La Côte-Saint-André (Isère), Eglise Saint-André et Chapiteau de la Cour du Château Louis XI,
dimanche 23 août 2015
John Eliot Gardiner. Photo : (c) Bruno Serrou
Après trois jours de pérégrinations
sur les routes et dans les villages de l’Isère, le Festival Berlioz a retrouvé
sa base, le village natal d’Hector Berlioz, La Côte-Saint-André et la cour de
son Château Louis XI, avec un concert-événement : la venue pour la
première fois en ces lieux d’un orchestre qui lui doit son nom, l’Orchestre
Révolutionnaire et Romantique. Car ce n’est pas parce qu’il a été fondé en
1989, année du bicentenaire de la Révolution française, mais
parce que son fondateur, John Eliot Gardiner, l’un des plus éminents
admirateurs du musicien français, considère Berlioz comme LE compositeur
révolutionnaire et romantique par excellence.
C’est grâce à l’entremise de
Bruno Messina, directeur du Festival Berlioz que je remercie chaleureusement, que j’ai pu rencontrer quelques minutes pour le quotidien La Croix John Eliot Gardiner, peu avant les ultimes
réglages d'avant-concert. Avant d’évoquer ce concert et celui qui l’a précédé, je prends ici la liberté de présenter le fruit de cet entretien.
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John Eliot Gardiner. Photo : DR
Entretien avec le chef
d’orchestre britannique
Sir John Eliot Gardiner
Bruno Serrou : Comment vous expliquez-vous le fait que
Berlioz se soit finalement imposé grâce aux Britanniques, tandis que la France
continue de le bouder plus ou moins ? Qu’est-ce qui fait que ce
compositeur français soit anglais ?
John Eliot Gardiner : Ce n’est pas comme ça du tout. Berlioz
est typiquement français. On ne peut pas imaginer un compositeur plus français
que lui. Le fait qu’il avait du mal à être accepté par ses contemporains français
et par les générations qui ont suivi est une question qui m’a beaucoup troublé pendant
des décennies. Je pense qu’il n’est pas conforme à l’image du compositeur selon
les Français. Il était trop original, trop provocateur, trop subversif, trop
excessif. Mais le seul adjectif que les Français ont retenu est « excessif ».
L’image de Berlioz en son temps est celle d’un musicien qui a construit de la
musique très forte, très pompeuse, très violente. Or, ce n’est pas vrai du tout.
Au contraire, c’est un poète de la musique, il était capable d’écrire le
septuor des Troyens, les Nuits d’été, des choses d’une
fragilité, d’une souplesse, d’une subtilité inouïe. Mais l’image de Berlioz en
France est celle de quelqu’un de bruyant, qui tonitrue. Ce qui est dommage et
troublant est le fait qu’il était venu d’une petite ville comme La
Côte-Saint-André dans la France profonde, le fait qu’il était quasi
autodidacte, le fait qu’il était aussi écrivain, cela agaçait les Français. Il
était beaucoup plus accepté par les milieux intellectuels de son époque, par
Hugo, Balzac, Gauthier, que par le public.
B. S. : Et les musiciens ?
JEG : Les musiciens étaient mitigés, quelques-uns étaient pour
lui, d’autres le trouvaient trop crazy.
Nous n’avons pas les mêmes tics nerveux que vous. Nous n’avons pas les mêmes
soucis, les mêmes images de ce que doit être un compositeur. Pour nous,
Berlioz est un révolutionnaire et un romantique. Et nous adorons ses excès. Le
fait qu’il était courageux, audacieux, il a beaucoup souffert dans sa vie
privée, le fait qu’il a été accepté en Allemagne, en Russie mais pas en France
nous blesse. Le fait qu’il incarne pour nous l’après-Beethoven, la possibilité
de la musique symphonique et dramatique a encapsulé toutes les émotions
humaines. C’est quelque chose qui nous touche profondément nous autres
Anglais. »
BS : Vous qui avez un répertoire très large qui court de Monteverdi
à Stravinski, où situez-vous Berlioz, outre le fait qu’il soit
« révolutionnaire et romantique ?
JEG : Pour moi, c’est un personnage-clef de l’histoire de l’évolution
de la musique. S’il y a trois révolutions dans l’histoire de notre art - je
sais que c’est un raccourci simpliste que je vais formuler -, la première vers
1600, c’est-à-dire au temps de Monteverdi, l’autre en 1800, au temps de
Beethoven et de Berlioz, et l’autre au début du XXe siècle, le temps
de Stravinski. Berlioz est associé à Beethoven et Schumann, qui ont
révolutionné la symphonie et l’opéra. La symphonie, qui s’est imposée au XVIIIe
siècle, surtout avec Haydn et Mozart, est devenue à partir de Beethoven le
véhicule de l’expression des pensées, des émotions, des sentiments
profonds ; l’opéra n’est plus un genre à part mais il a infiltré aussi les
symphonies dramatiques de Berlioz comme Roméo
et Juliette ou un oratorio comme la
Damnation de Faust, donc pour lui chaque morceau qu’il a composé est d’une
manière ou d’une autre théâtrale, dramatique. Donc pour le déroulement du XIXe
siècle, c’est très important le fait que Beethoven est le pionnier et Berlioz
est son disciple, et sans ces deux compositeurs le romantisme tardif de
Schumann, Brahms, Dvorak, Elgar, Richard Strauss, qui a complété le Traité d’orchestration de Berlioz, et
Mahler ne serait pas possible. Sans le grand Traité d’orchestration de Berlioz, ces deux derniers ne seraient
pas les compositeurs que nous connaissons. A mes yeux, comme pour la plupart de
mes compatriotes, Berlioz est un compositeur révolutionnaire et romantique. Ce
qui explique pourquoi il n’est pas compris par les Français, dont il est contraire
à l’esprit.
BS : La sonorité typiquement française de Berlioz, que l’on retrouve
chez Debussy et encore chez certain compositeurs aujourd’hui, n’est-ce pas
aussi un plaisir que les Anglais ont de la sonorité, de la sensualité de la
musique française
JEG : Absolument. Et quelque chose qui curieusement beaucoup
de Français n’aiment pas tellement, je pense que les choses sont en train de se
modifier, je pense, si cette conversation avait eu lieu il y a 40 ans, je
partagerais votre avis, mais pour aujourd’hui c’est un peu différent. Pour moi
il y a une filiation entre des compositeurs français. Commençons avec MA
Charpentier, j’exclue Lully parce que c’était un Florentin, Rameau surtout,
passer à Berlioz, parce que les autres compositeurs entre Rameau et Berlioz
n’étaient pas au même niveau, Grétry, Méhul, Cherubini, Rouget de Lisle, même
le chevalier Gluck ce n’est pas exactement la même chose, mais de Rameau à
Berlioz, puis Saint-Saëns et beaucoup d’autres compositeurs français comme
Chabrier que j’adore, Messager que j’adore aussi, et surtout Debussy bien sûr,
Ravel et Poulenc, et jusqu’à Dutilleux, il y a quand même une sorte de
filiation.
BS : Et chez les Anglais, Berlioz a-t-il une influence ?
JEG : Non pas profonde, mais indirecte. Je pense que Berlioz a
davantage marqué les Russes, Glazounov, Rimski-Korsakov, même Tchaïkovski, et
surtout les germains que sont Mahler et R. Strauss. Ce qui est remarquable chez
Berlioz, et c’est quelque chose pour laquelle il faut toujours insister,
lutter, c’est la transparence de son écriture. Et avec un orchestre moderne,
c’est souvent trop lourd, trop épais, trop pompier…
BS : C’est peut-être au chef de tout faire pour éviter ces
problèmes ?
JEG : Oui, absolument. Ce n’est pas forcément l’orchestre mais
le chef, vous avez raison. J’étais par exemple l’année dernière là pour la
première fois avec le London Symphony Orchestra. Nous avons fait des scènes de Roméo et Juliette, et
ils ont très bien joué selon mes goûts. Et maintenant je suis très fier de
venir à la tête de mon orchestre de tradition romantique.
