Paris. Théâtre des
Champs-Elysées. Mardi 16 février 2016.
Wolfgang Amadeus Mozart, Mitridate, re di Ponto. Cyrille Dubois (Marcius), Christophe Dumaux (Farnace), Myrto Papatanasiu (Sifare), Patricia Petibon (Aspasia). Photo : (c) Vincent Pontet
Sur un livret de Vittorio Amadeo
Cigna-Santi inspiré de la tragédie en cinq actes (1698) éponyme de Jean Racine,
Wolfgang Amadeus Mozart écrivait son premier opéra, Mitridate, re di Ponto (Mithridate,
roi du Pont). Il avait 14 ans et séjournait en Italie. Ecrit en quelques
jours, cet opera seria en trois actes
a été créé à Milan le 26 décembre 1770 avec un immense succès. Conformément au
genre, l’ouvrage de Mozart compte quantité d’airs de bravoure da capo, mais seulement deux duos et un
bref quintette à la fin, alors que l’on sait combien Mozart sera bientôt un maître
des ensembles vocaux. L’intrigue plonge dans l’Antiquité aux temps des guerres
gréco-romaines. Elle retrace l’histoire du roi Mithridate et de ses deux fils,
Farnace, l’aîné à qui il impose le mariage avec la fille du roi des Parthes,
Ismene, et Sifare, le cadet - deux rôles écrits à l’origine pour des castrats. Les
trois hommes convoitent la même femme, Aspasia, et les conflits autour de la
succession au trône n’arrangent rien.
Wolfgang Amadeus Mozart, Mitridate, re di Ponto. Patricia Petibon (Aspasia), Michael Spyres (Mitridate). Photo : (c) Vincent Pontet
Si, en juillet 1983, au Festival d'Aix-en-Provence, la production de Jean-Claude Fall dirigée par Theodor Guschelbauer, avec pourtant rien moins que Rockwell Blake, Yvonne Kenny, Ashley Putnan et Sandra Brown, m'avait paru non pas un pont ni même un viaduc mais un tunnel interminable, qui m'a éloigné plus de trente ans de cette oeuvre, celle présentée Théâtre
des Champs-Elysées en ce mois de février m'a réconcilié avec cette partition. Ce spectacle situe l’action dans un vieux théâtre à la salle décatie qui évoque
plus ou moins celle de la Comédie-Française à Paris, un décor construit dans
les ateliers de l’Opéra de Dijon dont la grisaille est de temps à autres vivifiée
par les lumières chaudes de projecteurs ou d’un poêle de chauffage. Les
protagonistes s’expriment à l’orchestre, à la corbeille, dans les balcons et
sur la scène reconstitués vêtus de costumes plus ou moins contemporains. La
direction d’acteur de Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la
Comédie-Française qui fut notamment l’assistant de Patrice Chéreau pour Cosi fan tutte et Tristan un Isolde, est particulièrement efficiente considérant la
longueur des arie qui n’occasionnent
guère de mouvements et de gestes théâtraux, mais il use trop systématiquement
de faux départs et des fausses sorties dans sa direction d’acteur.
Wolfgang Amadeus Mozart, Mitridate, re di Ponto. Myrto Papatanasiu (Sifare), Sabine Devieilhe (Ismene), Michael Spyres (Mitridate). Photo : (c) Vincent Pontet
La partition,
d’une étonnante maturité considérant l’âge de son auteur, a subi plusieurs coupes,
les presque quatre heures de de musique de l’intégrale étant réduites à un peu
plus de trois heures. La direction d’Emmanuelle Haïm s’est avérée dynamique et contrastée,
à la tête de son ensemble Le Concert d’Astrée, aux sonorités plus charnues et
colorées qu’attendu, et mettant bel et bien en lumière la souplesse, l’onctuosité
et la luminosité propres à Mozart et qui imprègnent déjà cette œuvre.
Wolfgang Amadeus Mozart, Mitridate, re di Ponto. Christophe Dumaux (Farnace), Myrto Papatanasiu (Sifare). Photo : (c) Vincent Pontet
La distribution sert à la
perfection cette somme d’arie d’une
singulière virtuosité toutes plus développées les unes que les autres, souvent
sujettes à trois da capo. Patricia
Petibon campe une Aspasie intensément dramatique et vive, la voix est onctueuse
et sûre. Sabine Devieilhe est une Ismene lumineuse aux aigus délicieux et étincelants,
la soprano grecque Myrto Papatanasiu incarne un Sifare rayonnant.
Wolfgang Amadeus Mozart, Mitridate, re di Ponto. Michael Spyre (Mitridate), Sabine Devieilhe (Ismene). Photo : (c) Vincent Pontet
Malgré un
extrême aigu tendu, le ténor américain Michael Spyres s’impose dans le
rôle-titre par sa voix souple et charnue et la densité de son personnage dont
il restitue avec panache la progression psychologique. Malgré un timbre de
contre-ténor peu séduisant, Christophe Dumaux donne le change par une ligne de
chant nuancée et par la virulence de son Farnace. Cyrille Dubois (Marcius) et
Jaël Azaretti (Arbate) complètent avec éclat cette équipe qui donne à Mitridate, re di Ponto un charme et une musicalité impressionnants.
Bruno Serrou
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