Lille (Nord). Opéra. Vendredi 21 janier 2022
L’Opéra de Lille, sous l’impulsion de sa directrice Caroline Sonrier est réputé comme l’un des théâtres lyriques les plus créatifs de France.
Pour la seconde fois après La Métamorphose de Michael Levinas d’après Franz Kafka en 2011, le thème choisi plonge dans la métempsychose, cette fois à partir d’Ovide, avec Like flesh (Comme de la chair) sur un livret en anglais de Cordelia Lynn mis en musique par Sivan Eldar. Mis en scène par Silva Costa, cet opéra de chambre monté en coproduction (1) est donc porté par un trio de femmes. Seule exception, le chef d’orchestre, Maxime Pascal, sans doute parce que directeur de l’ensemble Le Balcon emblématique des musiques mixtes mêlant instruments acoustiques et l’électronique « live » de plus fidèle à l’Opéra de Lille à l’instar de l’ensemble Ictus… Un Ovide actualisé, puisqu’il s‘agit ici de dislocation des relations femme-homme à l’aune du réchauffement climatique.
Pour son premier opéra, la compositrice israélienne Sivan Eldar (née à Tel-Aviv en 1985), pianiste et chanteuse de formation, élève du compositeur français Franck Bedrossian à l’Université de Berkeley en Californie, elle a suivi le cursus de l’IRCAM à Paris avec le compositeur catalan Hèctor Parra avant d’y être mise en résidence en 2018, travaillant avec le réalisateur informatique musicale Augustin Muller, étroitement associé à la conception de Like flesh. Travaillant indifféremment avec des musiciens classiques et non classiques et des artistes du théâtre, de la danse et des arts visuels, elle dirige depuis 2019 à l’Opéra-Orchestre de Montpellier les ateliers de création d’opéras dits « émergeants ». Pour Like flesh, elle a collaboré pour la quatrième fois avec la dramaturge britannique Cordelia Lynn (née en 1989), qui lui a façonné un texte dont le personnage central, une femme prisonnière d’un mariage mouvementé avec un bûcheron, s’émeut de la destruction de la forêt. Une liaison avec une étudiante hébergée par le couple la métamorphose en arbre. Cette expérience lui ouvre la porte de la liberté, mais l’étudiante, qui aspire à la fusion, la meurtrit en gravant sur son tronc deux cœurs…
Comme souvent lorsqu’il s’agit d’électronique « live », celle-ci donne à entendre un son continu cantonné dans l’extrême grave du spectre qui engendre un climat menaçant pénétrant les corps, tandis que les treize instruments acoustiques instillent un peu de lumière au sein d’une musique liquide et obsédante. Aux trois personnages centraux se joignent six choristes qui incarnent la Forêt. Cette partie chorale est particulièrement fouillée, au point de constituer l’élément le plus inventif de l’œuvre, le trio de solistes, la contralto néerlandaise Helena Rasker (la Femme), le baryton britannique William Dazeley (le Forestier) et la soprano belge Juliette Allen (l’Etudiante) restant systématiquement dans le récitatif chanté. Maintenant le plateau constamment dans le noir, la mise en scène de Silvia Costa est plus plastique qu’illustrative d’une œuvre fort bien chantée et jouée par Le Balcon dirigé avec panache par Maxime Pascal.
Bruno Serrou
1) En coproduction avec les Opéras de Montpellier
(10-13 février 2022) et de Nancy (30 septembre 2022), et l’IRCAM. A Lille jusqu’au 28 janvier 2022. Rés. :
03.62.21.21.21. www.opera-lille.fr.
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