
soit protégé. Les musiciens, leurs représentants et les syndicats sont
prêts à tout mettre en œuvre pour que l’activité reprenne dans les meilleures
conditions. »
Tout cela aura un impact sur la
saison 2020-2021, les scènes reportant leur programmation de cette longue
période d’arrêt sur les mois suivants. « Nous attendons la mi-juin et les
premiers résultats du déconfinement pour adapter notre stratégie et redonner
confiance au public », convient Fabienne Voisin. En outre, l’ONDIF, à l’instar
de tous les professionnels de la Culture, attend du gouvernement une parole
forte, un « Plan Macron de la Culture » plutôt qu’un « Plan
Marshall », car il manque dans les annonces faites par le pouvoir exécutif
une vision forte et porteuse, parce que ce qui est pour le moment demandé aux
acteurs culturels, innovation, inventivité, proximité, est ce qui constitue
précisément son ADN. « Quand je pense que le premier concert
après-confinement du Philharmonique de Berlin a été introduit par le ministre
allemand de la Culture, cela fait rêver », relève Case Scaglione.
Le projet participatif Zerballodu, conte musical sur le thème de l'écologie interprété le 8 juin 2019 à la Philharmonie de Paris par 270 collégiens de toute l'Ile-de-France. Photo : (c) ONDIF
Pour l’ONDIF, le point le plus
sensible est l’aspect pédagogique de son activité. Ce qui est une véritable
mission pour l’orchestre, qui a été contraint d’annuler quatre-vingt pour cents
de son action annuelle auprès de trente mille enfants. « Le problème est
que le confinement est intervenu en pleine période de restitution des projets,
regrette Fabienne Voisin. Afin de ne pas anéantir ce travail, nous allons
interviewer les enfants filmés par leurs professeurs, interviews diffusées sur
le site de l’orchestre. »
Hélène Giraud, flûte solo de l'ONDIF. Photo : (c) ONDIF
Les musiciens de l’ONDIF sont au
chômage partiel. Comme tous les artistes professionnels, ils continuent de
travailler chez eux, d’où ils participent aussi à des capsules musicales qu’ils
enregistrent eux-mêmes avant diffusion sur le site de l’orchestre. Flûte solo
de la phalange francilienne depuis seize ans, Hélène Giraud n’est pas hésité
une seconde à entrer dans l’action. Elle a même mis ses deux enfants à
contribution, sa fille à la harpe et son fils au trombone. « J’ai adoré participer
à l’ouverture Les Noces de Figaro de Mozart avec
mes collègues confinés chez eux, chacun jouant sa partie sous la direction de Case
Scaglione, lui-même confiné, l’ensemble étant monté et mixé par les techniciens
son et image de l’orchestre depuis son siège d’Alfortville. »
Bruno Serrou
Directs et streaming : www.orchestre-ile.com
et YouTube
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire