Au sein d’une programmation mêlant en dix jours du musicien star aux grands amateurs du piano, la trente-troisième édition du Festival de Dinard(1), dirigé avec conviction par la pianiste Claire-Marie Le Guay qui a des projets plein son escarcelle, a été magistralement lancée le 13 juillet par un impressionnant récital de la star de la percussion, Adélaïde Ferrière, qui a conquis ce soir-là un public qui découvrait avec enthousiasme cet instrument polymorphe autour d’adaptations (Jean-Philippe Rameau, Niccolo Paganini, Claude Debussy, George Gershwin) pour marimba réalisées avec sensibilité par la percussionniste elle-même, et deux œuvres impressionnantes, l’une pour caisse claire, Asventuras d’Alexej Gerassimez, l’autre pour peaux, Rebonds B d’Iannis Xenakis.
Révélée au grand public en 2017 par une Victoire de la Musique, Adélaïde Ferrière est à 25 ans une virtuose étourdissante. « Cet instrument est certes populaire, dit-elle, mais peu connoté musique classique, qui ne l’a vraiment intégré qu’au XXe siècle, devenant peu à peu soliste puis chambriste. » La musicienne se joue des pires acrobaties avec une telle aisance qu’elle semble être née baguettes à la main. Espace, temps, rythme, virtuosité, musicalité, fluidité forment avec elle un tout qui confine au talent naturel faisant oublier 7 heures de travail quotidien. Et à ceux qui lui demandent si le fait d’être femme n’est pas un handicap pour cet instrument très physique, elle se plaît à rappeler que nombre d’ensembles constitués comptent des femmes, et que le premier soliste est une femme, Dame Evelyn Glennie. « Au Japon, insiste la percussionniste, la culture du marimba est féminine. »
Adélaïde Ferrière a commencé à huit ans le piano et la percussion, cette dernière par le xylophone et la caisse claire. « Mon père est percussionniste, ma mère pianiste. Passionné de danse, le geste, l'aspect chorégraphique de la percussion m’ont séduite autant que l’infinie variété du son. Tout objet a des propriétés percussives. Tant et si bien que la percussion ne tient pas du rituel mais du plaisir musical qui est immense, avec un nuancier digne des instruments à cordes. Il m’a été conseillé de ne faire ni du piano, parce qu’il y a trop de monde, ni de la percussion, parce qu’il n’y a personne... Autre attrait de l’instrument, la création, centre de mon activité. Ce qui me permet d’entretenir des liens étroits avec les compositeurs. » Les 80 récitals solistes annuels qui la conduisent devant tous les publics - elle se plaît à introduire le marimba jusque dans les hôpitaux et les EHPAD -, ne lui suffisant pas, elle fait beaucoup de musique d’ensembles avec les Trios KDM et Xenakis, qu’elle a fondé, et se produit en duo avec des artistes comme Fanny Azzuro, Renaud Capuçon, Bertrand Chamayou, David Guerrier…
Bruno Serrou
1) Adélaïde Ferrière se produit cet été aux festivals du Potager du Roi-Château de Versailles (16/07), Les Nuits du Mont Rome (21/07), Musique en Chemin (23/07), 1001 Notes (29-30/07), des Baronnies (15/08), Ravel (20/08, 4/09), Villers-sur-Mer (21/08), Berlioz (23/08)
D'après l'article paru dans le quotidien La Croix le 15 juillet 2022
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