Saint-Céré (Lot). Festival Saint-Céré Opéra. Théâtre de l’Usine et
Château de Castelnau-Bretenoux. Samedi 6 et dimanche 7 août 2016
Le Château de Castelnau-Bretenoux. Photo : (c) Bruno Serrou
Olivier Desbordes en rêvait depuis dix ans.
Directeur-fondateur du Festival de Saint-Céré et de la Compagnie Opéra Eclaté, le
metteur en scène portait en lui depuis longtemps l’idée d’une structure
permanente de production et de résidence en milieu rural.
Saint-Céré, Théâtre de l'Usine. Photo : DR
Sous la constante impulsion d’Olivier Desbordes, la communauté
de communes de Saint-Céré a fini par se doter d’un Pôle d’excellence rural
(PER) qui a été inauguré samedi. La structure a été édifiée à partir d’un
bâtiment préexistant, une usine désaffectée qui accueillait déjà des spectacles
du festival dans des conditions il est vrai souvent éprouvantes quand le
thermomètre dépassait les 25° à l’extérieur. Cette première salle est désormais
modulable, tandis qu’une nouvelle, disposée en amphithéâtre et dotée de
quatre-cents fauteuils, dispose d’une acoustique et d’un confort dignes des équipements
neufs des grandes villes de France.
Saint-Céré. La grande salle de L'Usine. Photo : (c) Nelly Blaya / Département du Lot
« Le coût de construction de ce phalanstère
s’est élevé à trois millions d'euros, financés par des crédits européens, se félicite
Desbordes. Cette structure à laquelle s’ajoutent école de musique municipale pour deux-cents élèves, école de danse, ateliers de décors et costumes, et qui nous offre en
outre la possibilité de résidences d’artistes, permet une programmation
annuelle. » Le tout avec le même budget de fonctionnement de deux millions trois cents mille euros, dont cinquane-cinq pour cent en ressources propres pour cent-vingt à cent-trente représentations par an, ainsi
qu’une activité de conquête de nouveaux publics, particulièrement les jeunes
scolaires, absents l’été.
Kurt Weill (1900-1950), L'Opéra de Quat'Sous. Eric Pérez (Macheath) et Anandha Seethanen (Polly). Photo : (c) Thierry Lindauer
Pour l’inauguration de ce nouveau lieu, Olivier Desbordes
a remanié avec Eric Pérez sa production de l’Opéra
de Quat’Sous de Kurt Weill et Bertolt Brecht créée voilà dix ans. Occasion
de juger de l’acoustique de la salle, qui s’avère sans faille, du moins à
l’écoute de l’ensemble instrumental dirigé du clavier par Manuel Peskine placé
au fond du plateau sur une estrade derrière l’action, car, pour le reste, tous
les chanteurs-comédiens étaient équipés de micros. « C’est un choix délibéré,
assure Desbordes. Car, la première fois que j’ai monté cette œuvre, c’était
avec des chanteurs d’opéras. Or, considérant l’importance des dialogues, cette
option s’est montrée peu convaincante. Cette fois, j’ai fait appel à des
chanteurs de cabaret, ce qui est plus dans le ton de l’Opéra de Quat’ Sous. » Ce spectacle festif et soigné, révèle
cependant une baisse de forme de Nicole Croisille en regard de son excellente
performance dans Cabaret pour la même
Compagnie Opéra Eclaté en 2014, sa voix et sa diction étant atones.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Burcu Uyar (Violetta Valeri). Photo : (c) Nelly Blaya
Le lendemain soir, dans la cour du magnifique château de Castelnau-Bretenoux,
Olivier Desbordes a mis en scène une nouvelle production de La Traviata de Giuseppe Verdi. Quatre
jours après avoir assisté à La Traviata
présentée Chorégies d’Orange (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2016/08/la-traviata-de-verdi-pour-une-belle.html),
produite avec des moyens plus colossaux, celle du Festival de Saint-Céré,
beaucoup moins ambitieuse et avec une distribution infiniment plus modeste, s’est
révélée plus téméraire et aventureuse. Même si les choix de mise en scène sont
critiquables, au moins ont-ils laissé place à la surprise et à la discussion, contrairement
à celle d’Orange qui a été consternante de platitude. Olivier Desbordes, avec
la collaboration de Benjamin Moreau, moyennant quelque liberté pour le moins contestable
à l’égard de la partition et, de ce fait, allant à l’encontre de la volonté du
compositeur, a enchaîné à l’ouverture le début du quatrième acte suivi du
brindisi sur lequel commence normalement le premier acte. L’opéra se présente
ainsi sous la forme d’un flash-back, tandis que du début à la fin, l’héroïne,
Violetta Valeri lucide et agonisante filmée de près en noir et blanc et
projetée sur un grand écran, habillée d’une chemise de nuit blanche recouverte
d’un manteau grisâtre, chante côté cour allongée sur son lit-linceul blafard,
tandis qu’une comédienne vêtue en courtisane chic qui ne lui ressemble en rien
mime les diverses étapes de sa vie. Si les petits rôles qui constituent
également le chœur ne brillent guère, et surtout pas par leur homogénéité, les
trois rôles centraux sont bien campés.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Burcu Uyar (à l'écran) et Fanny Aguado (Violetta Valiri), Julien Dran (Alfredo). Photo : (c) Nelly Blaya
Voix charnue et colorée, la jeune soprano
turque Burcu Uyar s’est avérée une Violetta convaincante à la voix charnue, malgré le fait qu’elle
ait évité de trop solliciter son extrême aigü. L’Alfredo de Julien Dran est vocalement sûr et son personnage est
fragile mais un peu effacé, tandis que Germont père est brillamment campé par
Christophe Lacassagne. Réduit à un instrument par pupitre, à l’exception des
premiers et seconds violons et des altos, par deux, les seize musiciens qui
constituent l’Orchestre Opéra Eclaté, placé côté jardin, ont fait un sans-faute,
sous la direction précise et enlevée de Gaspard Brécourt.
Bruno Serrou
[Cet article reprend en
partie mon texte paru dans le quotidien La
Croix daté mardi 9 août 2016]
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