Publier un CD tandis que la vente de disques à l’instar de celle du
livre est interdite tient de la gageure. C’est pourtant le défi qu'a relevé Adrien La Marca
Prodige de l’alto, instrument longtemps
considéré comme mineur face à son cousin violon, Adrien La Marca, son authentique champion, voit son deuxième CD paraître en plein second
confinement. « En fait, ce qui me contrarie le plus, dit le musicien, est
le report des concerts que je devais donner pour la parution de ce disque. Déjà
privé de concerts pendant trois mois au printemps dernier comme tous les
artistes, j’ai traversé comme eux une terrible période, avant de retrouver en
mai le chemin des salles, d’abord sans public, ce qui pour un musicien est le
comble de la frustration, la privation de ce contact vital étant pour nous comme
ne pas pouvoir boire ni manger. Mais si le premier confinement nous a
spoliés de tout concert, le second permet de répéter et de nous produire avec
d’autres artistes dans des salles certes vides mais pour un public qui se
trouve derrière des écrans. » Adrien La Marca reste néanmoins optimiste,
car après le déconfinement de mai, le public est revenu sans hésiter dans les
salles, au point que, malgré les contraintes sanitaires, il a fallu doubler les
concerts, « ce qui atteste de l’attente des gens ».
Né à Aix-en-Provence en 1989,
frère cadet du violoncelliste Christian-Pierre La Marca avec qui il dirige le
festival Les Musicales de Pommiers, proche du violoniste Renaud Capuçon avec
qui il se produit en musique de chambre, Adrien La Marca a commencé le piano à
quatre ans, le violon à cinq, avant de découvrir l’alto à six ans en écoutant
Yuri Bashmet sur le chaîne de télévision franco-allemande Arte un dimanche après-midi, fasciné par le son chaud et feutré de
l’instrument. « Tout en continuant à jouer du piano, je me suis présenté à
seize ans au concours d’entrée dans la classe d’alto du Conservatoire National
Supérieur de Musique et de Danse de Paris, au désespoir de ma professeur de
piano. » Longtemps sous-estimé car voué aux violonistes de second rang,
l’alto est devenu un instrument à part entière au XXe siècle.
« Ce n’est pas tout à fait exact, corrige Adrien La Marca. Beaucoup de
compositeurs ont écrit pour la viole d’amour, comme Jean-Sébastien Bach, Nicolo
Paganini a su le mettre en valeur. Il a néanmoins fallu il est vrai attendre
longtemps avant qu’il ait une classe au Conservatoire. Puis des virtuoses comme
Paul Hindemith et William Primrose lui ont donné ses titres de noblesse. »
Elève de Jean Sulem à Paris, de Tabea Zimmermann à Berlin et Tatjana Masurenko
à Leipzig, il a également travaillé avec Christophe Desjardins, qui l’a ouvert
à la création contemporaine et avec qui il a donné des concerts, notamment dans
le Trio d’altos d’Emanuel Nunes et
son arrangement pour altos de Messagesquisse
de Pierre Boulez.
Après un premier CD consacré à la
musique anglaise paru voilà quatre ans, Adrien La Marca, avec son deuxième
disque, enregistré avec l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège à l’issue d’une
résidence, conforte sa volonté de concevoir ses disques autour de thématiques. A
l’instar du titre « Heroes », il valorise la dimension héroïque de
l’alto, autour du grand Concerto que
William Walton lui a consacré, et un arrangement pour alto et orchestre du
chef, compositeur et orchestrateur Jean-Pierre Haeck de la suite Roméo et Juliette de Prokofiev qui
encadrent une œuvre au tour hollywoodien devant autant à Korngold qu’à John
Williams dédiée à Adrien La Marca, On the
Reel (Sur la bobine), commande de l’orchestre liégeois au compositeur belge
Gwenaël Mario Grisi (né en 1989).
Bruno Serrou
« Heroes », Walton,
Grisi, Prokofiev. Adrien La Marca (alto), Orchestre Philharmonique Royal de Liège,
Christian Arming (direction). 1CD La dolce volta (www.ladolcevolta.com)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire