Paris, Salle Pleyel, mercredi 11 janvier 2012
Herbert Blomstedt - Photo : DR
C’est un très beau concert qu’a proposé ce mercredi l’Orchestre de Paris, qui a ainsi célébré les quatre vingt cinq printemps d’Herbert
Blomstedt avec six mois d'avance en l’invitant à diriger un programme dans lequel il excelle. Un
Orchestre de Paris disposé de façon qui ne lui est guère coutumière,
avec les seconds violons côté cour, contrebasse côté jardin derrière les
premiers violons et les violoncelles à la demande expresse de Blomstedt. Moins glorifié
que ses confrères les plus illustres de sa génération, mais reconnu du grand
public mélomane pour ses intégrales des symphonies de Nielsen, Sibelius et de
la musique orchestrale de Hindemith, et pour ses affinités avec Berwald,
Mendelssohn, Brahms et Bruckner, mais aussi pour ses interprétations de Beethoven
et de Richard Strauss, c’est dans la création de ces deux derniers qu’il s’est
produit à Paris en ce début du mois de janvier 2012. Après la Cinquième Symphonie de Bruckner en mars
2010 et avant de retrouver l’orchestre la saison prochaine pour quatre concerts,
dont une Huitième du même Bruckner, c’est
à ces deux compositeurs allemands baignés de l’esprit viennois que le chef suédois
né aux Etats-Unis a consacré son programme. « Accompagnateur » réputé,
il a forgé dans le Quatrième concerto
pour piano en sol majeur op. 58 (1803-1806) de Beethoven un
écrin somptueusement moelleux et raffiné avec un Orchestre de Paris délectable,
en dépit d’un violoncelle solo sonnant curieusement de façon métallique dans son
dialogue avec le piano dans le mouvement lent, à un Till Fellner magnifique de
délicatesse et de poésie contenue. Silhouette noble et élancée, geste élégant,
le pianiste viennois intériorise idéalement ce magnifique concerto, dont il
offre une vision qui n’est pas sans rappeler son maître Alfred Brendel. La
seconde partie du concert était consacrée à Une
Vie de Héros op. 40 (1897-1898), second
volet du diptyque Held und Weld (Héros et Monde) de Richard Strauss, avec Don Quichotte op. 35 (1897) qu’a brillamment joué l’Orchestre Français des Jeunes
dans cette même salle Pleyel le 19 décembre dernier. Blomstedt n’avait pas
dirigé ce poème symphonique autobiographique depuis une vingtaine d’années,
tandis que l’orchestre parisien l’a dédaigné pendant onze ans… Cette longue
pause pour chacun des protagonistes s’est avérée fructueuse, hier soir, le
temps de la maturation leur ayant permis de porter cette somptueuse partition
sur les cimes, l’Orchestre de Paris confirmant ainsi ses affinités avec le
compositeur bavarois acquises en partie pendant ses années Bychkov (1989-1998).
Cette vision de feu a été magnifiée par un orchestre précis et onctueux, tandis
que Blomstedt a laissé respirer la luxuriante polyphonie, particulièrement dans
les épisodes les plus étoffés et puissants, les
Adversaires du héros et le Champ de
bataille du héros, les nombreux solos des bois (notamment Gildas Prado et
Pascal Moraguès) et de cor (Benoit de Barsony) et les pupitres de harpes,
cuivres et percussion se montrant ductiles et sûrs. Seule réserve, sans doute suscitée
par un choix délibéré d’interprétation, le violon solo trop terrien de Roland
Daugareil dans la Compagne du héros avec
un vibrato trop appuyé et ample et un archet trop charnu, loin des
caractéristiques morales, intellectuelles et physiques de l’épouse du compositeur,
certes ferme dans ses positions, volontaire, ordonnatrice, mais aussi dynamique,
primesautière, trépidante. Prochain Strauss par l’Orchestre de
Paris, la semaine prochaine, avec Une
Symphonie alpestre dirigée par le jeune
et brillant chef letton Andris Nelsons…
Bruno Serrou
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