Membre du jury du Concours de
quatuors à cordes d’Evian (désormais à Bordeaux sous la direction artistique du Quatuor Modigliani) 1978, le journaliste critique
musical Pierre-Emile Barbier découvrait le jeune Quatuor Pražák, vainqueur de cette édition. Fils d’altiste
professionnelle, ingénieur électronicien parachevant ses études par la
musicologie pour assouvir sa passion, membre de l’Académie Charles Cros, acteur
passionné de la Tribune des Critiques de Disques de France Musique de l’épique
époque des controverses enflammées, organisateur de concerts, éminent
connaisseur des instruments à cordes, épris de culture slave, plus particulièrement
de musique tchèque, Pierre-Emile Barbier décidait à la demande de ses amis musiciens
tchèques de les produire en se substituant au label Supraphon emporté dans le tourbillon de la Révolution de Velours en 1989. D’autant qu’à cette époque
prolifèraient quantité d’ensembles de chambre à Prague et dans les régions tchèques. C’est ainsi que Barbier se prend à produire non seulement le Quatuor Pražák,
mais aussi les Quatuors Kocian, Párkányi,
Zemlinsky, les Trios Guarneri et Kinsky de Prague, le Prague Piano Duo, les
solistes Michal Kaňka,
Slávka Pěchočová qu’il enregistre dans un studio de Prague et qu’il met en
perspective avec d’illustres aînés des Quatuors Végh et Smetana et du Trio
David Oïstrakh notamment. Parallèlement à la musique de chambre enregistrée
avec les moyens techniques de pointe, le fondateur directeur artistique de
Praga crée au sein de son label la collection Réminiscences où il reprend des
captations de grands concerts pragois, comme ceux de Sviatoslav Richter, Arturo
Benedetti Michelangeli, Vaclav Neumann, la Philharmonie Tchèque, et des
enregistrements connus dans des transferts techniques de très grande qualité
qui magnifient l’essence artistique exceptionnelle de ces gravures, entre
autres de la contralto canadienne Maureen Forrester, et des chefs d'orchestre comme Wilhelm Furtwängler, Ferenc Fricsay, André
Cluytens, Ernest Ansermet, Igor Markevitch, Manuel Rosenthal…
Il est bien évident que ce
coffret est loin d’être exhaustif des trente ans d’histoire d’un label dont le
fondateur est mort en avril 2018 et qui compte un nombre phénoménal d’enregistrements de référence parmi les quelques quatre cent cinquante productions du catalogue,
mais la totalité de ceux qui ont été réunis pour la circonstance sont des merveilles absolues, avec des chefs-d'œuvre de Smetana, Dvořák, Janáček,
Suk, Martinů, Fišer,
Schulhoff, Sibelius, Debussy, Ravel, Bartók, Chostakovitch, Schönberg,
Schubert, Beethoven, Moussorgski, Mozart, Weber, Haydn, Brahms, Mendelssohn,
Honegger, Stravinski, Prokofiev, Tchaïkovski, Mahler, R. Strauss, Rachmaninov,
du solo à l’orchestre symphonique. Trente-cinq heures de musique fabuleuse sur trente CDs jouée par les interprètes les plus éblouissants de trente décennies proposés dans
des restitutions sonores les plus somptueuses. Une sorte de bilan à
garder précieusement tel un trésor présageant du retour de quantité de disques de premier
choix et de la pérennité de l’esprit d’exigence et de quête artistique absolue
d’un label élaboré avec amour par un fou de musique.
Bruno Serrou
30 CDs Praga Digitals PRD
250421/Little Trebica (article paru dans le quotidien La Croix du 19 décembre 2021)
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