BS : Est-ce en référence à Berlioz que vous avez intitulé votre
orchestre Révolutionnaire et Romantique ?
JEG : Tout à fait. Nous avons enregistré la Symphonie
fantastique il y a très longtemps, dans la salle du Conservatoire aujourd’hui
d’art dramatique où a été créée la symphonie.
BS : L’idée-même de la création de cette œuvre dans une si petite
salle est inconcevable aujourd’hui…
JEG : C’est parce que nous sommes devenus trop grands,
aujourd’hui. Il faut simplement aller dans la maison natale de Berlioz ici pour
voir comme il était tout petit, ne serait-ce qu’en regardant les miroirs.
BS : Venant à la Côte-Saint-André sur l’invitation de Bruno Messina,
en profitez-vous pour marcher sur les traces de Berlioz ?
JEG : Bien sûr. Mais je connais bien La
Côte-Saint-André. Avant l’année dernière avec le London Symphony
Orchestra, je suis venu deux ou trois fois ici avec l’Orchestre de l’Opéra National
de Lyon que j’ai créé en 1983. Nous avons joué sous la Halle l’Enfance du Christ, la Damnation de Faust, Harold en Italie… Mon concert d’adieu
avec l’Orchestre de l’Opéra National de Lyon en 1988 était entièrement consacré
à Berlioz. Donc, pour moi, je défendrai Berlioz jusqu’à mon dernier souffle.
BS : Comment avez-vous découvert Berlioz ?
JEG : Quand j’étais élève du King College à l’Université de
Cambridge, j’ai joué sous la direction de Colin Davis, qui y venait chaque
année avec le Chelsea Opera Group. J’ai joué avec lui du violon, de l’alto et
j’ai chanté parmi les ténors du chœur dans la
Damnation de Faust, les Troyens, Béatrice et Bénédict…
BS : Vous êtes dans l’enregistrement des Troyens avec Jon Vickers ?
JEG : Non. Il s’agissait simplement de versions concerts, et
pas de la troupe du Covent Garden de Londres. J’ai adoré Colin, que j’admirais.
J’admirais également Thomas Beecham, qui a aussi beaucoup fait pour Berlioz. Ce
dernier avait beaucoup d’humour, et il en faut pour comprendre Berlioz. Il a saisi
l’élégance des phrasés de Berlioz.
BS : Chez Berlioz, serait-ce l’élégance qui primerait ?
JEG : L’élégance, la transparence… Sinon c’est aussi une force
de la nature, ne serait-ce que du fait qu’il a trouvé des moyens de s’exprimer
auxquels personne n’avait pensé avant lui. Pas même Beethoven. Il y a des
choses dans la Symphonie fantastique,
Harold en Italie, Roméo et Juliette, qui sont inédites. Cela
a influencé jusqu’à Wagner, qui a piqué dans Roméo et Juliette pour son Tristan
et Isolde. Et c’est ce qui me fait mal quand je pense que dans sa vie
Berlioz a beaucoup souffert en France par rapport à Wagner. Ce dernier est
arrivé, il a imposé ses ouvrages, tandis que Berlioz n’a jamais pu écouter les Troyens, à l’exception de la seconde
partie, les Troyens à Carthage.
BS : Peut-être est-ce dû à un charisme du Saxon que n’avait pas le
Dauphinois. Wagner avait le sens des affaires, de l’autopromotion que n’avait
peut-être pas Berlioz.
JEG : Détrompez-vous. Je pense que Berlioz avait beaucoup de
charisme. Mais je ne sais pas, le public français n’a pas aimé, n’a pas
accepté…
BS : Sa renommée hexagonale ne serait-elle pas victime du dicton
français qui touche beaucoup de nos musiciens, « nul n’est prophète en son
pays » ?
JEG : Berlioz est en effet l’incarnation-même de ce problème.
Mais les choses sont en train de changer. Du moins depuis que nous avons donné les Troyens Théâtre Châtelet à Paris en
2003 dans la mise en scène de Yannis Kokkos (1). Je pense que c’était la toute
première fois que cet opéra était joué en France sans coupures, parce que Myung Whun Chung
l’a monté à l’Opéra Bastille, mais avec des coupes, et la première fois que
nous l’avons exécuté sur des instruments de l’époque de Berlioz, avec des
saxhorns qui ont sonné de façon
extraordinaire. C’est là que j’ai senti que le public parisien commençait à
frémir, à apprécier. Depuis, j’ai dirigé deux programmes Berlioz avec
l’Orchestre National de France Salle Pleyel, voilà quatre ou cinq ans, où ils
ont très bien joué, puis en la basilique Saint-Denis, où j’ai donné avec ce
même orchestre la Grande Messe des Morts.
J’ai connu quelques problèmes, ce soir-là, mais le National a très bien joué. Il
y a donc en France une grande capacité d’ouverture sur Berlioz.
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John Eliot Gardiner et l'Orchestre Révolutionnaire et Romantique. Photo : (c) Bruno Serrou
Episodes de la Vie d’un
Artiste
Le concert de dimanche soir a
constitué le point culminent de la vingt-deuxième édition du Festival Berlioz. Malgré
les menaces de pluie, mélomanes et curieux sont venus en foule, attirés par la
renommée des interprètes et par la rareté du programme associant deux œuvres
de Berlioz, l’une célébrissime, pour grand orchestre, l’autre beaucoup plus
rare, pour récitant, deux chanteurs solistes, chœur, piano et grand orchestre en un même
numéro d’opus titré Episodes de la Vie d’un Artiste. Cet Opus 14 de Berlioz est
en effet constitué de deux volets, la Symphonie
fantastique op. 14, œuvre en cinq mouvements créée le 5 décembre 1830 au
Conservatoire de Paris sous la direction de François-Antoine Habeneck six ans
après la première parisienne dirigée par ce même chef, et Lélio ou le Retour à la Vie op. 14b, partition en
six parties créée dans le même cadre et par le même chef mais le 9 décembre 1832.
Cette seconde œuvre « doit être entendue immédiatement après la Symphonie
fantastique dont elle est la fin et le complément », a précisé son auteur.
Cette dernière grande page puise dans la cantate la Mort de Cléopâtre (deuxième
partie), la cantate la Mort d’Orphée (quatrième et cinquième parties), tandis
que le finale, Fantaisie sur la ’’Tempête’’
de Shakespeare pour orchestre et chœur, s’avère être la première œuvre à
intégrer le piano à l’orchestre dans l’histoire de la symphonie.
Denis Podalydès, l'Orchestre Révolutionnaire et Romantique et le National Youth Choir of Scotland. Photo : (c) Bruno Serroou
Tandis que l’on craignait la
pluie, c’est sous une fraîcheur de bon aloi que s’est déroulé ce concert tant
attendu par les festivaliers parmi lesquels beaucoup allaient découvrir Lélio. Respectant l’ordre de création,
John Eliot Gardiner a ouvert la soirée avec la Symphonie fantastique. Avec un effectif de quarante et une cordes
(douze premiers et dix seconds violons, sept altos et violoncelles ces derniers
pourvus de piques, cinq contrebasses), violons et altos jouant debout, quatre
harpes, bois par deux à l’exception des bassons au nombre quatre, cor anglais, quatre
cors et deux trompettes naturels, deux cornets à pistons, trois trombones, deux
ophicléides, trois timbaliers, une large caisse, tambour et cymbales, et deux cloches,
le chef britannique s’est donné sans compter, dirigeant avec flamme et onirisme
une œuvre gorgée de vie et d’humanité dont il connaît les moindres tenants et
aboutissants, sûr de ses musiciens dont il connaît la maîtrise au point de ne
pas hésiter à les mettre en danger pour mieux souligner la virtuosité et la
fluidité de l’écriture orchestrale de Berlioz.
Entrant dans la pensée dramatique du compositeur français, le chef britannique a spatialisé certaines interventions instrumentales, quatre harpes derrière le chef en demi-cercle dos au public dans Un bal, hautbois et cor anglais en coulisse au début de la Scène aux champs, le premier réintégrant sa place par la suite, le second se retrouvant à droite des cors par la suite, et le premier cornet à pistons derrière les altos, tandis que les deux cloches d’une Nuit de Sabbat, fondues en grande pompe voilà deux ans à Bressieu (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/08/hector-berlioz-recu-fin-aout-ses.html), résonnaient depuis la cour d’entrée du Château Louis XI en réponse aux signes du bras gauche de plus en plus appuyés de Gardiner. Rarement Symphonie fantastique aura sonné avec une telle force, une telle générosité dans la geste épique d’autant plus soutenue que les cordes jouant debout ont pu s’engager dans l’exécution de l’œuvre, le corps entier des instrumentistes étant engagé dans le jeu.
Les deux cloches du Festival Berlioz fondues voilà deux ans à Bressieu (Isère) utilisées dans la Symphonie fantastique. Photo : (c) Véronique Lentieul
Entrant dans la pensée dramatique du compositeur français, le chef britannique a spatialisé certaines interventions instrumentales, quatre harpes derrière le chef en demi-cercle dos au public dans Un bal, hautbois et cor anglais en coulisse au début de la Scène aux champs, le premier réintégrant sa place par la suite, le second se retrouvant à droite des cors par la suite, et le premier cornet à pistons derrière les altos, tandis que les deux cloches d’une Nuit de Sabbat, fondues en grande pompe voilà deux ans à Bressieu (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/08/hector-berlioz-recu-fin-aout-ses.html), résonnaient depuis la cour d’entrée du Château Louis XI en réponse aux signes du bras gauche de plus en plus appuyés de Gardiner. Rarement Symphonie fantastique aura sonné avec une telle force, une telle générosité dans la geste épique d’autant plus soutenue que les cordes jouant debout ont pu s’engager dans l’exécution de l’œuvre, le corps entier des instrumentistes étant engagé dans le jeu.
Denis Podalydès (Lélio). Photo : (c) Bruno Serrou
Les effectifs de Lélio ou le Retour à la Vie, plus
fournis encore que ceux de la Symphonie fantastique en raison de la présence de
chanteurs solistes, d’un grand chœur mixte, d’un récitant et d’un piano (ici un
authentique Erard), mais un orchestre de la même nomenclature, et les longues
pauses entre les numéros dues à l’intervention du narrateur et de la longue
mélodie du ténor accompagnée du seul piano, n’ont pas permis aux violonistes et
aux altistes de jouer debout. C’est le comédien metteur en scène épris de
musique Denis Podalydès (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/07/denis-podalydes-et-christophe-coin.html,
http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/02/theatre-des-champs-elysees-don-pasquale.html),
qui a endossé les braies du compositeur, qui, malgré le micro accroché à sa
joue droite amplifiant sa voix de façon distordue par rapport à ses partenaires
vocaux et instrumentaux, a su donner toute la saveur d’un texte que d’aucuns
peuvent estimer archaïque mais empli de vérités tounjours d’actualité quant au
comportement du public, des édiles et des musiciens eux-mêmes face aux créateurs
en général et aux compositeurs en particulier. Entré dans la peau de Lélio/Berlioz,
d’abord songeur sur un canapé puis se déplaçant à travers le plateau, prenant
musiciens et spectateurs à témoin, n’hésitant pas à les vouer aux gémonies,
Denis Podalydès a su jouer le second degré, évitant emphase et vulgarité,
donnant une véritable leçon de comédie. Seul regret, le fait qu’il ne se soit
pas entièrement accaparé le texte, qu’il n’a pas osé lâcher du regard, bien qu’il
n’ait jamais bafouillé ni patiner sur le moindre mot.
