lundi 16 décembre 2024

Mémorable et chaleureux gala des 80 printemps de William Christie à la Philharmonie de Paris avec Les Arts florissants

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Samedi 14 décembre 2024 

William Christie et Les Arts florissants
Photo : (c) Bruno Serrou

William Christie a 80 ans ! Déjà ! La Philharmonie de Paris et Les Arts Florissants les ont célébrés ce samedi 14 décembre avec magnificence devant une salle comble dans un programme festif réunissant deux de ses compositeurs fétiches, Jean-Philippe Rameau et Georg Friedrich Haendel avec des pages solaires qui ont réuni quelques-uns de ses fidèles interprètes, Lea Desandre, Ana Maria Labin, Emmanuelle de Negri entre autres, et en « guest stars » Natalie Dessay, Laurent Naouri et, à la direction, Paul Agnew, tandis que le présentateur sportif « polyglotte » de la télévision publique Nelson Montfort lui a réservé un numéro réjouissant, relevant les chaussettes « cardinalices » portées par le pape du baroque 

William Christie et Les Arts florissants
Photo : (c) Vincent Pontet

Il est des soirées heureuses à marquer d’une pierre blanche. Celle du samedi 14 décembre 2024  est de celles-là. En effet, elle restera assurément dans les mémoires des plus de deux mille personnes qui y ont assisté comme un moment de joie partagée, sans nostalgie aucune, mais célébrant au contraire le temps présent à travers trois siècles d’histoire de la musique finalement demeurée pérenne. Le héros en était William Christie, « Bill » pour les intimes, le plus « Frenchy » des musiciens « Yankees », l’un des fondateurs de l’école baroque dans l’interprétation historique vivant en France. Né le 19 décembre 1944 à Buffalo - aurait-il été prédestiné à devenir le Buffalo Bill du baroque ? -, sur les rives du lac Erié dans l’Etat de New York, fils d’un architecte et d’une chef de chœur avec qui il fera plusieurs séjours en Europe enfant, William Lincoln Christie étudie le piano et le chant, avant que sa grand-mère lui fasse découvrir la musique pour orgue de François Couperin. A 18 ans, il entre à l’université de Harvard d’où il sort diplômé en histoire de l’art, tandis que, passionné par le clavecin, il poursuit ses études à l’université de Yale où il est l’élève de Ralph Kirkpatrick puis de Kenneth Gilbert. En 1968, opposé à la guerre du Vietnam, il intègre le programme d’officier de réserve et devient chargé de cours au Dartmouth College au nord-est des Etats-Unis. Il fait alors la connaissance de la comtesse Geneviève de Chambure (1902-1975), musicologue française spécialiste des XVe et XVIe siècles, collectionneuse d’instruments de musique et de partitions anciennes, qui lui recommande de quitter les Etats-Unis pour Londres afin d’y intégrer l’Orchestre Symphonique de la BBC. En 1971, il traverse la Manche et rejoint l’Orchestre National de France. Installé à Paris - il obtiendra la nationalité française en 1995 -, il s’intéresse rapidement au répertoire baroque français des XVIIe et XVIIIe siècles alors peu pratiqué, s’attachant particulièrement à Marc-Antoine Charpentier, Jean-Baptiste Lully et Jean-Philippe Rameau. Membre du Five Century Ensemble de 1971 à 1975, il y pratique cinq siècles de musique, de Monteverdi et Gesualdo à Berio et Ligeti, avant de rejoindre en 1976 René Jacobs au sein du Concerto Vocale consacré au seul répertoire baroque. Trois ans plus tard, en 1979, il fonde son propre ensemble, Les Arts florissants dont il emprunte le nom à un opéra de Marc-Antoine Charpentier pour se consacrer au jeu et à l’interprétation de la musique baroque sur instruments d’époque.

William Christie, Paul Agnew
Photo : (c) Bruno Serrou

La consécration internationale lui vient en 1987, à l’occasion du tricentenaire de Jean-Baptiste Lully, l’Opéra-Comique lui confiant à la tête de son ensemble Les Arts florissants la recréation de la tragédie lyrique Atys, associé au metteur en scène de Jean-Marie Villégier. Mais le claveciniste chef d’orchestre ne défend pas uniquement la musique ancienne française, s’imposant également dans les œuvres de Henry Purcell et Georg Friedrich Haendel - on se souvient de son King Arthur du premier au Châtelet en 1995 mis en scène par Graham Vick et de sa Rodelinda du second en 2002 en ce même théâtre mise en scène par Villégier -,  Claudio Monteverdi à Aix-en-Provence et à Bordeaux, tandis qu’il est au pupitre lors de l’entrée en 2003 des Boréades de Jean-Philippe Rameau au répertoire de l’Opéra de Paris, dont il sera rapidement l’un des invités privilégiés pour l’opéra baroque, comme il le sera à l’Opéra-Comique, au Théâtre des Champs-Elysées, au Festival de Glyndebourne et l’Opéra de Zurich, tandis que son compatriote Simon Rattle lui confie à plusieurs reprise l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Pédagogue passionné, il enseigne de 1982 à 1995 au CNSMDP, puis à Caen en 2002, et à la Juilliard School de New York où il crée en 2005 le département de musique ancienne, enfin chez lui, à Thiré en Vendée, où il fonde en 2012 et dirige Le Jardin des Voix avec Paul Agnew où il forme de futurs chanteurs professionnels. En 2017, il transmet son patrimoine à la Fondation Les Arts florissants-William Christie qu’il crée dans le but de transmettre aux jeunes générations sa passion pour la musique baroque et les jardins.

William Christie, Les Arts florissants
Photo : (c) Bruno Serrou

Depuis 1995, William Christie et Les Arts florissants entretiennent des relations privilégiées avec la Cité de la musique et la Philharmonie de Paris. Le jeudi 12 janvier 1995, ils participent au concert inaugural de la Cité de la musique dans Les Sauvages des Indes galantes de Rameau, aux côtés de l’Orchestre du Conservatoire de Paris dans l’Adagio de la Symphonie n° 10 de Mahler et de l’Ensemble Intercontemporain dans Renard de Stravinski dirigés par Pierre Boulez, initiateur du projet Cité de la musique. Depuis lors, Christie et les Arts florissants, dirigés par leur fondateur ou par son successeur Paul Agnew, lui-même ex-ténor au sein de l’ensemble, se produisent chaque saison dans toutes les salles de la Philharmonie de Paris. Avant d’intégrer dès 2015 la programmation de la Philharmonie, ils se produisaient régulièrement Salle Pleyel à sa réouverture en 2006 sous l’égide de la Cité de la musique, y donnant oratorios et opéras en version concertante, avant de devenir en janvier 2015 ensemble résident de la Philharmonie, où ils se produisent dans toutes les salles, de la plus petite (l’Amphithéâtre) à la plus grande (la Salle Pierre Boulez), et participent à l’activité pédagogique à l’attention des jeunes professionnels et du grand public et aux côtés des formations résidentes de la Philharmonie (Orchestre de Paris, Ensemble Intercontemporain, Orchestre National d’Île-de-France, Orchestre de Chambre de Paris).

Natalie Dessay, William Christie, Paul Agnew, Les Arts florissants
Photo : (c) Bruno Serrou

C’est donc tout naturellement que la première institution symphonique de France a célébré le quatre-vingtième anniversaire de William Christie, cinq ans après l’avoir fait pour le quarantenaire des Arts florissants. L’atmosphère était chaleureuse en cette journée de grisaille de fin d’automne. Dûment installé, chanteurs et instrumentistes de l’ensemble Les Arts florissants se sont levés en bon ordre pour accueilli leur directeur fondateur, chanteurs solistes intervenants plantés de part et d’autre du podium du chef. Le geste large mais précis, annonçant et soutenant les grands moments d’expression lyrique paume de la main droite levée vers le ciel, mi- sérieux mi- souriant, chantant avec ses choristes comme avec ses instrumentistes, la première partie du programme étant consacrée à des extraits des Indes galantes de Rameau, avec les deux entrées pairs, Les Incas du Pérou et Les Sauvages, la première précédée de l’Ouverture, la seconde de la Chaconne. La soprano Emmanuelle de Negri (Phani/Zima), le ténor Bastien Rimondi (Don Carlos) et le baryton Renato Dolcini (Huascar/Adario) ont rivalisé de musicalité et de connivence pour offrir la plus réjouissante des interprétations de la partition lyrique la plus célèbre de Rameau qui va si bien à Christie et à son ensemble. Autre compositeur avec lequel ils chantent dans leur jardin, Georg Friedrich Haendel, à qui était consacrée la seconde partie du programme. Des extraits de deux ouvrages scéniques, Ariodante (ouverture, deux duos (6 et 44), trois arie (7, 8 et 41) et le chœur final Ognuno acclami) que Christie aborda pour la première fois en 2018, donné ici par Ana Maria Labin (Ginevra), Lea Desandre (Ariodante) et Renato Dolcini (le roi d’Ecosse), et l’aria « Endless pleasure » extraite de l’opéra en trois actes Semele brillamment chantée par Rachel Redmond encadraient l’ode pastorale L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato avec en soliste la soprano Rachel Redmond et le ténor James Way.

Laurent Naouri, Paul Agnew, Les Arts florissants
Photo : (c) Bruno Serrou

Puis ce fut scène ouverte… Message de vœux de Paul Agnew, au nom de tous, les siens mais aussi ceux des Arts florissants et de la Philharmonie et ceux du public qui auront réservé au célébré de longues et chaleureuses ovations, avant de lancer Les Arts florissants dans Puissant maître des Flots acte 3 scène 9 de Rameau, jusqu’à ce qu’apparaisse côté cour du plateau une fine silhouette couronnée d’une longue chevelure blond platine, qui sautillant comme un cabri fit rapidement signe à Paul Agnew qui lança les musiciens des Arts florissants dans le récitatif et air « Che sento ?... Se pieta di me non senti » extrait du deuxième acte de Giulio Cesare de Haendel, qui aura permis de constater que la voix de Natalie Dessay a de fort beaux restes, s’adonnant à d’impressionnantes vocalises que bien des jeunes colorature seraient heureuses d’assumer, avant de laisser la place à son mari, arrivé côte jardin le baryton Laurent Naouri, qui a interprété un extrait du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, avant qu’apparaisse un troisième larron, lui aussi proche de William Christie, le présentateur d’événements sportifs « polyglotte » des chaîne de télévision publiques, Nelson Montfort… qui a fait du Nelson Montfort, pour finir par remarquer le fait que son ami, considéré comme le pape de la musique baroque, porte des chaussettes rouge-cardinal… Pour conclure, Paul Agnew a repris la baguette pour lancer le Happy Birthday de P & M Hill attendu, chanté et joué par la totalité du plateau et repris par la salle entière…

William Christie et Paul Agnew
Photo : (c) Bruno Serrou

Puis le moment de la séparation est venu… Comme pour chercher à retenir le temps, William Christie s’est alors installé sur le devant de la scène de la philharmonie côté jardin, pour saluer en prenant la main de chacun des spectateurs qui passait à sa hauteur pour échanger des mots chaleureux sur la soirée, son anniversaire et exprimant des vœux de retrouvailles lors d’un prochain concert…  

Bruno Serrou

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