A l’instar d’Herbert von Karajan
en 1985 dans cette même œuvre, Nikolaus Harnoncourt signe trente ans après un
premier enregistrement de la Missa
solemnis op. 123 de Beethoven son
testament artistique. Captée sur le vif en juillet 2015 au Festival de Graz, cette
seconde version du chef allemand est non pas donnée avec un orchestre
symphonique, contrairement à la première où il avait opté pour l’Orchestre du
Concertgebouw d’Amsterdam, mais avec l’ensemble d’instruments anciens qu’il avait
créé en 1953 avec sa femme, la violoniste Alice Hoffelner, le Concentus Musicus
Wien.
Lorsque Nikolaus Harnoncourt s’est
retiré de la scène en décembre dernier, il avait exprimé le souhait de publier
l’enregistrement de son dernier projet, la monumentale Missa solemnis de Beethoven qu’il entendait laisser comme son legs
personnel.
Le diapason utilisé est nettement
plus bas que celui généralement utilisé, puisqu’il est de 430 Hz, tandis que l’instrumentarium
est au plus près de ceux de l’époque de Beethoven, avec cordes en boyau,
cuivres naturels. Le rendu sonore n’est pas parfait, particulièrement le violon
solo dans le Benedictus qui sonne maigrelet,
mais aucun enregistrement disponible dans la discographie de l’œuvre ne l’est
vraiment. Le quatuor de solistes, Laura Aikin, Bernarda Fink, Johannes Chum et
Ruben Drole, forme un ensemble extrêmement homogène, à l’instar du somptueux Chœur
Arnold Schönberg, d’une tendresse et d’une sérénité bouleversantes.
Ce qui se présente comme un dieu d’une
rare pertinence d’un musicien dont la vie a été centrée sur le questionnement
plutôt que sur l’affirmation et qui passa son temps à encourager interprètes et
public à en faire autant (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2016/03/nikolaus-harnoncourt-immense-musicien.html).
Son interprétation est à l’introspection et non pas au drame, même si le Dona nobis pacem se présente comme une
supplique singulièrement bouleversante, Harnoncourt y proclamant sa foi, qui
est non pas celle d’un dévot mais d’un homme qui croit, donc qui doute tout en
espérant la transcendance. Cette vision d’une douceur extrême n’empêche donc
pas les saillies jubilatoires et de suppliques d’une profonde humanité.
Bruno Serrou
1 CD Sony Classical 88955313592. 1h 21mn 33s
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