John Eliot Gardiner, Denis Podalydès (Lélio), l'Orchestre Révoltionnaire et Romantique et le National Youth Choir of Scotland. Photo : (c) Bruno Serrou
Ses partenaires vocaux se
sont montrés à la hauteur de sa prestation. A commencer par le brillant ténor
Michael Spyres, à l’articulation parfaite et à la voix lumineuse, qui a donné toute
la fraîcheur et le souffle de la ballade de Goethe Le Pêcheur accompagné par la seule pianiste de l’orchestre, tandis
que le baryton Laurent Naouri a donné une interprétation désopilante
interprétation de la Chanson de Brigands dans un dialogue saisissant avec les
hommes du National Youth Choir of Scotland. Ce chœur de jeunes mêlant amateurs
et professionnels venus d’Ecosse, s’est imposé dans l’ensemble de sa prestation
d’une homogénéité et d’un engagement extraordinaires, donnant sa part de
théâtralité à cette œuvre polymorphe associant poésie, théâtre, mélodie, oratorio,
opéra et symphonie chorale. Dirigé par John Eliot Gardiner avec un art de la
nuance d’une richesse et d’une diversité fabuleuse, l’Orchestre Révolutionnaire
et Romantique s’est imposé par sa vélocité, son allant, la diversité de ses
couleurs, la beauté de ces timbres, attestant ainsi du bien-fondé de l’instrumentarium
de l’époque de la genèse des œuvres jouées, sans condamner pour autant l’orchestre
moderne, puisque, de l’aveux-même de Gardiner, il s’agit pour interpréter
Berlioz de la volonté et de l’oreille du seul chef d’orchestre.
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Le Trio Pascal. Photo : (c) Bruno Serrou
Avant cette grande soirée
Berlioz, l’une des plus accomplies qu’il m’ait été donné d’écouter, le Trio
Pascal, constitué du pianiste Denis Pascal, le père, du violoniste Alexandre
Pascal et du violoncelliste Aurélien Pascal, ses deux fils, a transporté les
spectateurs réunis en l’église Saint-André « sur les routes de la Pologne »,
avec des pages d’Henryk Wieniawski (Polonaise
brillante op. 21/2 pour violon et piano), Karol Lipinski (Polonaise n° 2 pour violon et piano) et
Frédéric Chopin. C’est avec trois des Polonaises
de ce dernier que Denis Pascal a ouvert le programme sur un piano au réglage
aléatoire, sans doute dû à l’humidité soudaine qui enserra le village de La
Côte-Saint-André peu avant le début du concert. Peut-être aussi est-ce l’une
des causes de la lourdeur de l’archet d’Alexandre Pascal sur les cordes de son
violon. Seul Aurélien Pascal a convaincu, jouant un violoncelle souple aux
sonorités pleines, dans l’Introduction et Polonaise
brillante op. 3 pour violoncelle et piano de Chopin, et donnant toute sa
saveur au Trio op. 8 pour violon,
violoncelle et piano du même Chopin.
Bruno Serrou
1) Le triple DVD est disponible
chez Opus Arte
Deux concerts ce lundi 24 août au Festival Berlioz, le premier volet de l'intégrale des sonates d'Alexandre Scriabine par Varduhi Yeritsyan en l'église Saint-André de La Côte-Saint-André et le concert de l''Orchestre Symphonique OSE dirigé par Daniel Kawka avec Vincent Le Texier dans l'Ode à Napoléon de Schönberg, Trois Fanfares pour des proclamations de Napoléon de Casterède et la Suite symphonique sur le Napoléon d'Abel Gance d'Honegger et Constant.
Deux concerts ce lundi 24 août au Festival Berlioz, le premier volet de l'intégrale des sonates d'Alexandre Scriabine par Varduhi Yeritsyan en l'église Saint-André de La Côte-Saint-André et le concert de l''Orchestre Symphonique OSE dirigé par Daniel Kawka avec Vincent Le Texier dans l'Ode à Napoléon de Schönberg, Trois Fanfares pour des proclamations de Napoléon de Casterède et la Suite symphonique sur le Napoléon d'Abel Gance d'Honegger et Constant.
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