Paris.
Opéra de Paris-Garnier. 11 juin 2019. Strasbourg. Opéra national
du Rhin. 15 juin 2019
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Don Giovanni. Mise en scène par Ivo van Hove à l'Opéra de Paris. Photo : (c) Charles Duprat / Opéra national de Paris
Les productions nouvelles du chef-d’œuvre de Mozart, deux conceptions diamétralement
opposées qui laissent une impression d’inachevé
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Don Giovanni. Mise en scène par Ivo van Hove à l'Opéra de Paris. Photo : (c) Charles Duprat / Opéra national de Paris
Pour sa seconde mise en scène à l’Opéra de Paris (1) après Boris Godounov, Ivo van Hove, tout en
restant dans un libéralisme outré, s’échappe du quartier de La Défense de Michael
Haneke à Bastille de 2006 à 2015 pour
investir une rue de Séville avec moult points de fuite où Giovanni et ses adversaires
se dissimulent ou s’échappent. L’éclairage est sombre jusqu’à la morale finale
où fleurs et tissus colorés font leur apparition. Vêtus en costumes
contemporains, les protagonistes s’activent donc dans une Séville
d’aujourd’hui, obscure et grise. Une fois de plus quelque protagoniste
s’immisce dans le public, ce qui devient un tic.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Don Giovanni. Mise en scène par Ivo van Hove à l'Opéra de Paris. Etienne Dupuis (Don Giovanni) et Philippe Sly (Leporello). Photo : (c) Charles Duprat / Opéra national de Paris
L’intérêt de cette production est la gémellité Don Giovanni/Leporello,
au point de rendre crédible la confusion d’Elvire. Silhouette, costume, voix
sont saisissants d’analogie. Saluons d’ailleurs la remarquable prestation d’Etienne
Dupuis et de Philippe Sly. Le Masetto de Mikhaïl Timosshenko est tout aussi
saisissant, à l’instar de l’impressionnant Commandeur d’Ain Anger. La Donna
Anna de Jacquelyn Wagner est noble et la voix brillamment tenue, la Zerline d’Elsa
Dreisig est spontanée. Seule l’Elvire de Nicole Car déçoit. Philippe Jordan,
qui dirige un orchestre onctueux, manque d’allant et d’élasticité.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Don Giovanni. Mise en scène par Marie-Eve Signeyrole à l'Opéra national du Rhin. Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
Mais le directeur musical de l’Opéra de Paris démontre depuis le
clavecin une réelle vitalité face à l’atone Christian Curnyn, qui plombe la
production de l’Opéra du Rhin (2), alourdie encore par un pianoforte. Ce que
fait le chef britannique est tout simplement honteux, tant l’encéphalogramme
est plat. Ce qui est en totale contradiction avec ce que donne à voir Marie-Eve
Signeyrole, qui elle-même prend le contrepied de la subtilité du propos de
Mozart et Da Ponte.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Don Giovanni. Mise en scène par Marie-Eve Signeyrole à l'Opéra national du Rhin. Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
Car ici, au-delà de la simple suggestion de l’enfer par des fumigènes
sortant du sol de l’Opéra Garnier, le Dissoluto
est un monstre véritable, une bête fauve qui malmène les femmes et toute la valetaille
qu’il croise avec une férocité démesurée, à l’encontre du séducteur qu’il est
censé être. En outre, le spectacle pose une nouvelle fois la question d’une
vidéo omniprésente avec gros plans et actions hors scène, ajouts et actualisation
du livret et de la musique, avec bruitages et autres satellites qui font
redondance et vont à l’encontre de l’œuvre.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Don Giovanni. Mise en scène par Marie-Eve Signeyrole à l'Opéra national du Rhin. Photo : (c) Klara Beck / Opéra national du Rhin
Mais au moins la production rhénane a-t-elle le mérite d’interroger le
public qui souvent reste bouche bée. Le remarquable Leporello de Michael Nagl est
à la fois valet, double raté de Giovanni - le tout aussi excellent de Nikolay
Borchev -, et M. Loyal, présentant en allemand, français ou italien chaque
scène pour guider le spectateur. Crimes, viols, brutalités schizophréniques,
partouzes, tout y passe, au cœur d’un bar de grand hôtel. Là aussi, la distribution
est excellente (superbe Anna de Jeanine De Bique), à l’exception de l’Elvira
criarde et chevrotante de Sophie Marilley, et de l’Ottavio mollasson d’Alexander
Sprague.
Bruno Serrou
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