Pour son premier album solo,
Katherine Nikitine rend hommage à Mili Balakirev (1837-1910), fondateur du
Groupe des Cinq, qui compte en des rangs Alexandre Borodine (1833-1887), César
Cui (1835-1918), Modest Moussorgski (1839-1881) et son élève Nikolaï
Rimski-Korsakov (1844-1908). Il est principalement connu comme auteur de la
pièce pour piano Islamey et le poème
symphonique Tamara.
Bien que le moins connu du Groupe des Cinq, au même totre que César Cui, et s’il n’en est pas non plus le plus représentatif, Balakirev a été le ciment du groupe dont il est l'initiateur, supervisant et corrigeant le travail de ses comparses, jusqu’à la dissolution du groupe en 1870. Compositeur autodidacte, remarqué par le fondateur de l’école russe de la musique, Mikhaïl Glinka (1804-1857), il a été le maître du plus jeune des Cinq, Rimski-Korsakov, qui sera son assistant à la Chapelle impériale de Saint-Pétersbourg.
Son très mauvais caractère, son exigence extrême envers les autres autant que pour lui-même, ont fait qu’il laisse peu d’œuvres achevées, une cinquantaine néanmoins dont on sait fort peu, du moins en Occident. Parmi elles, plus d’une quarantaine de pièces pour piano seul.
C’est dans ce vivier qu’a puisé
pour son premier disque soliste la pianiste française Katherine Nikitine,
professeur au Conservatoire de Musique de Genève, dont elle est Doyenne des
claviers, et à la Haute Ecole de Musique de la même ville, se produisant en outre en duo piano/orgue avec sa sœur Véra Nikitine. La pianiste a sélectionné onze œuvres de
Balakirev, soit le cinquième de la création pianistique du compositeur russe,
incluant la plus célèbres d’entre elles, la « fantaisie orientale » Islamey de 1869, qui donne son titre à
l’album. Onze partitions de trois (la romance Poustinya) à dix (Islamey)
minutes, écrites entre 1869 et 1906, couvrant ainsi les trois périodes
créatrices de leur auteur, classées en « Jeunesse » (l’Alouette et Islamey), « Silence » (l’Etude pour la main gauche Au Jardin, Idylle et la Mazurka n° 3), et « Renaissance »,
la plus représentée, avec sept œuvres, la dernière, Fileuse, étant dédiée à un certain Maurice Rosenthal…
C’est sur un piano modèle Opus
102 du facteur Stephen Paulello sur lequel elle enregistre désormais tous ses
disques que Katherine Nikitine fait sonner avec panache Islamey, l’une des pages les plus virtuoses de tout le répertoire instrumental.
Avec la sélection qu’elle a réalisée, l'artiste brosse en onze étapes le
portrait du compositeur russe, faisant découvrir au fil des pages sa maturation
créative, depuis ses débuts d’autodidacte et ses harmonies par trop systématiques jusqu’à
la complexité assumée où s'associent l’art de Chopin et de Liszt au folklore
russe, tandis que la personnalité de Balakirev s’illustre dans la vélocité, le style
rhapsodique. Ce que donne à entendre Katherine Nikitine va bien au-delà de la
banalité de certaines pages, la pianiste leur donnant chair
et expressivité, évitant par son toucher aérien toute rudesse et tout truisme,
aidée en cela par sa technique imparable. Il ne s’agit pas, bien sûr, d'oeuvres capitales dans l’histoire de la musique, mais ce qu’en fait ici l’interprète tire
tout ce qu’elles contiennent de qualité technique et d’éloquence, cela dans les
meilleures conditions de jeu, de couleurs, d’acoustique.
Bruno Serrou
1 CD Hortus 211 (distribution Intégral). Durée : 1h 02mn 12s.
Enregistré en 2022. DDD
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