Walter Levin (1924-2017). Photo : DR
Violoniste virtuose américain né
à Berlin le 6 décembre 1924, Walter Levin est mort à Chicago dimanche 6 août à
l’âge de 92 ans. Son héritage est immense, comme l’écrit Franck Chevalier,
altiste du Quatuor Diotima qui a annoncé hier la triste nouvelle.
Walter Levin (1924-2017). Photo : DR
Walter Levin était le premier
violon du célèbre LaSalle Quartet qu’il avait fondé en 1946 et qui s’était
dissout en 1988 après un demi-siècle d’activité. Connu pour ses interprétations
des quatuors de la Seconde Ecole de Vienne, Arnold Schönberg, Alban Berg et
Anton Webern, ainsi que du maître du premier, Alexander Zemlinsky, les LaSalle
se sont également imposés par leur lecture pénétrante des derniers quatuors de
Beethoven. Levin était aussi un professeur de réputation mondiale. Les plus
grands quatuors à cordes internationaux ont été ses élèves, parmi lesquels l’Alban
Berg Quartet, l’Arditti Quartet, les Quatuors Artis, Pražák, Vogler,
ainsi que la musique de chambre à des musiciens comme le pianiste chef d’orchestre
James Levine, le pianiste Stefan Litwin et le violoniste Christian Tetzlaff. Levin
a enseigné pendant trente-trois ans à l’Université de Cincinnati, où le LaSalle
Quartet était en résidence, ainsi qu’au Steans Institute du Festival Ravinia de
Chicago, à l’Académie de Musique de Bâle, ainsi qu’à celle de Lübeck, et
dispensait de nombreuses masterclasses, notamment à l’Académie ProQuartet de
Paris fondée par Georges Zeizel.
Walter Levin enfant. Photo : DR
Né à Berlin en 1924, il a
commencé le violon à l’âge de 4 ans, et devint à 5 ans l’élève de Jürgin Ronis,
disciple de Carl Flesh. A 13 ans, il se voit offrir la totalité de la littérature
pour quatuor d’archets, de Purcell à Schönberg, ce qui le conduit à vouloir s’attacher
au genre sa vie entière. Mais ses parents, mélomanes, l’emmènent aux concerts
et récitals des grands musiciens qui se produisent à Berlin, ainsi qu’à l’Opéra.
C’est le chant, opéra et lieder, qui l’intéresse le plus. Après la prise de
pouvoir par les nazis, ses parents l’inscrivent à l’Ecole Sioniste Theodor
Herzl, où il a parmi ses professeurs le musicologue Willi Apel. En décembre
1938, il émigre avec ses parents en Palestine. Il y rencontre le violoniste Bronislaw
Huberman et, surtout, le chef d’orchestre Hermann Scherchen, qui lui fait
découvrir la musique d’Arnold Schönberg. A Tel-Aviv, il fonde son premier
quatuor à cordes ainsi qu’un orchestre de jeunes.
Walter Levin. Photo : DR
A la fin de la Seconde Guerre
mondiale, il se rend aux Etats-Unis, et entre à la Juilliard School de New York
en février 1946. Elève d’Ivan Galamian, il le suit à la Meadowmount School of
Music jusqu’en 1953. Cette même année 1946, avec l’autorisation du directeur de
la Juilliard School, William Schuman, il fonde son deuxième Quatuor à cordes,
qui étudie avec la Juilliard Quartet nouvellement fondé et qui prendra bientôt
le nom LaSalle Quartet. En septembre 1948, il rencontre Henry Meyer tout juste
arrivé de France après avoir survécu aux camps de concentration et qui rejoint
le quatuor de Levin dont il devient le second violon jusqu’à la dissolution du
LaSalle Quartet.
Une masterclass de Walter Levin. Photo : DR
Levin et son LaSalle Quartet
obtiennent leur diplôme de la Juilliard School en 1949. Durant l’été, Levin et
Meyer sont rejoints par Peter Kamnitzer, qui sera l’altiste des LaSalle jusqu’en 1988. En
septembre 1949, ils sont mis en résidence au Colorado College de Colorado
Springs. Quatre ans plus tard, ils sont appelés comme résidents par le
Cincinnati College of Music de l’Université de Cincinnati. En 1955, Jack
Kirstein devient leur violoncelliste pour les vingt années suivantes et qui
sera remplacé en 1975 par Lee Fiser, élève de Lynn Harrell.
LaSalle Quartet à Cincinnati. Photo : DR
En 1954, les LaSalle font leur
première tournée européenne, et participent aux Cours d’été de Darmstadt. Suit
une série de commandes à des compositeurs comme György Ligeti, Witold
Lutoslawski, Luigi Nono, Krzysztof Penderecki, Henri Pousseur… Leur réputation
grandissante conduit en 1971 le label Deutsche Grammophon à signer avec eux un
contrat d’exclusivité. Naîtront ainsi l’intégrale des quatuors à cordes de la « Trinité
viennoise » (Schönberg, Berg, Webern), ainsi que celle de Zemlinsky qui
contribuera à la révélation internationale de ce compositeur juif autrichien mort
à New York dans l’anonymat en 1942.
Walter Levin (1924-2017) dispensant un cours. Photo : DR
Tout au long de sa vie, Levin se
sera consacré à l’enseignement. Cela dès ses années en Palestine, et même ses
quatre années d’études à la Juilliard School. Il est aussi à l’origine des séries
de concerts pour jeunes donnés par le LaSalle Quartet, formant les enfants des
écoles élémentaires aux arcanes du quatuor à cordes. Après la dissolution du
Quatuor LaSalle en 1988, Walter Levin choisit de continuer à enseigner l’art du
quatuor au Steans Institute de Ravinia, à l’Académie de Musique de Bâle, à l’Académie
de Musique de Lübeck et à ProQuartet à Paris. Parmi ces Quatuors, les Amaryllis,
Arco, Ardeo, Ariel, Arpeggione, Artemis, Basler, Benaïm, Bennewitz, Casals,
Castagneri, Debussy, Gémeaux, Kuss, Minguet, Pavel Haas, Pellegrini, Viktor
Ullmann, Zemlinsky...
Parmi les enregistrements du
LaSalle Quartet, tous ont une valeur inestimable. A commencer bien sûr par le
coffret de 4CD consacré à la Seconde Ecole de Vienne, le coffret de 2CD des
quatuors de Zemlinsky, le Trio à cordes et
le Quintette pour piano et cordes de
Webern, la Nuit transfigurée et l’Ode à Napoléon de Schönberg, le Quatuor n° 2 de Ligeti, le CD
Lutoslawski/Penderecki/Cage/Mayuzumi, les deux Quatuors de Brahms couplés avec celui d’Hugo
Wolf, les derniers quatuors de Beethoven, Fragmente-Stille
an Diotima de Nono, le tout chez DG. A lire, The LaSalle Quartet, Conversations with Walter Levin de Robert
Spruytenburg (Edition The Boydell Press).
Bruno Serrou
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