Beaune. Festival international d’opéra baroque et romantique. Hospices
de Beaune et basilique Notre-Dame. Samedi 16 et dimanche 17 juillet 2016.
Beaune. La cour des Hosices. Photo : (c) Bruno Serrou
C’est sur un double hommage aux
victimes de l’attentat perpétré à Nice trois jours plus tôt que s’est conclu le
deuxième des quatre week-ends du Festival de Beaune dans une basilique
Notre-Dame remplie à craquer.
Anne Blanchard, directrice artistique du Festival de Beaune. Photo : (c) Bruno Serrou
Anne Blanchard, fondatrice et directrice
artistique de la manifestation bourguignonne a en effet placé avant son exécution
le Requiem en ré mineur KV. 626 de
Mozart sous le sceau de la tragédie humaine qui a endeuillé la France et le
monde vendredi 14 juillet, tandis que Paul McCreesh, qui dirigeait le concert,
donnera en bis à la toute fin du concert un vibrant tribut le motet They are at Rest pour chœur et orgue
composé en 1910 par Sir Edward Elgar que le chef britannique a introduit dans
un français parfait.
Beaune. Basilique Notre-Dame. Photo : (c) Bruno Serrou
Paul McCreesh, les Gabrieli Consort & Players ont rendu hommage
aux victimes de l’attentat de Nice
En première partie de ce concert
donné en la basilique Notre-Dame de Beauvais, le Gabrieli Consort a interprété seul
avec son directeur fondateur Paul McCreesh, accompagnés à l’orgue positif par
Jan Waterfield, le monumental motet à cinq voix de Jean-Sébastien Bach Jesu, meine Freude BWV 227 dans une mise
en place d’une absolue perfection suivi de l’Hymne à sainte Cécile que Benjamin
Britten composa pour les BBC Singers qui en donnèrent la création le 22
novembre 1942, jour de la fête de la sainte martyr patronne de la musique et de
l’anniversaire du compositeur. Le Gabrieli Consort a servi cet Hymn to St Cecilia op. 27 avec panache
et une perfection sonore exemplaire, soulignant la diversité des lignes et des
climats de l’œuvre.
Paul McCreesh et le Gabrieli Consort. Photo : (c) Bruno Serrou
Les Gabrieli Players ont rejoint
le Consort pour le Requiem de Mozart.
Paul McCreesh a choisi non pas la traditionnelle version complétée en 1792 par Franz
Xaver Süssmayer mais celle de Robert D. Levin réalisée publiée en 1996. Cette
version propose des corrections dans les parties de trombones, une extension de
l’Hosanna, tandis que la transition
du Benedictus vers la fugue de l’Hosanna est entièrement réécrite, à l’instar
des dernières mesures du Lacrimosa
qui débouchent sur l’Amen, alors que
l’Agnus Dei subit des modifications mélodique et tonale. Joué sur
instruments d’époque, les clarinettes étant remplacées par des cors de basset
en forme de z, les deux trompettes étant naturelles, tandis que les basses
étaient assurées par une seule contrebasse renforcée par l’orgue positif, les
cordes étant au nombre de quinze (cinq premiers violons, quatre seconds, trois
altos, deux violoncelles, contrebasse).
Paul McCreesh, solistes, Gabrieli Consort and Players. Photo : (c) Bruno Serrou
Dans l’enceinte de la basilique
Notre-Dame, la phalange instrumentale a sonné ample et précis, avec des
sonorités étonnamment flatteuse, et répondant avec enthousiasme aux
sollicitations énergiques et enlevées de son directeur fondateur Paul McCreesh,
à l’instar du magnifique consort renforcé des solistes (la soprano Charlotte
Beament, la mezzo-soprano Anna Harvey, le ténor Jeremy Budd et la basse Ashley
Riches) placés parmi les choristes, chantant autant les soli que les tutti.
Entrée des Hospices de Beaune. Photo : (c) Bruno Serrou
Raphaël Pichon, l’Ensemble Pygmalion dans Zoroastre de Jean-Philippe Rameau
Né deux ans après la première
édition du Festival international d’opéra baroque de Beaune, Raphaël Pichon et
son Ensemble Pygmalion créé en 2005 sont des invités privilégiés depuis 2010 de
la manifestation bourguignonne.
Devenu le grand rendez-vous
estival de musique des XVIIe et XVIIIe siècles, Beaune a
accueilli le captivant Raphaël Pichon depuis 2010. Sa première apparition a été
placée sous le signe de Jean-Sébastien Bach avec une Messe brève et le Magnificat,
Bach qu’il retrouve en 2013 avec la Passion
selon saint Jean, Rameau est très vite le centre de son activité du
festival beaunois : première mondiale en 2011 de la version remaniée en
1744 de Dardanus, seconde révision d’Hippolyte et Aricie (1757), Castor et Pollux dans la version de
1754. C’est d’ailleurs à Rameau que
Pichon a voué son ensemble en lui attribuant le nom de l’opéra-ballet Pygmalion.
La cour des Hospices de Beaune à l'issue de Zoroastre de Rameau. Photo : (c) Bruno Serrou
Rameau, qui est l’un des
compositeurs les plus programmés à Beaune depuis 1987 avec des œuvres pour
clavecin, pour orchestres, sacrées et des opéras. Cet aîné de deux ans de
Jean-Sébastien Bach et de Georg Friedrich Haendel, est le plus grand
compositeur français du XVIIIe siècle, et s’avère être plus novateur et
posséder le sens du drame que le second de ses cadets. Dix-huit ans après un
premier Zoroastre confié à William
Christie et les Arts florissants, le Festival de Beaune a programmé le même
opéra, cette fois dans sa version de 1756 avec des ajouts de celle de la
création en 1749 de la quatrième et ultime tragédie lyrique de Rameau. Avec
cette œuvre créée à l’Académie royale de musique, Rameau ouvre une ère nouvelle
du théâtre lyrique français, avec entre autres une ouverture à l’italienne et
non plus à la française, une entrée directe dans l’action, avec la suppression
de prologue, une plongée dans la mythologie persane en lieu et place de la
traditionnelle tragédie grecque, l’absence de premier rôle féminin, la
dimension didactique du livret de Louis de Cahusac marqué par le manichéisme autour
de la lutte pour le pouvoir entre un mage réformateur (Zoroastre) et un grand
prêtre ambitieux (Abramane), le tout sous le sceau de la franc-maçonnerie…
Raphaël Pichon, solistes, xhoeur et orchestre de l'Ensemble Pygmalion. Photo : (c) Bruno Serrou
Une soirée de longue haleine,
puisque l’ouvrage dure dans cette réalisation près de trois heures, avec de
longs et superbes intermèdes orchestraux qui permettent de goûter le brio de
l’Ensemble Pygmalion et de ses trente-six musiciens, qui, s’ils ont dû côté
cordes entre chaque acte effectuer de longs moments pour se réaccorder, se sont
avérés d’une homogénéité, d’une énergie et d’une justesse remarquables. Dans
l’acoustique précise et claire de ce lieu sublime qu’est la cour des Hospices
de Beaune, tandis que le soleil se couchait dans un ciel d’une pureté inédite
depuis plusieurs mois et tandis que la pleine lune le relayait, Pichon et ses
musiciens régalaient un public nombreux et connaisseur de leurs sonorités
chaudes et profondes, fondées sur un continuo exceptionnel, avec deux
clavecins, trois violoncelles et une contrebasse, tandis que flûtes, hautbois,
bassons, cors s’imposaient par la sereine volubilité. Côté distribution, pas la
moindre défaillance, avec un vaillant Zoroastre de Reinoud van Mechelin,
l’impressionnant Abramane de Nicolas Courjal aux graves abyssaux, les deux
excellents prêtres Zopire de Virgile Ancely et Narbanor de Etienne Bazola,
Christian Immler dans les rôles d’Oromasès et de La Vengeance, et, côté femmes,
une Katherine Watson déchirante et humble Amélite, Emmanuelle de Negri Erinice
en amoureuse vindicative…
Bruno Serrou
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