Annulée en 2020 pour cause de
confinement, la vingt-cinquième édition du Festival de Pâques de Deauville se
tient bel et bien ce printemps, mais sous forme réduite et sans public autre
que par le biais du streaming (1)
Deauville est bien léthargique sous le froid soleil de ce printemps 2021. La célèbre station balnéaire normande est quasi déserte. Sur la plage et les illustres planches peu de promeneurs, et moins encore dans le centre-ville. Peu d’hôtels ouverts, casino fermé à l’instar des restaurants, des magasins aux devantures luxueuses et des agences immobilières... Quelques cerfs-volants planent entre sable, ciel et mer, de rares véliplanchistes et de cavaliers s’égayent au bord de la mer… Un calme absolu, au cœur d’un week-end au mitan des vacances de printemps… Seuls quelques panneaux suggèrent que se tient cette année le Festival de Pâques créé en 1997 par Yves Petit de Voize sous l’égide de la Fondation Polignac, de la Ville de Deauville et du groupe Barrière, après un millésime de silence forcé. « L’Août Musical a pu se tenir en 2020, avec une jauge de deux-cents personnes, et cette année si tout va bien ce sera la XXe édition, prédit Yves Petit de Voize. Ainsi, avons-nous pu continuer à accueillir à la fondation des jeunes musiciens porteurs de projets, leur offrir un lieu pour travailler, une activité et de l’argent avec quarante concerts que nous produisons chaque année en France, poursuivi notre politique discographique. » Il en est ainsi depuis 1997, et les aînés, comme Renaud Capuçon, Nicolas Angelich, Jérôme Pernoo sont toujours là, parrainant les jeunes recrues et jouant avec elles, leurs noms, leur talent, leur réputation nous donnant la possibilité de programmer des œuvres peu connues. Depuis le début de la pandémie, l’association aide les artistes en payant les répétitions, ce qui leur permet de maintenir leur intermittence, même si les concerts publics sont annulés. « Ce qui nous revient cher, et tous les organisateurs ne le font pas, remarque Yves Petit de Voize. Mais notre rôle est de les soutenir en toute circonstance, même si les carrières ne suivent pas, car ils peuvent gratifier les plus jeunes de leur expérience. Nous les aidons à trouver un métier, à créer des ensembles. Ces solistes en herbe découvrent ici l’orchestre. Car, ayant généralement pour ambition à la sortie des Conservatoires de devenir solistes, ce qui est très difficile à réaliser, ils se tournent finalement dont ils découvrent ici les spécificités. » Ainsi, plusieurs musiciens passés par Deauville essaiment les orchestres comme les Philharmoniques de Berlin et de Vienne, le Concertgebouw d’Amsterdam, ou ont fondé des ensembles comme les Quatuors Modigliani, Ebène, le chœur Les Cris de Paris...
Les budgets ont été maintenus, les partenaires confortant leurs subsides, notamment la Ville de Deauville, dont le maire, Philippe Augier, consolide ses subventions dans un budget dont quinze pour cent sont alloués à la Culture. « L’Etat est très réactif, l’aide est disponible en deux semaines, la Ville de Deauville l’est aussi, se félicite Yves Petit de Voize. Seuls les sponsors sont absents, et comme ils représentent la moitié de nos ressources, nous sommes dans l’obligation de n’organiser qu’un demi-festival. » La préoccupation de l’association du festival liée au contexte pandémique est de veiller à ce que les musiciens n’aient pas à affronter les problèmes de leurs collègues anglo-saxons, britanniques et nord-américains. Les jeunes musiciens se débrouillent pour diffuser des concerts, comme le pianiste Ismaël Margain, qui a fondé avec des amis la plateforme RecitHall. « Les gens aiment les festivals, mais la part de la musique classique est très faible, s'inquiète Yves Petit de Voize. La notion même de culture fait débat, car même les intellectuels écoutent du rap, confondant culture et divertissement. Une menace sur la musique classique est toujours plus prégnante. La vie sera-t-elle comme avant, comme je le pense ? La menace qui pèse sur la musique est heureusement compensée par des artistes qui peuvent désormais, grâce à leur formation plus large qu’autrefois, faire autre chose si nécessaire car ils sont plus diplômés qu’autrefois. »
Le premier concert était donné par autant de solistes qui sont et ont été soutenu par le festival, avec deux œuvres majeures, le premier Trio avec piano de Franz Schubert et le sextuor à cordes La Nuit transfigurée d'Arnold Schönberg dans une ambiance de studio, l’espace étant occupé par caméras et micros, devant une douzaine de privilégiés (journalistes, maire, mécènes, membres de l’association). Cette absence de public engendre une ambiance hélas artificielle, concentrée mais froide, défaite de tout bruit parasite (on se met à regretter les raclements de gorge et les toux inopportuns, l’atmosphère étant celle d’un enregistrement studio. Néanmoins, la concentration s’est avérée difficile à l’écoute du Trio pour piano et cordes op.99/1 en raison d’un déséquilibre entre les codes (Pierre Fouchenneret, violon, Jérôme Pernoo, violoncelle) face à un piano (Jérôme Ducros) trop sonore, mais l’exécution ardente du sextuor La Nuit transfigurée op. 4 (Shuichi Okada, Pierre Fouchenneret, violons, Paul Zientara, Adrien La Marca, altos, Jérôme Pernoo et Jérémy Garbarg, violoncelles) a donné à la première des quatre soirées du Festival de Pâques une dimension bouleversante.
Bruno Serrou
Jusqu’au 8 mai 2021. www.musiqueadeauville.com. Concerts
diffusés en direct et en podcasts sur les Facebook de Deauville, (France)
3normandie, Festival de Pâques Août musical Deauville, sur les sites Internet 3normandie,
RecitHall, Festival de Pâques Août musical Deauville, la webradio music.aquarelle.
Les concerts des 24 et 25 avril sont retransmis en différé sur France Musique.
Vient de paraître en CD dans la collection « La Belle Saison Live »
le volume 9 de l’intégrale de la musique de chambre de Johannes Brahms consacré
aux Variations sur un thème de Haydn pour
deux pianos op. 56 B, et la Sonate pour deux pianos op. 34 B par Éric Le Sage et Théo
Fouchenneret (1CD B Records LBM 032)
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