De don Carlo Gesualdo, prince de Venosa (1566-1613), la postérité a retenu l'acte sanglant qui a marqué jamais son existence qu'il commit ce jour de 1590 où, surprenant sa première femme, Maria d’Avalos, en situation d’adultère, il l’assassinat et fit occire son amant, le prince Fabrizio Carafa. Sa réputation d’aristocrate compositeur et le fait que son oncle, le cardinal Carlo Borromeo (1538-1584), archevêque de Milan, fut considéré dès l’époque comme un saint homme, le sauva sans doute de la peine capitale. Cette sinistre affaire a inspiré poètes et musiciens, à commencer par l’ami du prince-compositeur, Torquato Tasso, et jusqu’à Igor Stravinsky, Salvatore Sciarrino et Francesco d’Avalos, tandis que le meurtre de donna Maria d’Avalos fut évoqué par le romancier Anatole France. Quant au compositeur Carlo Gesualdo, son art de madrigaliste hors du commun et d'une grande témérité harmonique le plaça aux côtés des maîtres du genre que sont Luzzasco Luzzaschi (1545-1607) et Claudio Monteverdi (1567-1643).
Célébré pour son expertise dans le domaine de l’interprétation dite « historiquement
informée », l’ensemble italien Il Pomo d’Oro s’est récemment adjoint une
formation chorale qui offre ici son premier enregistrement discographique. Sous la
direction de Giuseppe Maletto, ce chœur de quatorze chanteurs propose une
interprétation épurée du premier des trois
Livres de Chants sacrés que
Gesualdo a écrits en 1603. Moins connus que les madrigaux, les dix-neuf motets
à cinq voix qui composent ce Livre I
explorent le thème de la repentance par le biais de la liturgie de la Pénitence
et de la pure et bienveillante figure de la Vierge Marie, protectrice et consolatrice des pécheurs. Ils évoquent également la lumière salvatrice venant du ciel. Le chromatisme douloureusement voluptueux, l’intensité
expressive et le raffinement des lignes, malgré leur austère limpidité, sur des
paroles de pénitence font de ces pages parmi les plus singulières de l’époque.
La vision de Gesualdo des textes liturgiques avec ses dissonances et ses progressions
mélodiques qui ne cessent de surprendre par leur témérité et leur modernité, est
intensément dramatique et éminemment personnelle. Il Pomo d’Oro en rend
magnifiquement les sublimes beautés. Dans ce langage empreint de piété et de
pénitence, l’ensemble italien instille une expressivité sobre au service d’une inflexion
parfois rigoureuse de cette musique néanmoins toujours bouleversante, et les
voix, amples et colorées, restituent remarquablement leur intensité dramatique
tout en magnifiant la richesse harmonique de l’écriture incroyablement ingénieuse
de ce maître de la Renaissance italienne.
Bruno Serrou
1 CD Aparte AP312 Little Tribeca.
Durée : 1h 05mn. Enregistré en 2021. DDD
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