Paris. Philharmonie. Mercredi 18 octobre 2023
Depuis sa première apparition avec l’Orchestre de Paris en octobre 2021,
Nathalie Stutzmann est devenue une grande de la direction d’orchestre, de
celles dont les plus grandes institutions musicales internationales se
disputent la présence.
Depuis sa première prestation avec l’Orchestre de Paris, Nathalie Stutzmann, ex-contralto estimée dans le monde entier devenue chef d’orchestre en 2008, se forgeant un solide expérience en créant l’année suivante son propre ensemble, Orfeo 55, a été nommée directrice musicale de l’Orchestre Symphonique d’Atlanta, devenant la deuxième femme à diriger un grand orchestre américain, la première à avoir été invitée par l’Orchestre de Philadelphie, avant de faire ses débuts au Metropolitan Opera de New York dans la Flûte enchantée et Don Giovanni, avant d’être invitée pour la première fois au Festival de Bayreuth pour y diriger Tannhäuser qu’elle reprendra l’été prochain.
Deux ans après une Symphonie n° 5 de Tchaïkovski tendue jusqu’à la déchirure, menée avec l’énergie du désespoir, Nathalie Stutzmann a retrouvé la phalange parisienne dans une symphonie célébrant la nature et les verts pâturages, avec la Symphonie n° 6 en fa majeur « Pastorale » op. 68 (1807-1808), la symphonie paire la plus développée et la plus jouée de Beethoven. Œuvre programmatique et descriptive, elle préfigure la symphonie à programme qu’Hector Berlioz reprendra à son compte ainsi que le poème symphonique que Liszt allait développer. Chef profondément enracinée dans le théâtre lyrique à la tête d’un orchestre virtuose, Nathalie Stutzmann a donné de cette partition toutes les dimensions dramatiques et champêtres dont le point culminant a été un impressionnant orage, tandis que bois et cuivres ont rivalisé de panache et de jouissance sonore.
La première partie était entièrement russe, avec deux des compositeurs qui eurent le plus à souffrir du stalinisme, commençant par l’Ouverture sur des thèmes juifs op. 34b composée en 1920 pour piano par Serge Prokofiev au début de son exil aux Etats-Unis et qui l’orchestra en 1934 après son retour en Russie bien qu’il n’appréciait guère ces pages qui connurent malgré lui le succès. Beaucoup plus couru, le Concerto n° 1 pour violoncelle et orchestre en mi bémol majeur op. 107 que Dimitri Chostakovitch composa en 1959 pour Mstislav Rostropovitch en quatre mouvements, les trois derniers s’enchaînant sans pause. L’œuvre en son entier est dominée par le thème de Dimitri Chostakovitch dans sa transcription allemande DSCH (ré - mi bémol - do - si), tandis que le compositeur reprend l’une des mélodies favorites de Staline connue sous le nom Suliko, en la distordant de façon lugubre et violemment ironique, démontrant ainsi que, cinq ans après la mort de son tortionnaire, il était loin de lui avoir pardonné… Confiée au violoncelliste britannique Sheku Kanneh-Mason devenu subitement quasi universellement connu à la suite de sa participation à un mariage princier diffusé en mondovision, la partie soliste de l’œuvre est apparue trop sage et lustrée, manquant singulièrement de violence, de tragique, d’humour acerbe, en un mot de caractère, malgré les efforts de Nathalie Stutzmann et de l’Orchestre de Paris, qui a pour sa part brillé de ses sonorités de braise. En bis, le violoncelliste a donné une Mélodie apathique de son cru.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire