Strasbourg.
Opéra national du Rhin. Opéra de Strasbourg. Vendredi 18 octobre 2019
Antonin Dvořák (1841-1904), Rusalka. Pumeza Matshikiza (Rusalka), Bryan Register (le prince). Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
Avec dix opéras à son catalogue, Antonin Dvořák compte
parmi les compositeurs les plus prolifiques de l’histoire de l’art lyrique.
Pourtant, cette part de sa création reste encore à découvrir en Europe
occidentale. Ainsi a-t-il fallu attendre le 19 juin 2002 pour qu’il en
apparaisse enfin un à l’Opéra de Paris, Rusalka. C’est avec cette même œuvre que le
compositeur tchèque vient de faire son entrée au répertoire de l’Opéra du Rhin à Strasbourg.
Antonin Dvořák (1841-1904), Rusalka. Pumeza Matshikiza (Rusalka), Bryan Register (le prince). Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
Créé à Prague le 31 mars 1901,
avant-dernier des dix opéras de l’auteur de la Symphonie « Du nouveau monde », Rusalka est néanmoins le plus connu de
ses ouvrages scéniques. Le livret de Jaroslav Kvapil s’inspire à
la fois de l’Undine de La Motte-Fouqué, et de La Petite Sirène d’Andersen. Composant cette partition lyrique dans la
foulée de l’impressionnante série de poèmes symphoniques opus 107 à 110
illustrant des textes de K. J. Erben, dont L’Ondin et La Sorcière du midi, Dvořák brosse dans Rusalka une évocation
de la forêt de Bohême saisissante d’onirisme et de fraîcheur, gorgée
d’atmosphères mystérieuses, angoissantes et lugubres, mais aussi bucoliques,
tendres et voluptueuses. Se retrouvent aussi dans cette sensuelle évocation de
la nature des couleurs wébériennes (la nature du Freischütz) et wagnériennes (les textures de Tristan, les alliages de timbres du Crépuscule des dieux notamment).
Antonin Dvořák (1841-1904), Rusalka. Attila Jun (Vodnik), Rebecca Von Lipinski, Pumeza Matshikiza (Rusalka). Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
L’intrigue a pour personnage central la
nymphe Rusalka, qui renonce à ses attributs divins afin de devenir simple femme
pour pouvoir aimer un prince qu’elle observait depuis les ondes maternelles. Mais
afin de réaliser son dessein, elle va au-devant d’une sorcière qui la condamne
au mutisme - le comble pour un opéra que cette héroïne qui ne chante pas un acte
entier… C’est dire combien il faut à la titulaire du rôle un réel talent de
comédienne. A la fin de l’ouvrage, Rusalka, en pleine extase amoureuse, emporte
son beau prince dans la mort avant de rejoindre ses sœurs dans les ondes.
Antonin Dvořák (1841-1904), Rusalka. Pumeza Matshikiza (Rusalka), Bryan Register (le prince), Rebecca Von Lipinski (la princesse étrangère). Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
Dans la fosse, Antony Hermus transmet l’essence
de la partition en faisant chanter les bois de l’Orchestre de Strasbourg doués
de mille sons qui semblent émaner de la nature, exaltant l’écriture voluptueuse
de Dvořák tout en enveloppant les chanteurs de sonorités certes onctueuses mais
ne les couvrant jamais, sachant ménager dans les grandes plages purement
symphoniques les élans de l’âme des personnages, et donnant aux leitmotive
toute leur emprunte musicale et spirituelle.
Antonin Dvořák (1841-1904), Rusalka. Pumeza Matshikiza (Rusalka). Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
Le chef hollandais veille à ne pas
asphyxier l’héroïne, campée par la soprano sud-africaine Pumeza Matshikiza dont
la voix manque de puissance, de tenue de souffle et de carnation. Elle est le
maillon faible d’une distribution pourtant homogène, avec le solide et intense prince
du ténor américain Bryan Register qui s’était illustré en mai dernier en
Tristan à Bruxelles en mai dernier,
le vibrant Vodnik de la basse sud-coréenne Attila Jun, la vindicative
magicienne Jazibaba de Patricia Bardon, et l’ensorcelante princesse de Rebecca
Von Lipinski, à l’instar des rôles secondaires tous parfaitement tenus venus de
l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin (Julie Goussot, Eugénie Joneau,
Jacob Scharfman, Claire Péron) à l’exception de la première nymphe tenue par l’excellente
soprano polonaise Agnieszka Slawinska.
Antonin Dvořák (1841-1904), Rusalka. Pumeza Matshikiza (Rusalka), Bryan Register (le prince). Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
En noir et blanc, des costumes de Raphaela
Rose à la vidéo maîtrisée de Martin Andersson en passant par les décors de
Julia Müer bien mis en lumière par Bernd Purkrabek, la mise en scène de Nicola
Raab simple mais habile éclaire l’intrigue de l’intérieur, les personnages
étant en outre animés par une direction d’acteur bien réglée.
Bruno Serrou
Opéra de Strasbourg jusqu’au 26 octobre
2019. La Filature de Mulhouse 8 et 10 novembre 2019. Tél. : 08.25.84.14.84.
www.operanationaldurhin.eu/fr.
Spectacle coproduit avec l’Opéra de Limoges, où il sera ultérieurement repris
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