Paris. Festival ManiFeste de l'Ircam. Philharmonie de Paris. Salle Pierre Boulez. Lundi 3 juin 2019
Philippe Manoury et François-Xavier Roth durant les répétitions de Lab.Oratorium à la Philharmonie de Cologne. Photo : (c) Orchestre du Gürzenich de Cologne
Admiré par Pierre Boulez qui
l’appelle à l’Ircam en 1981, maîtrisant comme personne l’informatique musicale,
Philippe Manoury (né en 1952) est l’un des compositeurs phares de sa
génération. Professeur au Conservatoire de Lyon, puis l’Université de
Californie San Diego et au Conservatoire de Strasbourg, il est l’un des
compositeurs français les plus joués dans le monde. En coproduction avec
l’Ircam, la Philharmonie de Paris et l’Elbphilharmonie de Hambourg, l’Orchestre
du Gürzenich de Cologne lui a commandé Lab.Oratorium, oratorio de quatre vingt
dix minutes en dix parties pour deux comédiens, soprano, mezzo-soprano, chœur
de chambre, grand chœur amateur, électronique en temps réel et orchestre
spatialisé.
Philippe Manoury est de ces trop
rares compositeurs qui s’intéressent avec sollicitude aux vicissitudes de la vie contemporaine.
« Je m’attache ici à l’exil forcé, précise-t-il. Il s’agit d’une odyssée moderne,
le voyage, une croisière de luxe dont passagers sont indifférents aux misères du monde, l’errance des réfugiés, la perte de racines, ce qui entre en résonnance directe avec le monde
actuel. Ce n’est pas une œuvre politique dans le sens de Luigi Nono ou de
Hans Werner Henze, mais elle est centrée sur le respect de la vie humaine qui devrait
passer avant toute stratégie politique. »
Cet oratorio est le troisième volet de la Trilogie Köln (Trilogie de Cologne) qui s’ouvre sur Ring pour orchestre dit « Mozart » sur scène et grand orchestre disséminé autour du public (2016), suivi de In situ pour grand orchestre (2013) enfin ce Lab.Oratorium (2019). Manoury entend dans ce cycle repenser l’orchestre considérant le grand nombre de nouvelles salles de concerts. « Ce n’est pas tant la spatialisation comme effet sonore mais une nouvelle conception du son, moins hiérarchique, moins « philharmonique » que je propose ici. En plaçant des musiciens autour du public, je n’entends pas ajouter du spectacle au spectacle, mais à créer un paradigme sonore inédit. »
Cet oratorio est le troisième volet de la Trilogie Köln (Trilogie de Cologne) qui s’ouvre sur Ring pour orchestre dit « Mozart » sur scène et grand orchestre disséminé autour du public (2016), suivi de In situ pour grand orchestre (2013) enfin ce Lab.Oratorium (2019). Manoury entend dans ce cycle repenser l’orchestre considérant le grand nombre de nouvelles salles de concerts. « Ce n’est pas tant la spatialisation comme effet sonore mais une nouvelle conception du son, moins hiérarchique, moins « philharmonique » que je propose ici. En plaçant des musiciens autour du public, je n’entends pas ajouter du spectacle au spectacle, mais à créer un paradigme sonore inédit. »
Création de Lab.Oratorium de Philippe Manoury à la Philharmonie de Cologne le 19 mai 2019. Mise en scène Nicolas Stemann. Photo : (c) Orchestre du Gürzenich de Cologne
Entendu une première fois à Cologne le 20 mai, réécouté le 3 juin à Paris, Lab.Oratorium,
d’une intensité, d’une force émotionnelle, d’une puissance tellurique mise en
espace par Nicolas Stemann (chanteurs jouant à l’avant-scène autour de
l’orchestre, chœurs se déplaçant dans la salle, cuivres disséminés derrière le
public, ce qui nécessite un second chef) et spatialisée via l’informatique en temps réel, transporte le spectateur au cœur
du drame des réfugiés rejetés par les nantis. Donné trois soirs de suite à la
Philharmonie de Cologne, salle en arc de cercle à l’acoustique phénoménale construite
en 1986 au pied de la cathédrale et à quelques mètres du Rhin, l’œuvre dirigée
de main de maître par le Directeur général de la musique de la Ville de Cologne,
François-Xavier Roth, a connu un succès incroyable pour le Français que je
suis, habitué de la création contemporaine, avec plus de vingt minutes
d’applaudissements avec une standing
ovation d’un public de tous âges. A Paris, pour un seul soir, le chœur
amateur, spécialement constitué à Cologne sous le nom Lab.Chor, a été assuré à
Paris par une formation répondant au nom Stella Maris. Quant aux autres
protagonistes, ils ont été les mêmes - les excellentes cantatrices Rinnart
Moriah (soprano) et Tora Augestad (mezzo-soprano), et formidables comédiens
Patrycia Ziolkowska et Sebastian Rudolph -, tandis que le livret, qui assemble
des textes d’Ingeborg Bachmann, Georg Trakl, Elfriede Jelinek, Hannah Arendt,
Friedrich Nietzsche, Philippe Manoury et Nicolas Stemann, a été chanté et joué
en allemand, Paris bénéficiant opportunément de surtitres.
Bruno Serrou
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