Paris. Opéra-Bastille. Jeudi 20 avril 2017
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908), la Fille de Neige. Photo : (c) Bruno Serrou
Pour son entrée à son répertoire,
l’Opéra de Paris offre à la Fille de Neige
de Rimski-Korsakov un écrin somptueux avec la mise en scène de Dimitri
Tcherniakov.
Auteur de quatorze opéras,
Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) est surtout connu pour son seul Coq d’or, le dernier d’entre eux, et, à
un moindre degré pour Sadko, Mozart et Salieri et la Fiancée du tsar, tandis que son
absolu chef-d’œuvre, la Légende de la
ville invisible de Kitège et de la vierge Fevronia est inexplicablement
boudé par la scène lyrique…
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908), la Fille de Neige. Photo : (c) Elisa Haberer / Opéra national de Paris
C’est avec le troisième de ses
ouvrages scéniques, la Fille de Neige
(Снегурочка), que
Rimski-Korsakov fait son entrée à l’Opéra-Bastille. Cet opéra en quatre actes et
un prologue a été composé entre 1880 et 1881 sur un livret du compositeur tiré
de la pièce éponyme d’Alexandre Ostrovski (1823-1886), auteur russe chez qui
puisera également Leos Janacek. Rimski-Korsakov en donna la création au Théâtre
Mariinski de Saint-Pétersbourg le 29 janvier 1882, avant de le réviser en 1898.
La Fille de Neige n’a fait que quelques apparitions en France, notamment à
Paris en 1908 puis en 1929, en version française…
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908), la Fille de Neige. Photo : (c) Elisa Haberer / Opéra national de Paris
Rimski-Korsakov considérait son « conte
de printemps » comme son œuvre préférée. Il en termina la partition en
deux mois et demi. L’action se déroule en un temps et une région légendaires, le
pays des Bérendeïs et met en contact des personnages mythologique (le père Gel,
Dame Printemps, l’Esprit des bois), des êtres de chair (Koupava, Mizguir) et
des archétypes (Snegourotchka la fille de Neige, Lel, le tsar Bérendeï). L’histoire
est celle d’une enfant de Neige fruit des amours de la fée du Printemps et du
Père Gel. Envoyée au royaume féerique d tsar Bérendeï pour parfaire sa
connaissance du monde, elle rencontre le désir de l’amour, et finit par mourir en
fondant sous les rayons du dieu soleil Yarilo surchauffés par l’arrivée de l’été.
Chaque groupe de personnages est musicalement caractérisé, plusieurs personnages
ayant leurs propres leitmotive, généralement associé à une chanson populaire
russe, tandis que le peuple Bérendeïs se voit attribuer des mélodies aux
contours folkloriques.
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908), la Fille de Neige. Photo : (c) Elisa Haberer / Opéra national de Paris
Dimitri Tcherniakov situe l’opéra
dans un univers mi historique, le XIXe siècle, mi contemporain. Le
prologue se déroule dans un studio de danse où s’exercent de jeunes danseurs et
danseuses déguisées en oiseaux avec le professeur Dame Printemps qui discourt
avec le Père Gel sur le devenir de leur fille, Snegourotchka, qu’ils vont
envoyer dans une forêt au sein d’une communauté paysanne qui s’est donnée le
nom de Bérendeï et qui cherche à retrouver un mode de vie ancestral. Pour ce
faire, elle a installé roulottes et mobil homes au cœur d’une clairière. Le
réalisme de la scénographie de Tcherniakov, dont la partie mobil home fait
penser à un camping tel celui d’Argelès-sur-Mer, passe à l’arrière-plan l’aspect
conte panthéiste, mais le propos de l’œuvre reste compréhensible, et l’on ne s’ennuie
pas une seconde à suivre une dramaturgie réglée au cordeau avivée par une
direction d’acteur magistrale.
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908), la Fille de Neige. Photo : (c) Elisa Haberer / Opéra national de Paris
Il se trouve de très belles choses
dans la partition, surtout dans les deux derniers actes. Cet
hymne à la nature qui n’est pas sans rappeler Siegfried de Richard Wagner à l’orchestration
scintillante avec des fusées de solos splendides d’alto, de violoncelle, de
flûte, de hautbois, de clarinette et de cor, est empreint de folklore russe,
dans ses chœurs comme dans ses danses. Pourtant, avec ses trois heures dix
minutes, cet ouvrage n’est pas sans longueurs. Dirigé avec élan par Mikhaïl
Tatarnikov, la partition flamboie sans contrainte grâce à un Orchestre de l’Opéra
de Paris qui s’impose de plus en plus comme la phalange instrumentale la plus
remarquable de France.
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908), la Fille de Neige. Photo : (c) Bruno Serrou
La distribution, d’une belle
homogénéité, est menée par une lumineuse Aida Garifullina, la soprano russe
campant une Fille de Neige juvénile et fraiche au timbre doré, qui fait ainsi de
superbes débuts à l’Opéra de Paris, la soprano autrichienne Martina Serafin est
une amoureuse inquiète à la voix acérée, la mezzo-soprano russe Elena Manistina
est une Dame Printemps aux colorations slaves envoûtantes mais au vibrato trop
prononcé. Remplaçant Ramon Vargas, forfait pour toute la série des
représentations, le ténor ukrainien Maxim Paster est un tsar Bérendeï solide,
affable et humain, le contre-ténor ukrainien Yuriy Mynenko est un
impressionnant Lel vocalement irréprochable. A l’instar du Chœur de l’Opéra de
Paris.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire