samedi 29 mai 2021

Premières vibrations musicales post-confinement à Bordeaux avec un nouveau festival, Vibres!, conçu et animé par le Quatuor Modigliani

Affiche du festival Vibre! sur l'une des devantures de la librairie Mollat, l'un des lieux d'accueuil de la manifestation. Photo : (c) Bruno Serrou

Premier concert post-confinement le 20 mai dernier à Bordeaux en ouverture du nouveau festival Vibre!, présage prometteur pour cette jeune manifestation

Le Quatuor Modigliani lors du concert d'ouverture de son festival, Vibre! friche Darwin. Photo : (c) Bruno Serrou

Bordeaux s’offre ce printemps un festival inédit, émanation du concours de quatuors à cordes dirigé par Julien Kiefer et le Quatuor Modigliani, l’un des fers de lance de ce type de formation réputé élitiste dans lequel les instrumentistes à cordes français excellent. Le plaisir du public bordelais est évident, vus les yeux ragaillardis sortant des visages règlementairement masqués qui trahissent la joie de retrouver des artistes jouant face à eux.

Le Duo Chloé et Vassilena Serafimova. Photo : (c) Bruno Serrou

Désormais triennal, alternant avec les concours de Reggio Emilia et de Londres, le Concours international de Quatuor à cordes de Bordeaux(1) fondé en 1999, héritier du Concours d’Evian, programme sous son égide une manifestation prévue entre chaque édition. Initiée en 2020, il a fallu reporter d’un an la première édition, sauvée in extremis par la levée du second confinement la veille du premier concert…

Le Quatuor Modigliani entouré par les danseurs Tamara et Fernando. Photo : (c) Bruno Serrou

« L’objet du festival, dit son directeur Julien Kieffer, est de propager la musique vers un large public en démontrant son accessibilité, loin de l’élitisme dont on l’affuble trop systématiquement. » A cette fin, Vibre! entend programmer tout mode d’expression musicale et diversifier les lieux de concerts, salles dédiées comme l’Opéra et l’Auditorium de Bordeaux, mais aussi théâtres, centres culturels, salles polyvalentes, friches industrielles, châteaux, commerces comme la librairie Mollat... Autre mission, intrinsèque au concours, la primauté donnée aux jeunes musiciens, qu’ils soient en formation, en préparation de concours ou en début de carrière. « C’est capital, assure Laurent Marfaing, altiste du Quatuor Modigliani, surtout après ces deux saisons particulièrement difficiles pour les artistes en début de carrière. C’est pourquoi, malgré l’annulation, les musiciens invités en 2020 ont été gratifiés de la totalité de leur cachet. » 

Bordeaux, rive droite, Friche Darwin. Photo : (c) Bruno Serrou

L’édition 2021 s’est ouverte friches Darwin, espace culturel de la rive droite de la Garonne en réhabilitation. Malgré la jauge réduite au tiers de la capacité, le public a pu déambuler entre deux performances, picorant à volonté dans un melting-pot de musiques savante (Ravel) et populaire (percussion électronique). Le Quatuor de Ravel joué avec élan par les Modigliani tandis qu’un couple de danseurs, Tamara et Fernando, contait une histoire d’amour adaptée à l’œuvre de Ravel, prestation suivie d’une interminable pièce pour piano de Philip Glass jouée par Francesco Tristano incitant le public hétéroclite à se dodeliner sur ses chaises, et un long happening de deux percussionnistes, Chloé et Vassilena Serafimova.


Master class du Quatuor Modigliani dispensée au Quatuor Agate. Photo : (c) Bruno Serrou

Outre concerts et conférences, et conformément à sa source, Vibre! est le cadre de master classes publiques de quatuors à cordes animées par chaque musicien du Modigliani. Cette année, trois ensembles, les Quatuors Mona, Agate et Barbican, en vue du Concours de Reggio Emilia de septembre, tandis que le Quatuor Modigliani donnera en cinq concerts à partir du 18 septembre prochain jusqu'au 11 mai 2022 dans le département de la Gironde l'intégrale des Quatuors à cordes de Schubert.

Bruno Serrou

Jusqu’au 8 juin. Renseignements/réservations : https://quatuorsabordeaux.com/festival. 1) prochaine édition du concours en mai 2022

mardi 25 mai 2021

Ching-Lien Wu, portrait et entretien avec la nouvelle cheffe de chœur de l’Opéra de Paris

Chng-Lien Wu (née en 1959), cheffe de choeur de l'Opéra national de Paris. Photo : (c) Opéra national de Paris

L’Opéra de Paris a nommé au poste clef de chef de chœur la Taïwanaise Ching-Lien Wu. Professionnelle aguerrie, elle va former un binôme de premier plan avec le chef d'orchestre vénézuélien Gustavo Dudamel

Adepte du travail au long cours, Chin-Lien Wu a porté au sommet les chœurs des Opéras du Rhin, de Genève et d’Amsterdam. Pianiste de formation, c’est comme répétitrice qu’elle a abordé le métier de chef de chœur. « A 6 ans, je chantais dans la maîtrise de mon collège catholique. Je me destinais au piano, mais j’adorais le chant liturgique. » Née à Taïwan en 1959 de parents mélomanes, elle poursuit ses études musicales à l’académie et à l’université de Taipei. « Je me préparais à me perfectionner aux Etats-Unis quand le gouvernement taïwanais a offert des bourses d’études en France. Mon professeur de piano m’a poussée à postuler, me rappelant que l’Europe est le foyer de la musique occidentale. »

C’est ainsi que Ching-Lien Wu se retrouve à Paris en 1981. Elle s’inscrit à l’Ecole Normale de Musique en piano et à l’Institut Catholique en direction de chœur. En 1982, elle est élève de Bernard Têtu au CNSMD de Lyon. « Les 4 ans que j’y ai passés ont été extraordinaires, histoire de l’art, peinture, architecture, poésie, sociologie, pédagogie, psychologie, physiologie vocale... » Elle suit aussi les cours de direction d’orchestre et se perfectionne avec Helmuth Rilling à Stuttgart et Michael Gielen à Salzbourg. En 1986, à l’Opéra de Lyon, elle assiste le chef de chœur Günter Wagner dans Aïda. Alors qu’elle enseigne le chant choral au Conservatoire d’Orléans, elle est appelée à l’Opéra de Nantes par Wagner, qui l’engage au Capitole de Toulouse. En 1991, elle se présente au concours de chef de chœur de l’Opéra du Rhin. « Quand on dirige des chœurs on parle a capella, oratorios, messes. Or, à Nantes ce n’était que de l’opéra ! A Strasbourg, M. Spielman programmant des œuvres inconnues, j’ai dû recommencer l’étude de nouvelles partitions… » Puis ce fut Genève, Amsterdam…

Le fait d’être la première femme chef de chœur titulaire de l’Opéra de Paris n’est pas un sujet en soi. « Je ne me pose pas cette question quand je dirige. Il faut de toute façon une première fois. C’est moi qui ouvre la porte, ce qui m’honore. Je remercie M. Alexander Neef de m’avoir donné cette chance. Je n’ai pas postulé, j’ai été choisie par M. Neef qui m’a entendue dans des productions de l’Opéra de Hollande. » L’Opéra de Paris est le premier théâtre lyrique de répertoire à l’engager. « Une nouvelle façon de travailler. Dans les stagione vous avez le temps de fignoler jusqu’à la moindre croche, exiger un raccord avant une représentation. Ici c’est impossible. A Strasbourg j’avais 46 choristes, à Paris 102. Ma façon de voir les choses va évoluer et je tiens à garder une vraie fraîcheur. » La première production dont elle a la charge est Œdipe d’Enesco, ouvrage qui fait avec elle son retour en septembre au répertoire de l’Opéra de Paris où il a été créé en 1936.

Bruno Serrou

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Ching-Lien Wu. Photo : DR

Entretien avec Ching-Lien Wu, cheffe du Chœur de l’Opéra de Paris

Bruno Serrou : Evacuons sans attendre la question rituelle posée à toute cheffe d’orchestre ou de chœur… Le fait d’être femme a-t-il interféré dans votre carrière ?

Ching-Lien Wu : Quand il s'agit de diriger une œuvre, il n’y a pas à se demander si l’on est femme ou homme ! En tout cas, ce n’est pas une question que je me pose. Bien sûr, depuis l’Opéra de Strasbourg où je travaillais dans les années 1990-2000, il y avait des moments où avec certains chefs ou certains metteurs en scène je ne comprenais pas pourquoi rien ne marchait bien. Je mettais cela sur le compte de sensibilités divergeantes. Si c’est à cause du fait d’être femme que le travail ne marche pas bien ou le contraire, que pouvons-nous faire ? Rien ! Si ce n'est éviter le plus possible de conflits pour que le travail se fasse au mieux. Vous ne pouvez pas faire grand-chose d’autre…

B. S. : Taïwanaise, comment êtes-vous venue à la musique occidentale ?

C.-L. W : J’ai découvert la musique grâce à mes parents, eux-mêmes mélomanes. Mon père, haut fonctionnaire, et ma mère, professeur d’anglais, possédaient beaucoup de disques à la maison. J’étais bercée par les lieder de Schubert par Dietrich Fischer-Dieskau, les sonates de Beethoven par Daniel Barenboïm, quantité d’enregistrements des Berliner Philharmoniker dirigés par les chefs les plus fameux… A 4 ans, pour mon entrée en classe maternelle, ils m’ont inscrite dans une école catholique de Taipei connue pour former les futurs musiciens professionnels taïwanais. Il y avait donc là des classes à horaires aménagés spécialisées musique. Dès l’âge de 6 ans j’étais dans le chœur d’enfants, et j’ai commencé à faire vraiment de la musique par le piano. Durant toutes les pauses et les récréations, les maîtres diffusaient de la musique classique, . Nous avions des cours de solfège, pour les plus petits une heure par semaine, et plus nous grandissions plus nous avions d’heures de cours de théorie, avec des plages de pratique instrumentale surveillées. Cette discipline typiquement orientale m’a beaucoup aidée en établissant une base très solide et un amour immodéré pour la musique.

