Nancy. Opéra national de Lorraine au Théâtre de la Manufacture.
Vendredi 20 mai 2016
Udo Zimmermann (né en 1943), Die weisse Rose. Elizabeth Bailey (Sophie Scholl), Armando Noguera (Hans Scholl). Photo : (c) Jef Rabillon
« Nous nous dressons contre
l’asservissement de l’Europe par le National-Socialisme, dans une affirmation
nouvelle de liberté et d’honneur. » Ainsi se termine le sixième et ultime
tract de Die weisse Rose (la Rose blanche), groupe de résistance fondé durant l’été 1942 par deux
étudiants en médecine de l’Université de Munich, Hans Scholl et Alexander
Schmorell. Surpris par le concierge de la faculté qui les dénonce à la gestapo,
Hans et sa sœur Sophie sont immédiatement arrêtés, pour être interrogés et
torturés, puis, après un simulacre de procès bouclé en trois heures, ils sont
condamnés pour trahison et décapités sans attendre, le 22 février 1943. Avant
de mourir, Sophie Scholl dira : « On ne tue pas la liberté. »
Udo Zimmermann (né en 1943), Die weisse Rose. Armando Noguera (Hans Scholl), Elizabeth Bailey (Sophie Scholl). Photo : (c) Jef Rabillon
Ce mouvement de résistance
estudiantin d’obédience chrétienne est l’un de ceux qui auront lutté contre le
nazisme au cœur-même de l’Allemagne. En 1967, le compositeur allemand Udo
Zimmermann, né huit mois après l’exécution des Scholl, compose une première
version d’un opéra sur le destin de ces jeunes gens, la Rose blanche, sur un livret de son frère Ingo Zimmermann développé
en huit tableaux et incluant plusieurs personnages ainsi que le procès, et nécessitant
la participation d’un grand orchestre. En 1986, Udo Zimmermann reprend son ouvrage,
cette fois sur un texte en seize courtes séquences réécrit par Wolfgang
Willaschek centré sur les derniers instants de Hans et de Sophie Scholl dans
leur geôle de la prison de Munich-Stadelheim, tandis que l’orchestre est réduit
à quinze musiciens. Le livret reprend des passages de la correspondance
des protagonistes judicieusement sélectionnés pour évoquer le caractère de l’une
comme de l’autre, ainsi que la cruelle absurdité d’une situation politique qui
rend tout citoyen complice de l’horreur.
Udo Zimmermann (né en 1943), Die weisse Rose. Elizabeth Bailey (Sophie Scholl), Armando Noguera (Hans Scholl). Photo : (c) Jef Rabillon
Après une première approche
présentée à Lyon en 1997 en français, suivie d’une deuxième mouture en allemand
produite à Angers début 2013, le metteur en scène scénographe Stéphane Grögler est
retourné à cette œuvre d’une grande intensité à Nancy, faisant cette fois
passer l’orchestre à l’arrière-scène, à l’aplomb du cadre de l’action, un mur
verdâtre et sa gouttière de zinc et deux chaises éclairés par deux lampes
lugubres, sur un sol terreux rehaussé à jardin par une butte de boue.
Udo Zimmermann (né en 1943), Die weisse Rose. Elizabeth Bailey (Sophie Scholl). Photo : (c) Jef Rabillon
La partition est hors-école et d’un
grand lyrisme, dans la lignée d’un Viktor Ullmann avec des accents d’un Hanns Eisler,
d’un Paul Dessau et d’un Kurt Weill, et l’on y trouve même une valse, qui
survient à l’évocation des adieux faits aux enfants handicapés mentaux par les
religieuses contraintes de les livrer aux bourreaux : « où vont les camions ? Ils vont au ciel ». Chacun des deux personnages
s’exprime différemment, le registre de Sophie Scholl étant tout en tension et de
tragique, celui de son frère se situant dans une dynamique âprement contrastée.
Udo Zimmermann (né en 1943), Die weisse Rose. Elizabeth Bailey (Sophie Scholl), Armando Noguera (Hans Scholl). Photo : (c) Jef Rabillon
Totalement investis dans leurs rôles,
la soprano britannique Elizabeth Bailey, Sophie tenace et fragile, et le
baryton argentin Armando Noguera, d’un lyrisme exacerbé, sont d’une grande
intensité dramatique. Au-dessus deux, les solistes de l’Orchestre symphonique
et lyrique de Nancy s’illustrent dans cette partition dense et virtuose, animés
par un Nicolas Farine qui les dirige tout en délicatesse et précision.
Bruno Serrou
Paru dans le quotidien La Croix
daté 26 mai 2016
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