B. S. : Pourquoi selon vous les pays d’Extrême-Orient sont-ils si épris de musique occidentale, contrairement à l’Afrique, par exemple ?

C.-L. W : Je mettrais cela sur le compte de culture dominante. Quand les pays asiatiques ont perdu la guerre contre les Occidentaux, à la fin du XVIIIe siècle, huit nations ont occupé nos pays. Or, chez nous, ce qui vient de l’étranger est considéré comme des objets rares. En plus, ces conquérants ont gagné la guerre, donc, je pense, vue l’histoire… Mais pourquoi pas en Afrique, ou au Vietnam, au Laos qui ont longtemps été sous domination française ? Peut-être parce que lorsqu’il s’agissait de colonisations il y avait quelque chose d’établi, une hiérarchie régnants-régnés, mais pas en Chine, pas en Corée, pas au Japon. Et cela est valable pour tous les modes d’expression artistique. Par exemple, la peinture chinoise de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe était très influencée par la perspective, ce qu’il n’y avait pas dans la peinture traditionnelle. Le fait de remplir la totalirté d'un tableau est un concept occidental, dans les traditions chinoise, japonaise, coréenne l’artiste peintre doit laisser beaucoup de blanc, mais après le milieu du  XIXe siècle les tableaux se remplissent. Pourquoi ? C’est l’Occident (rires).

B. S. : Vous avez fait vos études au conservatoire de Taipei, puis vous êtes venue en France. Pourquoi avez-vous choisi l’Ecole Normale de Musique à Paris puis le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon ?

C.-L. W : Beaucoup de choses qui se sont passées dans ma vie sont dues au hasard, à des concours de circonstance. A mon époque, dans cette école catholique dont j’étais élève, il était bon de faire des études musicales parce que la musique est une école de rigueur et de culture. Mais c’était aussi pour avoir un outil professionnel dans l’avenir. Mais pour mes parents malgré tout ce n’était pas un métier normal. J’ai aussi été très influencée par cette école où je suis restée neuf ans. J'y suivais les messes en latin, toutes les semaines je chantais dans la chorale, cela de 6 à 15 ans. Par la suite, je suis entrée dans un college, en fait le lycée où j’ai passé trois ans auxquels se sont ajoutées dans le même établissement deux ans d’université, soit un cycle de cinq ans requis pour la formation des professionnels de la musique. Tout à fait par hasard, au moment où il était prévu de parfaire mes études à l’étranger, tandis qu’habituellement les étudiants choisissaient les Etats-Unis d’Amérique - ce qui était aussi mon projet initial -, l'un de mes professeurs, qui était chef d’orchestre et compositeur et qui revenait du Mozarteum de Salzbourg a par hasard remplacé mon professeur de piano titulaire. Il m’a entendue jouer quelques pages, il m’a arrêtée et il m’a dit : « Tu ne vas pas jouer du piano toute ta vie. Ecoute, à partir de demain je te donne des cours de direction d’orchestre. » Je commence donc à prendre des leçons de théorie, de gestique, d’analyse de partitions… Nous avons commencé par des opéras, nous arrêtant longuement sur la façon de diriger les récitatifs. Après, il m’a proposé de le rejoindre à la radio, me suggérant de devenir pianiste du chœur, parce qu’il était difficile d’avoir accès à un orchestre pour le diriger. Je tenais donc le piano, et j’en profitais pour le regarder travailler avec les choristes. J’ai ainsi pu voir quantité de chefs travailler, chœur et orchestre réunis. Tandis que j’avais commencé à enseigner le chant choral pour vivre, il a décrété que je n’allais pas le faire toute ma vie, et il m’a demandé ce que je voulais faire. J’avais alors toujours l’idée d’étudier aux Etats-Unis... Il m’a dit « D’accord, mais n’as-tu pas entendu que la France offre quatre bourses à de jeunes musiciens taïwanais ? »… Il pensait toujours que je devais être chef d’orchestre, et le gouvernement français offrait en effet quatre bourses, direction de chœur, théorie musicale, cor et chant. « Il y a la direction de chœur, vas-y ! » J’ai insisté sur le fait que je pensais aux Etats-Unis… Ce à quoi il m’a rétorqué : « Les Etats-Unis ? L’Europe, c'est là l’origine de la musique occidentale. Pourquoi veux-tu aller aux Etats-Unis ? Passe le concours, tu vas là-bas, tu travailles la direction de chœur et tu en profites pour faire aussi la direction d’orchestre. » Face à son insistance, j’ai passé le concours et je l’ai remporté… Je suis rentrée à la maison, j’ai annoncé à mes parents que je n’irai pas aux Etats-Unis mais en France. Ma mère, qui je vous le rappelle était professeur d’anglais, avait appris le français dans sa jeunesse. Elle a donc commencé à me parler en français. J’ai pris six mois de cours de français intensif à l’Alliance française, et je suis partie en France. Une fois sur place, je me suis rendue compte que le peu de français appris à Taïwan n’était nettement pas suffisant. J’ai bien nagé au début... Les Français n’aiment pas parler anglais devant les autres, ce qui m’a obligée à faire des efforts en français plus vite.

B. S. : Comment votre installation en France s’est-elle passée ?

C.-L. W. : A mon arrivée en France en 1981, je me suis installée dans un premier temps à Paris, conformément à ce que spécifiait ma bourse, qui était en revanche sans conservatoire précis. « Vous prenez tous les cours que vous voulez, vous êtes logée, nourrie », m’avait-on dit à Taipei. J’ai décidé de m’inscrire à la fois à l’Ecole Normale de Musique pour le piano et à l’Institut Catholique pour la direction de chœur. J’ai ainsi pu travailler le répertoire choral liturgique. Au bout d’un an, j’ai passé le concours du CNSMDL de Lyon où je suis entrée. Mon professeur était Bernard Têtu, avec qui j’ai étudié quatre ans et j’ai pu me familiariser à l’histoire de l’Art roman, à la peinture, la poésie, la sociologie, la pédagogie, la psychologie. Un cursus extraordinaire, vraiment complet. J’ai même eu des cours de physiologie de la voix qui me servent énormément depuis. Je prenais aussi des cours de direction d’orchestre avec Jean-Sébastien Béraud. Chaque été j’ai suivi des masterclasses dans diverses académies européennes, par exemples celles d’Helmuth Rilling à la Bach Akademie de Stuttgart, et celles de Michael Gielen à Salzbourg.

B. S. : Qu’avez-vous glané auprès de ces deux grands chefs d’orchestre ?

C.-L. W. : De Helmuth Rilling j’ai appris quelque chose de fondamental. « Tu as entendu ce qu’ils ont joué m’a-t-il questionné un jour ? Es-tu sûre que ce que tu leur as demandé est mieux que ce qu’ils t’ont proposé ? Refais-le une fois et écoute. » Oui, il n’avait pas tort, ce que je voulais demander à côté de ce qu’ils ont joué, ce n’était même pas la peine de le demander. Tant et si bien qu’il m’a dit : « La prochaine fois que tu seras devant un ensemble écoute d’abord, tu peux comprendre plein de choses, cela va enrichir dans tes propres idées. » Il avait tout à fait raison. Il y a tout à écouter, des phrasés, des violons qui ne jouent pas de la même façon… « Mais lequel préfères-tu ? Par exemple le phrasé de tel violon n’est pas le même que celui qui est le plus proche de celui que tu as en tête, lequel est à prendre ? Lequel est à laisser ?... » On est là, on ne se jette pas dans notre interprétation, mais on est là, on prend un peu de distance et c’est très intéressant. C’est la symbiose de l’orchestre et du chef qui fait l’interprétation.

B. S. : Qu’est-ce qui vous a conduite à l’Opéra de Nantes, après le Conservatoire de Lyon ?

C-.L. W. : Un autre concours de circonstances. Quand j’ai remporté mon prix du Conservatoire, en 1986, l’Opéra de Lyon n’avait pas de chef de chœur. Basée à Lyon, je voyageais partout à la recherche d'un emploi. A l’époque, l’Opéra de Lyon ne faisait appel qu'à des chefs de chœur invités. L’un d’eux a demandé un assistant qui joue du piano. C’était Gunter Wagner, qui vait la responsabilité de cette production d’Aïda de Verdi dirigée par Semyon Bychkov. Jean-Pierre Brossman, directeur de l’Opéra de Lyon, a demandé à Gilbert Amy, directeur du CNSMDL, s’il se trouvait parmi ses élèves un chef de chant qui puisse faire l’affaire. « Non, je ne donne pas un élève mais quelqu’un qui a eu son diplôme. » J’avais remporté le premier prix et nous n’étions que deux pianistes à l’avoir obtenu, M. Amy m’a choisie. Je suis assez timide, je ne sais pas faire de relationnel... Une fois les répétitions terminées, j’ai remercié Gunter Wagner en lui disant que j’avais beaucoup appris à son contact. Et j’ai continué à chercher du travail... Deux ans plus tard, j’ai suivi une masterclass du chef de chœur suédois Erik Erikson. Quelqu’un dans le public m’a entendue et vue diriger, et il m’a suggérée à Jean-Marc Cochereau, qui dirigeait le Conservatoire d’Orléans. Je suis allée enseigner dans ce conservatoire, et un an plus tard j’ai reçu un appel téléphonique de Gunter Wagner. Il m’a demandé : « Que faites-vous en ce moment ? » - « J’enseigne le chant choral à Orléans », lui répondis-je. - « Oh, mais vous allez gaspiller votre vie, vous n’allez pas rester dans un conservatoire à enseigner toute votre vie ! J’ai besoin d’un pianiste à Nantes. Sais-tu encore jouer du piano ? » - « Oui ! » - « Alors prépare quelque chose et viens passer une audition, mais je ne peux pas garantir que tu seras engagée, viens quand même passer l’audition ! » J’y suis allée et  j’ai eu le poste. C’était l’époque de Marc Soustrot, qui dirigerait l’Orchestre National des Pays de la Loire. Je suis restée un an à Nantes comme pianiste du chœur. L’année suivante, Gunter Wagner a été nommé chef de chœur du Théâtre du Capitole de Toulouse. Il m’a proposé de le suivre comme assistante. Je passé un an à Toulouse avec lui, puis il a suivi Nicolas Joël, directeur du Capitole, à l’Opéra de Paris. Avant de partir, il a précisé sur mon contrat que je devais rester à Toulouse, même s’il en partait. En fait, je n’étais pas très contente de cette situation parce que  soit j’aurais aimé passer chef de chœur titulaire soit le suivre. J’étais en train de parcourir un journal professionnel lorsque j’y ai trouvé une annonce de l’Opéra du Rhin qui recrutait un chef de chœur. J’ai passé l’audition et je l’ai remportée. En 1991, Laurent Spielman, son directeur, voulait donner leur chance à des jeunes. A cette fin, il a passé une annonce de concours. Je suis restée dix ans à l’Opéra du Rhin, mon premier poste de chef titulaire.

B. S. : Comment avez-vous acquis votre répertoire ?

C.-L. W. : Je l’ai principalement découvert à Nantes. Quand on dirige des chœurs on parle de a capella, oratorios, messes, et la première année à Nantes ce n’était que de l’opéra. De plus, il m’a fallu retravailler sérieusement le piano. Cette année-là, je crois que je ne vivais que dans l’enceinte de l’Opéra. Les premières années, il m’a fallu être opérationnelle immédiatement. J’ai écouté tout ce que je pouvais trouver comme disques, lire le plus de partitions que je pouvais trouver au point d’habiter carrément dans la bibliothèque du théâtre Graslin. A Strasbourg la même chose. Laurent Spielman ne programmait que des ouvrages inconnus, il me fallait donc recommencer à fouiller dans les partitions, les disques… J’ai travaillé des œuvres que peu de mes confrères ont eu la chance de diriger, comme Les Voyages de Monsieur Broucek de Leos Janacek, que j’ai refait à Genève, ou Juliette ou la clef des songes de Bohuslav Martinu…

B. S. : Jusqu’à il y a peu, vous avez essentiellement travaillé dans des théâtres d’opéra stagione (saison), maintenant, à l’Opéra de Paris, vous serez davantage dans le répertoire, même si vous commencez par une œuvre rare, Œdipe d’Enesco...

C.-L. W. : Cela va être en effet pour moi une nouvelle façon de travailler. Dans les théâtres stagione, vous avez le temps de fignoler la moindre croche, la plus petite double croche, vous pouvez exiger un raccord avant chaque représentation. Ici c’est impossible. Ma façon de travailler doit donc changer. La façon de regarder les choses aussi. Mais j’aime le changement. Donc, ça devrait aller. J’adore regarder les détails, et si je veux continuer à les regarder, comment dois-je faire ? La fraîcheur, tel est le secret ! A Strasbourg, j’avais quarante-six choristes, ici il y en a cent deux... L’effectif le plus grand avec lequel j’ai travaillé jusqu’à présent était à Genève et à Amsterdam, parce que les plateaux sont grands, mais nous devions travailler régulièrement avec des surnuméraires.

B. S. : L’Opéra d’Amsterdam, qui à l’époque où vous y étiez était dirigé par Pierre Audi, a pour particularité de ne pas avoir d’orchestre qui lui est propre. Comment cela se passait-il ?

C.-L. W. : J’ai passé sept ans à l’Opéra Amsterdam. Le contrat le plus court depuis le début de ma carrière de chef titulaire. Cinq ans avec Pierre Audi et deux ans avec Sophie de Lint. En effet, l'Opéra d'Amsterdam a pour particularité de na pas avoir d'orchestre attitré. L'Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam participe à une production par an, celui de Rotterdam se produit davantage, ainsi que La Résidence de La Haye… Mais je travaillais surtout avec le Neederlands Philharmonic dirigé à l’époque par Hartmut Haenchen, Mark Albrecht et Lorenzo Viotti. Il y avait même des orchestres invités pour le répertoire baroque… C’est très agréable pour un chef de chœur de travailler ainsi avec plusieurs orchestres et plusieurs chefs, car cela permet d’entendre différentes couleurs, exigences sonores, écoutes, façons de travailler....

B. S. : Qu’est-il demandé à un choriste d’opéra de plus qu’à un choriste d’autres répertoires ?

C.-L. W. : Il doit jouer sur scène. Il faut donc que la musique soit complétement habitée dans son corps. Une fois cela acquis, le corps peut être libre. Sinon, si vous vous demandez si la phrase suivante est piano ou forte, le corps va rester là, figé, bloqué. Si vraiment tout est là, si même quand vous dormez vous chantez juste, dans ce cas le corps est libre. Vous pouvez faire tout ce que le metteur en scène demande et la musique sera toujours là. Il y a pas mal de metteurs en scène qui sont très attentifs à créer des personnages individuels au sein du chœur, il faut donc bien sonder les choristes pour pouvoir leur proposer ensuite les personnages qui leur conviennent. C’est génial ! Cela peut prendre un peu de temps au début mais le résultat sera très vivant. D’autres metteurs en scène taillent les chœurs par masses, c’est-à-dire tel un groupe un chœur grec. Les deux sont intéressants, un intérêt qui dépend de ce que l’on en fait.

B. S. : Comment travaille un chef de chœur ?

C. L. W. : Il doit savoir comment arriver à mener un ouvrage par cœur tout en restant flexible, souple. Personne n’est une machine. Il n’y a pas de chef d’orchestre qui soit capable de garder le même tempo pendant plusieurs jours, et comme les artistes du chœur vont jouer, courir sur scène, il convient de voir comment on arrive à trouver un moyen pour qu’ils restent flexibles tout en sachant tout par cœur et en restant homogènes, sans décalages. Pour un chœur de concerts il est peut-être plus facile de s’entendre, mais une fois que l’on est lâché sur scène, très souvent on n’entend pas ses collègues. Très souvent, on doit chanter ensemble quand on est très loin les uns des autres. Comment arriver à synchroniser le tout ? L’important est de savoir comment les choristes vont réagir sur une battue. Si l’on a une même manière de respirer, d’arriver ensemble, après il faut imaginer quand ils sont à différentes distances, divers niveaux de la scène comment ce qu’ils vont chanter va pouvoir arriver en même temps sur le devant de la scène jusqu’au chef d’orchestre dans la fosse. En fait, les choristes qui sont loin doivent être conscients qu’il leur faut anticiper, et ceux qui sont près il leur suffit de faire de telle façon. Quand les yeux et la tête fonctionnent ensemble, normalement, si l’on prend conscience de ces différences, cela marche bien. L’écoute qu’ils ont développée dans le studio lorsqu’ils travaillent avant les premières répétitions scéniques demeure, la tête va donc rechercher cet acquis, après il leur faut garder la même façon de réagir aux battues du chef, ce qui est simple, car s’ils ont la même manière d’agir et réagir, ces contraintes ne posent pas de problèmes.

B. S. : Pendant la représentation, où vous tenez vous ?

C.-L. W. : Il y a deux manières de faire selon mon expérience. Soit les choses sont très compliquées, par exemple des mises en scène ou des décors où ils ne voient ni le chef d’orchestre ni les moniteurs, dans ce cas il m’est arrivé (très peu) de me mettre sur les tours des projecteurs avec une lampe pour les aider. Il m’est aussi arrivé de me mettre sur les côtés pour écouter la scène, mais très souvent je vais dans la salle parce que c’est là que le spectateur écoute, c’est là que l’on se rend compte des difficultés ou des choses qui ne vont pas dans la salle. Quand on écoute sur scène on va dire « oh, ce piano-là n’est pas bien, mais peut-être dans la salle il est super. » Ecouter sur scène est une chose, mais écouter depuis la salle est beaucoup plus utile.  Quand on dirige un oratorio, on dirige tout, quand on dirige un chœur dans un opéra on ne dirige pas. J’aime le théâtre, j’aime regarder les gens jouer, c’est donc pour moi beaucoup plus passionnant de travailler dans un Opéra. Ma vie c’est le théâtre, mais j’aime aussi diriger la musique pure. C’est pourquoi j’avais mon propre ensemble à Genève avec lequel j’ai travaillé dix ans, jusqu’à mon départ pour Amsterdam.

B. S. : Que vous a apporté dans le développement de votre carrière le fait d’avoir été éduquée dans des établissements scolaires catholiques ?

C.-L. W. : Quand j’interprète une œuvre liturgique, je ne la regarde pas avec les mêmes yeux. Le fait d’être passée par cette école catholique, vous croyez à ce que vous chantez et dirigez dans une messe. Le texte de la messe, un Kyrie, même un Gloria, un Credo, vous pouvez le considérer comme de la liturgie, de la littérature, ce n’est pas uniquement un texte, ce n’est pas uniquement la Bible, il y a autre chose qui est là, il y a toute une spiritualité. On a toujours le moyen de rendre passionnant un Credo, le moment le plus important de la messe, il y a beaucoup de texte dedans, et très souvent le compositeur écrit sur les mêmes accords, ce qui permet à l’interprète de rendre les choses intéressantes et sincères. Je pense que le fait d’avoir passé pratiquement toute mon enfance et mon adolescence dans une école catholique, mes souvenirs de m’être chamaillée avec les religieuses apporte cette conscience de la liturgie. De douze à quinze ans j’étais pensionnaire, et parmi les sœurs qui nous gardaient, il y avait des musiciennes, mais le plus souvent elles ne l’étaient pas, mais cette diversité ajoute quelque chose dans la formation.

B. S. : Le fait d’être la première femme chef de chœur à l’Opéra de Paris vous importe-t-il ?

C.-L. W. : (Rires.) J’en suis très honorée. Les temps changent, je suis donc très honorée d’être là. Il fallait de toute façon une première. Et c’est moi qu’il revient d’ouvrir la porte. C’est un honneur. Et Je remercie Alexander Neef de m’avoir donné cette chance au bout de trois cent cinquante ans d’existence de l’Opéra de Paris. J’ai été nommée à partir d’une liste de chefs de chœur. Alexander Neef m’avait entendue dans des productions d’Amsterdam, mais je n’ai pas postulé.

Recueilli par Bruno Serrou, paris le 17 mai 2021, Opéra Bastille

lundi 24 mai 2021

Mort du compositeur espagnol Cristóbal Halffter (1930-2021)

 

Cristóbal Halffter (1930-2020). Photo : DR

Figure majeure de la musique contemporaine en Espagne, Cristóbal Halffter s’est éteint dimanche 23 mai 2021 dans sa demeure de Villafranca de Bierzo dans la province espagnole de Castille-et-León. Membre fondateur en 1951 du groupe Generación del 51 aux côté de Luis de Pablo, Carmelo Bernaola Joan Guinjoan, Tomas Marco et Ramón Barce, il est l’un des créateurs espagnols les plus influents du XXe siècle. Il avait 91 ans.

Né le 24 mars 1930 dans une famille de musiciens, dont deux compositeurs de renom, ses oncles Ernesto Halffter (1905-1989) et Rodolfo Halffter Escriche (1900-1987), il se réfugie en Allemagne en 1936 avec ses parents, qui fuient la guerre civile en 1936. Trois ans plus tard, il retourne à Madrid. Il étudie la composition au Conservatoire de la capitale espagnole dans la classe de Conrado del Sol. Il suit également des cours auprès d’André Jolivet et d’Alexandre Tansman, et voyage à travers l’Europe à la rencontre de Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio, Bruno Maderna... Avec ses amis de la Generación 51 qui terminent leurs études en 1951 (sa première œuvre, Scherzo, est créée cette année-là), il publie un manifeste prônant l’ouverture sur les musiques européennes contemporaines, bouscule en outre les institutions et modernise la vie musicale espagnole, introduisant notamment les nouvelles techniques de composition, le dodécaphonisme, le sérialisme, l’aléatoire et l’électronique (il sera directeur artistique du Studio de musique électroacoustique de Freiburg-am-Brisgau en Allemagne de 1978 à 1983). L’objectif est d’ouvrir sur le monde une Espagne fermée sur elle-même à cause de la dictature franquiste, prêchant la modernité tout en conservant l’essence de la musique espagnole. Rapidement reconnu sur le plan international, il profite de sa notoriété pour créer à Rome le groupe Nueva Musica avec lequel il démocratise la création musicale en Espagne. En 1970, il est titulaire de la chaire de musique de l’université de Navarre, et en 1975 président d’honneur du Festival de Royan, ce qui contribue à sa renommée internationale.

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Compositeur essentiellement symphonique et lyrique - genre parmi lesquelles se trouvent plusieurs œuvres d’inspiration religieuse - « D’une certaine façon, disait-il, toute musique véritable est religieuse, possèdant un caractère spirituel » -, Cristóbal Halffter se voit confier par l’ONU la musique de la commémoration du vingtième anniversaire des Droits de l’Homme pour laquelle il compose la cantate Yes speak out yes pour soprano, deux chœurs et deux orchestres qu’il considère lui-même comme une œuvre-clef. Âgé de 70 ans, il dirige le 23 février 2000 la création du premier de ses trois opéras Don Quijote au Teatro Real de Madrid. Suivront Lazaro en 2008 et Schachnovelle d’après le roman éponyme de Stefan Zweig en 2013.

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Parallèlement à la composition, il réalise une brillante carrière de chef d’orchestre et de pédagogue. De 1955 à 1963, il est directeur musical de l’Orquesta Falla. Professeur de composition en 1961 au Conservatoire de Madrid, il en devient le directeur en 1964, poste auquel il renonce deux ans plus tard pour se consacrer entièrement à la composition et à la direction d’orchestre, carrière qu’il développe notamment à la tête de l’Orchestre National d’Espagne à Madrid à partir de 1989. Le troisième de ses fils, Pedro Halffter, suit ses traces comme chef d’orchestre comme directeur artistique du Teatro de la Maestranza de Séville, chef principal et directeur artistique de l’Orchestre Symphonique de Séville et de l’Orchestre Philharmonique Gran Canaria.

Lors d’une longue interview filmée par l’INA en 2006, son ami du conservatoire de Madrid, Luis de Pablo son exact contemporain avait évoqué avec moi quelques souvenirs de Cristóbal Halffter. Aussi, je prends la liberté d’en livrer ici quelques extraits

« Je connais bien Cristóbal Halffter. Depuis très longtemps ; depuis les années cinquante. Je pense que c’est un grand compositeur. C'est peut-être vrai que nous sommes un peu les deux pôles de la musique espagnole de notre génération. Dans la mesure de ces deux pôles, nous sommes très différents l'un de l'autre... Nos rapports, de mon point de vue, sont très positifs. On se voit peu, il voyage autant que moi. Et puis, il a une résidence très belle, loin de Madrid. Dans un château, au Nord-Ouest de l’Espagne. Il s’isole là-bas pour travailler au calme. Il a de la chance parce que c’est vraiment très bien comme endroit ! Je le vois, on se fréquente, mais pas beaucoup ; pas par une raison quelconque, tout simplement par le fait de son isolement volontaire et de nos nombreux voyages respectifs. J'apprécie beaucoup sa musique. Et ce n’est pas seulement une question d’appréciation, je l’aime, tout simplement ; il y a beaucoup de choses de lui... enfin, je l’aime beaucoup comme compositeur. Je pense qu’il penche, c’est mon opinion - je le dis comme une simple opinion -, pour un expressionnisme très outré dans lequel la hauteur est presque effacée au profit des structures extrêmement denses, et une expression toujours très violente. Ce qui est très caractéristique chez lui, c’est que son apport le plus important se réalise essentiellement dans le domaine orchestral. La partie vocale de la musique de Cristobal, toute belle qu’elle soit, est, à mon avis,  moins importante que son œuvre pour orchestre où il a trouvé vraiment quelque chose de personnel, d’immédiatement reconnaissable.

Cristobal et moi avons pris des voies tout à fait différentes. Je pense que Cristobal ne s'est jamais trop intéressé à l'enseignement. Il a été le directeur du Conservatoire de Madrid, dans les années soixante. Mais, cela n’a duré que très peu de temps. Je pense que lui-même a réalisé que l’enseignement ne l'intéressait pas tellement, il a refusé plusieurs postes. Ensuite, je pense que Cristobal, du point de vue organisationnel et institutionnel est plutôt un solitaire. C’est quelqu’un qui pense avant tout à sa carrière de compositeur chef d’orchestre. Cela ne veut pas dire qu’il ne lui arrive pas de faire quelque chose de collectif, mais en général, il reste un peu à l’écart. Il vit, comme on dit chez nous, sa vie à lui. Et de temps à autre, bien sûr, il entretient des relations avec les autres, et avec moi ce sont toujours des rapports positifs. Je pense qu’il ne s’est jamais intéressé aux relations suivies avec ses confrères. Il est vrai aussi, il faut bien le dire parce que c'est important de le savoir, que Cristóbal, en tant que compositeur, a débuté avant moi. Ses premières œuvres reconnues, jouées en Espagne, datent du début des années cinquante - quand il avait vingt-deux, vingt-trois ans au plus. Elles appartenaient à une tradition, si j'ose dire, familiale. C'est-à-dire, son oncle Ernesto, et à travers ce dernier et évidemment, le Falla de la dernière période. Il s’est inscrit dans cette lignée de pensées et de pratiques musicales. Mais il a changé très vite. Au début des années soixante, déjà, il était ailleurs ; il était, je ne dis pas dans ma planète parce que chacun a sa planète, dans une musique qui a accepté l’héritage de la Seconde Ecole de Vienne et de celle de Darmstadt... »

Bruno Serrou